Constanta est une ville portuaire de Roumaine sur les côtes de la mer Noire<Crédits : Google Earth

Constanta
Ville portuaire de Roumanie sur les côtes de la mer Noire
Crédits : Google Earth

C’est une belle journée de juillet sur la côte de la mer Noire. Je savoure une bière en terrasse du restaurant de l’hôtel Saturn lorsqu’un homme d’une trentaine d’années aux cheveux grisonnants s’approche de moi. Il porte un t-shirt blanc et tient dans sa main un petit sac. L’homme me demande : « Chanel n°5, ça te dit ? » Ma curiosité professionnelle me pousse à tenter d’en apprendre plus sur ce que ces marchands ambulants essaient de vendre. Je lui réponds : « Fais voir ce que tu as. » Le vendeur regarde autour de lui. Le boulevard est noir de monde et des officiers de police patrouillent non loin. Le gérant du restaurant le dévisage. Il fouille dans sa pochette blanche, l’air inquiet. Au bout de quelques secondes, il m’annonce qu’il n’a pas de Chanel n°5, mais il me propose des parfums Christian Dior et Paco Rabanne pour 25 euros. « Je ne peux pas choisir les marques là où je me fournis », m’explique-t-il. Il semble un peu déçu. « Je les prends juste sur un tas. » Ce colporteur est le dernier maillon d’une chaîne qui prend sa source en Chine et passe par Dubaï avant d’échouer sur les côtes de l’Union européenne. Il achète sa marchandise à un intermédiaire qui achète lui-même les parfums à un distributeur. Lequel fait entrer les produits en Roumanie par le port de Constanta sur la mer Noire. Chaque jour, des milliers de conteneurs passent par ce port. La douane et la police des frontières en inspectent rarement plus de quelques dizaines. Et toutes ces marques sont des contrefaçons.

 Fake

Une sirène stridente retentit. Une grue déplace un conteneur de vingt tonnes posé sur une plate-forme de stockage pour le déposer à l’arrière d’un camion. Des agents chargés des contrôles aux frontières circulent au milieu des poids lourds et du bruit des engins de chantiers. Certains sont en civils, d’autres sont armés. La brise marine, mêlée au vrombissement du moteur des camions et au grondement des grues, créée une atmosphère d’usine en plein air. Des agents portent des uniformes bleus, sur lesquels une écriture à demi effacée indique « DOUANE ». Ils prennent les conteneurs en photo, réclament les papiers et coupent les bandes de sécurité au cutter pour en vérifier le contenu.

Le port de Constanta est un important relais commercial vers l'EuropeCrédits : Wikimedia

Le port de Constanta est un important relais commercial vers l’Europe
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Je me trouve au port de marchandises de Constanta Sud Agigea. Ici, les véhicules transportent les conteneurs depuis la zone libre jusqu’à une entreprise de courtier en douane, qui remplit les documents nécessaires à l’importation de marchandises en Roumanie. Les conteneurs sont ensuite inspectés par une équipe de douaniers et de policiers des frontières, assistés par une unité de lutte contre le crime organisé. Les conteneurs sont ainsi scannés par une machine. S’ils ont des doutes, les douaniers et les policiers ouvrent les conteneurs et inspectent chaque objet se trouvant à l’intérieur. Cette opération peut prendre toute une journée. S’ils trouvent des objets de contrefaçon pendant leur fouille, ils sont saisis par la douane et des poursuites criminelles sont alors engagées. Le personnel de sécurité est d’autant plus vigilent avec les produits importés depuis des régions à haut risque, comme l’Asie du Sud-Est, la Chine, la Thaïlande et le Moyen-Orient. Cependant, seule une petite partie des conteneurs sont soumis à un examen aussi rigoureux. La police des frontières roumaine me rapporte que c’est en 2008 qu’ils ont saisi le plus de contrefaçons de cosmétiques, avec un total de 433 000 parfums saisis. Ce chiffre constitue une augmentation de 1 000 % par rapport à 2007. La plupart des contrefaçons de parfums sont celles de marques comme Versace, Chanel, Prada, Gucci, Bvlgari, Boss, Thierry Mugler, Dior, Nina Ricci et Givenchy – qui sont vendues relativement chers sur le marché. La majorité de ces produits contrefaits provient de Chine, de Turquie, de Hong Kong, et des Émirats arabes unis. Pour se rendre en Europe, ils ont le choix : ils peuvent soit passer dans les terres, par la Turquie, la Bulgarie ou la Roumanie, soit par la mer, de la Chine à la Roumanie. C’est la raison pour laquelle les trafiquants de faux parfums privilégient les pays d’Europe de l’Est.

