J’ajuste mon casque et me rue sur le toit avec les combattants kurdes. Nous restons courbés pour éviter de former des silhouettes. Car les silhouettes sont autant des cibles potentielles. Des tireurs embusqués de l’État islamique sont tapis là, quelque part dans la ville irakienne de Rabia, juste de l’autre côté de la frontière syro-irakienne. Un sniper des milices kurdes syriennes YPG s’installe dans une position fortifiée armé de son impressionnant fusil de précision, et vise avec soin. Nous nous trouvons dans la ville d’Al-Yarubiyah, du côté syrien de la frontière, en septembre. Plusieurs mois se sont écoulés depuis le début de la contre-offensive kurde contre les combattants de l’État islamique, qui se sont emparés de la majeure partie de l’Est de la Syrie et ont infiltré le Nord de l’Irak. Dans des villes telles qu’Al-Yarubiyah et Rabia, de part et d’autre de la frontière entre la Syrie et l’Irak, les milices kurdes et les combattants de l’État islamique se livrent une lutte sans merci. Juchés sur les toits des bâtiments, tapis derrière des sacs de sable, ils s’affrontent avec des fusils de gros calibre. C’est une guerre tendue, terrifiante – et j’en suis le témoin direct. Le sniper des YPG presse lentement la détente. Dans un souffle violent, le projectile mortel file en direction d’une position ennemie à plusieurs centaines de mètres de là. Puis nous nous mettons à courir.

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Bienvenue à Al-Yarubiyah
Abords de la frontière syrienne
Crédits : Matt Cetti-Roberts

12,7 mm

Rabia s’étend du côté irakien de la frontière, face à Al-Yarubiyah, en Syrie. L’État islamique s’est emparé des deux villes au mois d’août.

Nous courons à l’intérieur. Des tireurs de l’État islamique se terrent dans les parages.

La route qui traverse Al-Yarubiyah et Rabia aurait pu constituer une précieuse voie d’approvisionnement pour les combattants islamistes lors de leur avancée en Irak. Elle contourne le mont Sinjar pour déboucher à Mossoul, la principale place forte des djihadistes dans le Nord irakien. Mais les YPG kurdes – Yekîneyên Parastina Gel en kurde, c’est-à-dire les « Unités de protection du peuple » – ont réussi à reprendre Al-Yarubiyah et à défendre la route. Après avoir combattu les djihadistes et le régime brutal du président syrien Bachar el-Assad, les milices démocratiques kurdes progressent désormais à travers la zone frontalière, en direction de Rabia. Les YPG ont réussi une percée de deux kilomètres à l’intérieur de la ville. Les combats ont été rudes. B’sher, un journaliste local (et mon fixeur), nous conduit de la ville de Derike, au Kurdistan syrien, jusqu’à une base des YPG à proximité d’Al-Yarubiyah. Nous voulons obtenir l’autorisation de pénétrer dans la ville proprement dite. C’est la première fois que j’entre en contact avec les YPG ainsi qu’avec les YPJ, la branche féminine des milices kurdes. D’emblée, je suis frappé par le professionnalisme des miliciens kurdes. Leurs armes sont bien nettoyées, et les combattants semblent sur le pied de guerre. En sillonnant le camp, j’aperçois furtivement les armes improvisées qui ont fait la réputation des YPG et de leurs alliés de l’Armée syrienne libre.

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Fusil de sniper 12,7 mm
L’arme des tireurs embusqués kurdes
Crédits : Matt Cetti-Roberts

Au début, ces armes étaient plutôt rudimentaires – des véhicules renforcés de plaques d’acier, par exemple. Les médias occidentaux se sont parfois moqués de ce type de bricolage. Mais l’imposant mortier que j’ai vu à Al-Yarubiyah semble, lui, rudement sophistiqué. L’armement des YPG s’est amélioré au fil des batailles. B’sher m’apprend que les milices kurdes vont désormais jusqu’à produire leurs propres tanks, dans une usine spécialement dédiée. Notre conducteur nous emmène jusqu’à une tour d’immeuble située non loin. Nous empoignons nos gilets pare-balles et nos casques, et courons à l’intérieur. Des tireurs de l’État islamique se terrent dans les parages. Dans le couloir, nous louvoyons entre les boîtes de munitions entassées. En gravissant les escaliers qui mènent au poste de tir, nous croisons des combattants des YPG et des YPJ. Là, tout en haut, à côté de la porte qui donne sur le toit, un fusil à lunette de calibre 12,7 mm repose contre un mur.