Versace, Chanel, Prada, Gucci... sont les contrefaçons les plus courantesCrédits : Wikimedia

Ces contrefaçons inondent le marché européen
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J’ai enquêté sur une affaire récente pour comprendre le fonctionnement de ce système. Le 31 août 2012, une équipe conjointe d’inspecteurs des douanes et de gardes côtiers a découvert un conteneur renfermant près de deux mille flacons d’eau de toilette. Tous les produits étaient étiquetés d’après une célèbre marque de parfum. L’importateur était Good Price Diverscom SRL, une entreprise roumaine créée 28 jours plus tôt. Officiellement, elle vendait au détail des biens ménagers. Le siège de l’entreprise se trouvait dans un petit village aux abords de Bucarest. La propriétaire – également directrice de l’entreprise – s’appelle Galina Zubco. Née en 1957 en Moldavie, elle est titulaire d’une double nationalité moldave et roumaine. Zubco m’a confirmé que l’eau de toilette avait été commandée en ligne à une entreprise située en Chine. Elle affirme que la marchandise n’était pas encore « de marque » lorsqu’elle a passé commande. « Nous avons montré les catalogues chinois des parfums à nos clients et ils ont fait leur choix », m’explique-t-elle. « Les parfums proposés dans le catalogue n’avaient pas de marque. » Elle soutient que la marchandise a été confisquée parce qu’un « informateur anonyme » l’a dénoncée à la Brigade financière. Elle ajoute tout de même que les procureurs n’ont pas engagé d’enquête criminelle car cela n’impliquait pas de perte financière pour le propriétaire de la marque. Zubco affirme que le détenteur des produits contrefaits ne l’a jamais informée qu’ils étaient faux. Si les représentants de la marque ne formulent aucune plainte, les autorités nationales n’ont pas le droit de s’opposer à l’entrée sur le marché de ce qui pourrait être des cosmétiques contrefaits et potentiellement dangereux, présentés comme des articles de luxe. C’est de cette façon que les contrefaçons de parfums sont finalement vendues dans la rue.