Sur les toits

Un des combattants de la cage d’escalier me demande d’où je viens, dans un anglais parfait. Il est né dans le Nord de Londres et a rejoint les YPG il y a quatre ans. B’sher et moi mettons nos casques et nous hâtons d’accéder au toit, en prenant soin de rester courbés. Dehors, un jeune sniper des YPG s’abrite derrière un muret renforcé par des sacs de sable. Son fusil a été bricolé. Il tire d’imposantes munitions de calibre 14,5 millimètres. « Les munitions de 14,5 millimètres sont trop grosses, déplore le combattant de Londres. Nous ne pouvons pas porter suffisamment de munitions. Le 12,7 millimètres est mieux adapté au tir embusqué. Plus pratique. »

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Quatre AK-47
Les armes des YPG
Crédits : Matt Cetti-Roberts

« Quand nous tirons depuis le toit, la déflagration projette de la poussière vers le haut, poursuit-il. Nous nous faisons souvent tirer dessus en retour : ils essaient d’éliminer nos snipers. » Les attaques des djihadistes sont fréquentes. « Il y a eu une attaque d’ISIS il y a deux jours », se souvient le combattant britannique, en employant l’un des nombreux sigles servant à désigner l’État islamique (Islamic State of Irak and Syria). « Ils ont utilisé deux voitures remplies d’explosifs mais nous avons pu les arrêter à temps. » « Leur attaque a raté de peu », ajoute-t-il. Il explique que l’État islamique a renforcé ses lignes avec des mines et des pièges. « L’autre jour, un de nos combattants a essayé de ramasser une mine, et une autre était cachée dessous, raconte-t-il. Le dispositif était conçu pour se déclencher du fait de la diminution de pression. » Tandis que le sniper s’apprête à tirer, un détail attire mon attention sur le mur de briques à sa gauche. Un large impact est visible, percé d’un trou de plus petit diamètre. Visiblement, le camp d’en face dispose aussi d’armes de gros calibre, capables de pénétrer la brique.

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Mazloum se met à couvert
Le long du mur pare-souffle
Crédits : Matt Cetti-Roberts

Les combattants nous demandent de nous abriter dans la cage d’escalier quand le sniper ouvrira le feu. Les tireurs embusqués attirent souvent le feu de l’ennemi. En visant soigneusement à travers sa lunette, le tireur d’élite presse lentement la détente. Une forte détonation retentit, et le fusil recule en projetant un nuage de poussière. Nous nous replions dans l’abri tout relatif formé par l’embrasure de la porte. Mais cette fois-ci, il n’y a pas de riposte. À l’intérieur, un combattant du nom d’Azad me salue. Il me montre le muret qui fait face à la porte du toit. « Parfois ils tirent à travers la porte », dit-il en anglais, en désignant deux impacts de balle dans la maçonnerie. Tandis que l’écho d’un second coup de feu retentit dans l’escalier, je demande à Azad quelle est la cible du sniper. Il me répond qu’ils essaient d’éliminer les positions de tir de l’État islamique. Azad, lui aussi, précise qu’il préfère le 12,7 millimètres au 14,5 millimètres. Nous sortons et courons jusqu’à un bâtiment situé à proximité. À l’étage, plusieurs combattants des YPG et des YPJ font relâche. Des armes sont posées contre le mur. À la télévision, une chaîne d’information kurde montre des images des combats à Kobané, cette ville à la frontière turque récemment encerclée par l’État islamique.