Ces étiquettes de contrefaçons ont l'air authentiquesCrédits : React

Ces étiquettes de contrefaçons ont l’air authentiques
Crédits : React

Lorsque les autorités saisissent des cosmétiques suspects, les services de douane et la police des frontières en informent le propriétaire de la marque déposée pour qu’il puisse prendre des mesures. Le propriétaire en question ou ses représentants décident alors si les produits sont faux et s’ils choisissent d’engager d’autres poursuites. Les produits sont généralement détruits par la police aux frais de la marque. Il arrive néanmoins que le propriétaire décide qu’une infraction de ce genre ne va pas vraiment à l’encontre de ses droits de propriété. Dans ce cas, les parfums sont rendus à l’importateur. « Soit les représentants de la marque ne nous répondent pas, soit la quantité saisie n’est pas assez importante. Et à cause de la crise financière, ils n’analysent pas les produits. La démarche est coûteuse », déplore Gabriel Calimente, commissaire en chef et officier spécialisé dans les droits de propriété intellectuelle (DPI) pour la Garde côtière roumaine. Les parfums et cosmétiques confisqués au port Constanta Sud Agigea sont stockés dans un hangar de la taille d’un bâtiment de quatre étages. Dans le hangar cadenassé se trouvent de larges caisses de produits contrefaits répartis sur quatre énormes supports métalliques. Sur l’une des caisses, on peut lire « Certier » au lieu de Cartier, ou encore « Chonel » pour Chanel sur une autre. Les lunettes de soleil d’Eduard Gheorghe reposent sur son front tandis qu’il marche entre les caisses. Si on ne voit pas le petit logo sur la manche de son bras gauche, rien ne laisse deviner qu’il fait partie des 70 agents de douane du Constanta Sud Agigea. Il m’explique : « Il y a deux types de contrefaçons de parfums. Il y a ceux dont l’apparence est identique à celle des parfums de marques connues, et il y a ceux où une lettre a été modifiée dans le nom et dans le logo. » Quand de « vrais » parfums sont importés dans le pays, le propriétaire de la marque informe la douane au préalable. Il donne aussi des détails sur la cargaison du conteneur. S’ils reçoivent un lot de produits de la marque Chanel ou Paco Rabanne non prévu, les douanes et la police des frontières agissent immédiatement. Les agents de douane du Constanta Sud Agigea me confient que la quantité de faux parfums saisie augmente d’année en année. La plus grosse saisie pour un seul véhicule a été effectuée en décembre 2012, avec un lot d’une valeur de 1,4 million d’euros.

Les contrefaçons traverse le continent pour arriver jusqu'à l'Europe de l'ouest

Les contrefaçons traversent le continent pour arriver jusqu’en Europe de l’Ouest

L’État dans l’État

On a coutume de dire que le Constanta South Container Terminal (CSCT, Terminal de conteneur de Constanta Sud) est « un État dans l’État », et ses employés sont ostensiblement armés. Les agents des douanes et de la police des frontières n’ont pas le droit de pénétrer dans la zone où les conteneurs sont déchargés des navires. S’ils ont besoin de s’y rendre, ils doivent annoncer leur arrivée dans la zone. la CSCT est une entreprise créée en 2003 avec DP World Gold Port Limited, une société mère off-shore basée dans les Îles Vierges Britanniques. Le terminal du port maritime de Constanta Sud Agigea, en activité depuis avril 2004, appartient à l’entreprise. Fin 2003, le gouvernement roumain a fait une offre publique pour louer le terminal pour une durée de vingt ans.

REACT lance des raids en entreprise et entame des formalités juridiques dans presque tous les pays de l’Union Européenne.

C’est CSCT, entreprise créée quelques jours seulement avant l’offre, qui l’a remportée. À cette époque, la société appartenait à la Dubai Port Authority, l’une des trois plus grandes entreprises publiques de Dubaï. Aujourd’hui, le terminal a une capacité de 1,3 million d’EVP (soit un conteneur standard) et projette d’atteindre les 3,5 millions. Une capacité que ne peuvent assumer seuls les 70 agents de douane qui travaillent à Constanta Sud Agigea. Lorsqu’on sait qu’il n’y a pas suffisamment de personnel et que le matériel est de mauvaise qualité, il n’est pas surprenant que des centaines de conteneurs emplis de faux parfums se déversent en Europe en transitant par ce terminal. En moyenne, la valeur d’un seul conteneur – qui fait la taille d’un camion – rempli de faux parfums varie entre un et trois millions d’euros. Les organisations officielles payées pour suivre la trace des biens de contrefaçon refusent de parler de ce boom des faux cosmétiques qui menace leur base et trompe les consommateurs. L’association pour la lutte contre la contrefaçon, « REACT », est une organisation à but non lucratif dont le siège se trouve aux Pays-Bas. Elle a plus de vingt ans d’expérience dans le domaine de la contrefaçon et compte 190 membres spécialisés dans des secteurs comme les cosmétiques, le tabac ou la pharmacologie. REACT lance des raids en entreprise et entame des formalités juridiques dans presque tous les pays de l’Union Européenne. Quand je l’interroge sur les parfums de contrefaçon, un membre de siège de l’association se refuse à faire tout commentaire et me dit de m’adresser à un avocat en Roumanie. Cet avocat, c’est Gabriel Turcu. Il représente la majorité des producteurs de parfum en Roumanie. C’est aussi lui que les autorités contactent en cas de violation des droits de propriété dans l’industrie des parfums. Il avait d’abord accepté de me parler de la vente de faux parfums sur le marché noir, avant de finalement se rétracter. Les membres de REACT en Chine et en Turquie ont également refusé de répondre à mes questions.

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Eduard Gheorghe
Douanier du port d’Agigea
Crédits : Adrian Mogos

Lorsque je les ai questionnées à propos du marché noir et de leur lutte contre les faux parfums, les entreprises originelles ont eu des réactions diverses. Chanel et Procter & Gamble Prestige – qui produit les parfums Dolce & Gabbana et Escada – ont accepté de s’exprimer sur le sujet. Versace s’est excusé et a refusé de parler. Prada, Hugo Boss, Gucci et Bvlgari ont également refusé de répondre. Un responsable de Chanel m’a confié que la contrefaçon en Europe engrange près de deux milliards d’euros chaque année, ce qui revient à une perte de 100 000 emplois et un manque à gagner sur les taxes. Il a aussi insisté sur le fait que le système juridique français a été renforcé au cours des dernières années suite à une importante campagne de sensibilisation du public, initiée par l’industrie du luxe. En France, la fabrication, l’importation ou la distribution de produits contrefaits est passible de deux à trois années d’emprisonnement et d’une amende pouvant varier entre 150 000 et 30 000 euros. Chanel était parmi les premières entreprises à créer une structure interne pour lutter contre ce problème, mais également contre la revente sur des marchés parallèles, y compris celle de biens volés. Procter & Gamble Prestige a affirmé que l’entreprise s’attachait à observer une « discipline rigoureuse » pour s’assurer que leurs produits soient uniquement commercialisés par les revendeurs agréés. « Nous coopérons désormais avec la police aux frontières et avec la douane roumaine, qui font un travail remarquable », affirme une déclaration officielle. « C’est un problème de l’industrie que nous prenons très au sérieux. » Les enfants sont devenus les victimes des contrefaçons de mauvaise qualité. En 2011, à Baia Mare, dans le nord de la Roumanie, trois fillettes âgées de 12 à 13 ans ont atterri en soins intensifs après s’être vaporisées un parfum senteur lilas, qui aurait apparemment été produit en Chine. Elles ont ressenti des nausées et des vertiges. Ce n’est là qu’un parmi des centaines de cas de dommages causés chaque année par des cosmétiques de mauvaise qualité.

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Des douaniers examinent des containers
Crédits : Adrian Mogos

« Les produits de contrefaçon sont très toxiques », confirme le commissaire adjoint Aurel Dobre, un agent de la police roumaine spécialisé dans les droits de propriété. « Ces produits sont extrêmement dangereux pour la santé. La personne qui fabrique ces faux parfums tient à les produire à un coût minimal. Si le prix pour un vrai parfum est de 250 lei (57 euros), celui d’une marque similaire factice coûte 50 lei (11 euros). Cette contrefaçon est achetée dans un entrepôt clandestin. Il est ensuite revendu trois fois plus cher dans la rue. » L’autorité nationale de protection des consommateurs (ANPC) roumaine reconnaît le phénomène des cosmétiques de contrefaçon. On a constaté des irrégularités chez plus de 65 % des producteurs, importateurs, distributeurs et vendeurs de cosmétiques inspectés. Entre 2007 et 2012, les inspecteurs de l’ANCP ont distribué près de 3 500 amendes dans l’industrie des cosmétiques, soit un total de 1,9 million d’euros. L’ANPC reçoit chaque année 260 plaintes à propos des cosmétiques, soit près d’une par jour. La Commission Européenne a mis l’accent sur le domaine de la piraterie et de la contrefaçon. Et le Bureau du Procureur Général roumain à la Cour suprême de justice a dû créer en février 2006 un groupe pour lutter contre ce type de trafic. « La vente en ligne de faux parfums a explosé », ajoute Aurel Dobre. Mais l’augmentation du nombre de ventes de faux parfums sur Internet en gros et au détail a également attiré l’attention d’Europol. Ces derniers, ainsi qu’Interpol, nous mettent en garde : la vente de produits de contrefaçon est une importante source de revenus pour les réseaux de crime organisé, mais elle est aussi une source de financement pour le terrorisme.