Le professeur

B’sher s’en va pour parlementer avec un commandant local et demander une autorisation qui nous permettra de nous rapprocher du front. Je m’assois sur un divan. Azad s’assoit à côté de moi. De sa voix douce, il me raconte qu’avant de rejoindre les YPG, il était professeur d’anglais. Pendant que nous discutons, les coups de feu du sniper résonnent dans le bâtiment. « Les combattants de l’EI ne sont pas très nombreux à Rabia, m’indique Azad. Ils ont essuyé beaucoup d’attaques aériennes et sont occupés à combattre ailleurs. Ils sont ici pour s’assurer que nous restons où nous sommes. » Il ajoute qu’il a fallu environ douze jours pour reprendre une petite partie de Rabia aux militants. Les combats n’ont jamais cessé depuis. « Quand ils nous ont attaqués l’autre jour, les balles arrivaient de partout, raconte-t-il. Nous avions encore peu de combattants ici, un effectif réduit. Mais nous avons réussi à les contenir jusqu’à l’arrivée des renforts. »

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Le professeur d’anglais
Azad se repose quelques heures
Crédits : Matt Cetti-Roberts

Il explique que les djihadistes tirent dès qu’ils pensent avoir repéré des combattants des YPG. « Pendant l’attaque, j’ai ouvert le feu sur jusqu’à cinq cibles en même temps, avec mon fusil 14,5 millimètres, se remémore-il. La plupart des cibles étaient à environ deux kilomètres. Pas besoin de viser dans ces conditions, mais on ne peut pas savoir si on a touché ou pas. » Il rapporte que les balles de 14,5 millimètres traversent facilement les murs, parfois même plusieurs à la fois, pour venir fuser à travers les bâtiments. Les positions des djihadistes sont bien protégées. Et ils disposent d’une grande quantité de matériel. Y compris des tanks. « Les combattants de l’État islamique ont un seul tank dans la ville en ce moment, mais ils ont beaucoup de postes de tir différents, explique Azad. Ils tirent une fois puis déplacent le tank. »

Face à nous, une pancarte de bienvenue : « La Syrie remercie votre visite. »

Il me montre du doigt une tour visible de la fenêtre, qui servait autrefois de poste d’observation pour les YPG. « Quand l’État Islamique avait plus de tanks en ville, cette tour a été prise sept fois pour cible. » Il pense que l’attaque était une démonstration de force de la part de l’État islamique, et que les militants veulent retenir les YPG à Al-Yarubiyah. « Cet endroit a été tenu par l’armée syrienne, puis par l’EI et enfin par les YPG », précise-t-il à propos de la pièce dans laquelle nous nous trouvons. Il désigne les autres combattants qui se reposent autour de nous : « Tous ces gars sont des snipers. » Nous buvons le thé et parlons politique, puis B’sher réapparaît. Nous disons au revoir. B’sher me demande de le suivre. Nous courons d’immeuble en immeuble jusqu’à atteindre le côté syrien de la frontière. Face à nous, une pancarte de bienvenue : « La Syrie remercie votre visite. »

Dans la tempête

Nous sommes à présent à Rabia. Une tempête de sable arrive, recouvrant les bâtiments délabrés des deux villes et limitant parfois notre visibilité à moins de deux cents mètres. En émergeant de l’arrière d’un édifice, nous nous retrouvons derrière une large section de mur pare-souffle. Deux camionnettes surmontées de mitrailleuses lourdes pointent en direction des lignes de l’État islamique. Des combattants des YPG attendent à proximité, prêts à rejoindre leurs positions à la moindre alerte.

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Le mur pare-souffle
Un combattant kurde prêt à prendre son poste
Crédits : Matt Cetti-Roberts