Le terminal de Costanta Sud Agigea appartient à DP WorldCrédits : DP World

Le terminal de Constanta Sud Agigea appartient à DP World
Crédits : DP World

Monica Pop est le procureur qui dirige le département au Bureau du Procureur Général. Elle affirme que la législation roumaine est l’une des plus sévères dans le domaine parmi les États membres de l’Union européenne. Cependant, elle constate que les enquêtes du procureur sont devenues plus complexes maintenant que le crime s’est étendu sur Internet. Cela s’explique car les crimes portant atteinte aux droits de la propriété sont souvent considérés comme moins dangereux que le trafic d’armes ou de drogues, une perception aujourd’hui exploitée par les gangsters. L’Évaluation de la menace que représente la criminalité organisée (EMCO) a publié des rapports publics révélant que la Chine est le premier pays producteur de faux parfums, jouets et textile. Les groupes de crime organisé chinois sont impliqués. Un rapport indique que la marchandise passe souvent par des zones de libre-échange aux Émirats arabes unis. La pistes des faux produits est ensuite perdue, et c’est là que le nouveau logo, presque similaire à l’original, est imprimé. C’est pourquoi Europol affirme que les plus importantes saisies réalisées à la frontière de l’Union européenne viennent en réalité des Émirats. La Camorra, la mafia napolitaine, et la ‘Ndrangheta, la mafia de Calabre, sont en lien avec la mafia chinoise pour importer de tels produits en Europe. La majorité des faux parfums est vendue dans les rues par des groupes très organisés. Beaucoup d’entre eux ont abandonné le trafic de drogues pour se concentrer sur la vente de faux parfums, ce crime étant considéré comme moins grave par le public. Les profits sont en outre considérables et la sanction relativement faible.

Le crime organisé

En 2010, au terme d’une surveillance d’un an, l’un des plus grands réseaux criminels dans le trafic de faux parfums a été démantelé par la DIICOT, l’Organisation roumaine de lutte contre le crime organisé. Le réseau en question était dirigé par trois citoyens turques résidant en Belgique et aux Pays-Bas. Certains des 24 membres du réseau ont déjà été reconnus coupables, les autres attendent une décision de la cour. Selon l’accusation, leurs chefs avaient le soutien de policiers et de douaniers roumains et bulgares. Ils ont fait entrer dans l’Union européenne huit conteneurs transportant de faux parfums en provenance de Chine et de Turquie. La valeur totale de la marchandise s’élevait à près de 35 millions d’euros. Les autorités roumaine et hongroise ont saisi cinq des huit conteneurs. Les trois autres sont sous surveillance, entre la Roumanie et la Belgique, pour pouvoir remonter jusqu’au réel bénéficiaire de cette marchandise de contrefaçon.

Les avocats des détenteurs des droits de propriété n’aident pas à traquer les convois illégaux.