Le sol est jonché de boites de munition vides et de douilles usagées. Nous sommes sur une des lignes d’appui destinées à couvrir les troupes au front. La mission de l’équipe de soutien consiste à opérer un tir de suppression juste au-dessus des hommes au contact direct des djihadistes, à quelques centaines de mètres de nous. Nous nous abritons derrière le mur pare-souffle, au son des mitrailleuses lourdes qui tirent sporadiquement. Les balles sifflent au-dessus de nos têtes. Le commandement des YPG nous fait savoir que nous disposons de deux heures dans la ville – mais nous devons attendre la permission pour avancer jusqu’à la ligne de front. Dans tous les cas, il faudra nous y rendre avant la fin de l’après-midi, car c’est généralement à ce moment de la journée que les insurgés ouvrent le feu sur les positions des YPG. L’attaque précédente – l’attentat-suicide avec les véhicules piégés – s’est déroulée un peu plus loin sur la route où nous patientons. Un large cratère, invisible de là où nous sommes, témoigne du sort d’un des deux véhicules. Les combattants des YPG nous montrent la photo d’un véhicule blindé qui a également pris part à l’offensive. Ils sont parvenus à l’abattre avant qu’il ne s’approche trop. Le vent se lève, faisant tourbillonner la poussière autour de nous. En plissant des yeux, nous progressons vers un bâtiment pour aller prendre le thé. C’est là que nous rencontrons Mazloum, un ami de notre interprète. Mazloum est photographe de guerre aux YPG. Il prend des photos et tourne des vidéos destinées à leurs communiqués de presse. Nous parlons appareils photo et plaisantons en buvant le thé.

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Une vigie des YPJ et Mazloum
Quelques heures après cette photographie, Mazloum sera abattu par un tireur djihadiste
Crédits : Matt Cetti-Roberts

Ici, les bâtiments sont couverts de graffitis. Blagues de combattants, slogans des YPG, hommages aux disparus. Contre les murs, des fusils. En-dehors de leurs armes, les combattants ont peu d’affaires avec eux. Il faut pouvoir se déplacer vite. Plusieurs longues rafales de mitrailleuse se font entendre. Nous sortons et courons jusqu’au mur pare-souffle. Un obus de mortier vient siffler à nos oreilles. Tout le monde s’éparpille dans la poussière. Mais l’obus explose ailleurs sur la ligne et nous nous relevons en souriant, époussetant la poussière d’Irak qui macule nos vêtements. Nous voulions continuer notre progression vers une position avancée des YPG, mais on nous fait savoir qu’il est trop dangereux de poursuivre.

Son visage ne montre aucune émotion. Aucun plaisir. Elle ne fait que son travail.

L’échange de tirs s’intensifie. Nous grimpons sur le toit du bâtiment où nous avons pris le thé. Deux combattantes des YPJ nous offrent une place sur leur divan. Face au divan, il y a deux vieilles tables basses couvertes d’équipement militaire et de munitions. Contre le mur, une mitrailleuse PKM côtoie un fusil de précision Dragunov et un fusil d’assaut Kalachnikov. Il y a un lance-roquettes dans un coin, et aussi des roquettes et des ogives soigneusement entreposées dans un sac suspendu au toit. Les deux femmes montent une garde attentive. À tout moment, au moins une d’entre elles guette les environs à travers les ouvertures pratiquées dans le mur. Elles nous montrent les drapeaux noirs de l’État islamique qui flottent au sommet de deux bâtiments distants. Je jette un œil à travers l’ouverture et aperçois des bâtiments détruits. Une mosquée en ruine et une maison au toit et aux murs éventrés. Azad me révèlera plus tard que cette maison abrite un sniper de l’État islamique. Une des combattantes des YPJ se saisit du Dragunov. Elle a vu quelque chose.

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Une tireuse embusquée des YPJ
Fusil de précision Dragunov
Crédits : Matt Cetti-Roberts

Ce « quelque chose » pourrait être un sniper de l’État islamique en train de changer de position. Nous observons à la dérobée. La tireuse d’élite, accroupie, prend garde à rester à couvert derrière les sacs de sable. Elle pose un genou à terre, le canon de son arme introduit dans l’orifice du mur. Elle ajuste à travers son viseur – posément, pour ne pas perdre sa cible de vue – et déplace avec précaution sa main vers le cran de sûreté. Un mouvement lent, un clic métallique : le fusil est prêt à tirer. Son doigt repose légèrement sur la détente. Lentement, elle réduit le jeu jusqu’à ce que l’arme fasse feu. En continuant d’observer à travers son viseur, elle réenclenche le cran de sûreté. L’autre combattante des YPJ la rejoint et contrôle la zone avec ses jumelles. La forme aperçue par la sniper, quelle qu’elle soit, ne bouge plus. Son visage ne montre aucune émotion. Aucun plaisir. Elle ne fait que son travail. Nous avons dépassé les deux heures qui nous étaient allouées, il est temps de rentrer. Mais plusieurs longues rafales de mitrailleuse se font entendre à proximité. À nouveau, nous nous réfugions derrière le mur pare-souffle. Les artilleurs grimpent sur les deux camions, arment les mitrailleuses et cherchent des cibles à portée. Ils communiquent avec leurs supérieurs via une radio qu’ils s’échangent régulièrement.