Certains des membres du réseau ont été condamnés à une peine de quinze ans de prison. Ils ont été inculpés pour corruption, création d’un groupe de crime organisé, contrebande, contrefaçon de marques, contrefaçon et blanchiment d’argent. D’autres attendent encore une décision de la cour. À l’époque de l’investigation des procureurs roumains, Mustafa Avci – le chef du réseau –, était mis en examen en Allemagne pour avoir créé un groupe qui importait des cigarettes de Chine jusqu’en Europe par Anvers. En 2009, Mustafa Avci, citoyen hollandais résidant en Belgique, Vahdet Alibeyogullari, qui vivait aux Pays-Bas, et Vedat Vurgun, qui habitait en Roumanie, ont monté une entreprise qui importait des faux parfums produits en Chine et en Turquie pour les vendre en Europe occidentale. Les trois hommes sont d’origine turque. La commande de faux parfums a été passée en Chine à une entreprise située dans la banlieue de la ville de Zhongshan, près de la mer de Chine méridionale. Ils ont ensuite été chargés sur des navires dans un port situé près de Hong Kong. Leur destination : Constanta Sud Agigea. Selon les documents d’expédition, les conteneurs transportaient des mannequins en plastique. Le siège de l’entreprise était situé à Sibiu, une ville en Transylvanie, élue capitale européenne de la culture en 2007. Parmi les membres du réseau se trouvait un agent de douane roumain qui touchait 3 500 euros pour chaque cargaison qu’il laissait passer sans être inspectée. Un policier à la frontière entre la Roumanie et la Hongrie recevait lui 3 000 euros. Officiellement, les camions importaient des cuvettes de toilettes en céramique en Roumanie. Le réseau se servait aussi d’entreprises fictives comme destination, ou de compagnies de transport dont le nom était utilisé à leur insu.

La police des frontières, Interpol et Europol s'entraidentCrédits : Europol

La police des frontières, Interpol et Europol s’entraident
Crédits : Europol

Le réseau d’Avci transportait des camions de faux parfums depuis la Turquie afin de financer les commandes chinoises. Chaque semaine, un véhicule partait d’Istanbul. Il passait par Bourgas, où un agent de la douane bulgare travaillait avec le réseau. Les parfums entraient alors en Roumanie depuis un poste de douane situé à la frontière de Giurgiu. Il s’agit d’une ville située sur le Danube, créée au XIVe siècle par les marchands génois et qui a été contrôlée par l’empire Ottoman pendant des siècles. La marchandise arrivait enfin à Sibiu. Daniela Stanciu est agent de la police des frontières à Giurgiu. Elle travaille pour l’unité de la lutte contre le crime organisé transfrontalier. La police aux frontières de Giurgiu surveille une zone de 400 km le long du Danube, la frontière naturelle entre la Roumanie et la Bulgarie. « Un convoi illégal ne transporte pas seulement des faux parfums », précise-t-elle. « Il contient en général d’autres produits de contrefaçon comme des jouets ou du textile. » Cependant, elle affirme que les avocats des détenteurs des droits de propriété n’aident pas à traquer les convois illégaux. Bien que ces faux parfums pourraient leur causer d’importantes pertes financières, elle maintient que la police aux frontières « travaille » effectivement pour ces avocats.

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Comment reconnaître un faux parfum :

Difficile de distinguer la contrefaçon de l'original. Une faille qu'exploite internetCrédits : Youtube

Plus grand, liquide plus foncé, bouchon moins ouvragé…
De petits détails mettent la puce à l’oreille
Crédits : Youtube

• On peut déterminer au toucher si le code barre d’un emballage est authentique. • Les bouteilles des parfums contrefaits ne sont pas lisses : elle présentent des irrégularités. • Le vaporisateur est en mauvais état. Après quelques utilisations seulement, il ne marche plus et le liquide se dessèche. • L’odeur ne tient pas longtemps. • Les étiquettes sont mal collées sur les flacons. • Des dépôts sont visibles sur le fond de la bouteille. • Le parfum laisse des traces sur la peau. • Il y a un code à dix chiffres sur l’emballage des parfums originaux. Comme l’empreinte digitale d’un produit, ce code est unique et n’apparaît pas sur les faux parfums. S’il est dupliqué ou multiplié, le produit sur lequel il est imprimé est une contrefaçon.


Traduit de l’anglais par Marine Bonnichon, d’après l’article «Fake perfume boom puts health and security of European Union at risk » paru dans The Black Sea. Couverture : Des faux parfums, par Adrian Mogos. Création graphique par Ulyces.