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Dans la tempête
Les YPG en position de tir
Crédits : Matt Cetti-Roberts

Au bout de quelques minutes, les tirs se calment – on n’entend plus que de rares coups de feu. L’air se charge en poussière. Un combattant ramène des pommes. Nous sommes en train de manger quand les djihadistes nous envoient un autre obus de mortier – c’est la bouche encore pleine que nous nous jetons au sol. L’obus atterrit ailleurs, plus loin. Aucun ordre de tir ne parvient aux artilleurs, qui laissent tomber. Nous revenons sur nos pas à travers la tempête de sable. Nous n’interrompons notre course que lorsque des unités de renseignement d’Asayesh (les forces de sécurité kurdes irakiennes, ndt), postées dans un abri du côté syrien de la frontière, nous demandent avec insistance de prendre une photo avec eux. Quand nous arrivons à la tour, notre point de départ, nous sommes trempés de sueur. Dans la salle de repos, mon gilet pare-balles amuse. Les combattants des YPG n’en portent pas – pas vraiment par choix, mais parce que les milices kurdes n’ont pas les moyens de s’en procurer. Pour autant, les Kurdes pensent que je suis fou de trimbaler un tel poids.

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À l’abri
Le tonnerre gronde au-dessus du front
Crédits : Matt Cetti-Roberts

Azad me raconte la façon dont son équipe opère. Les snipers des YPG agissent en binômes – une vigie et un tireur –, comme dans les armées occidentales. La différence principale, ajoute-t-il, c’est que les tireurs d’élite occidentaux possèdent des instruments qui leur permettent de calculer l’influence du vent et des différentes conditions de tir. Azad me regarde en se tapotant la tête : ces informations, lui les garde « là-dedans ». Il regarde par-dessus mon épaule tandis que je fais défiler mes photos. Je m’arrête sur l’image d’une maison. « — Ils nous visent souvent de là, me dit-il. J’ai tiré sur cette maison à plusieurs reprises. — Ils tirent depuis l’intérieur ? — La plupart du temps, non. Ils tirent de derrière la maison, pour s’assurer que quelque chose s’interpose entre eux et nous. Ils tirent à travers un obstacle, de dessous ou encore entre deux obstacles, pour cacher la déflagration lumineuse et le nuage de poussière de leurs armes. Comme nous. » La foudre crépite dans la tempête de sable tandis que je me dirige vers mon lit. Les coups de feu claquent et les mortiers tonnent tandis que je somnole.

~

Tôt le lendemain matin, B’sher me prévient que nous devons partir. Une attaque se prépare. Nous faisons nos adieux aux snipers. Ce n’est qu’une fois en sécurité relative à Derike que B’sher se confie à moi. « La nuit dernière, Mazloum était sur le toit de notre bâtiment, m’explique-t-il. Il s’est fait tuer par un sniper. » Après notre départ, l’État islamique a lancé une grande offensive contre les positions des YPG à Rabia. Les djihadistes ont aussi exécuté plusieurs villageois arabes dans la zone, après avoir appris que ceux-ci aidaient les Kurdes à identifier leurs positions. Deux jours plus tard, les médias kurdes ont annoncé que les forces kurdes avaient pris Rabia et mis l’État islamique en déroute. L’action combinée des forces Peshmerga (les combattants kurdes irakiens, ndt), de l’armée irakienne et des frappes aériennes américaines et britanniques avaient permis d’éloigner les djihadistes de la ville.

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Un combattant des YPG
Patrouille à Rabia
Crédits : Matt Cetti-Roberts


Traduit de l’anglais par Yvan Pandelé d’après l’article « On the Lonely Iraq-Syria Border, Snipers Battle for a Strategic Road », paru dans War is Boring. Couverture : Un poste de tir kurde, par Matt-Cetti Roberts.