Clarence Leonidas Fender est un bricoleur touche à tout. À l’aube de la Seconde Guerre mondiale, il perd son travail mais monte une société de réparations de transistors radio. Très vite, ses systèmes audio lui permettent d’acquérir une solide réputation dans le secteur, et les musiciens locaux viennent à lui en nombre. Il faut dire qu’à seize ans, le jeune Leo s’était essayé à la lutherie, accouchant déjà d’un prototype de guitare acoustique artisanal. Et bien que n’étant pas musicien, il sait entendre leurs requêtes. Ses premiers travaux se focalisent sur la création d’amplificateurs pour les groupes de country du coin. Il lance aussi une gamme de lapsteel, ces guitares horizontales alors très populaires dans les années 1940 en Californie. Utilisées dans la musique hawaïenne, blues et country, leurs sonorités métalliques et fluides sont tirées du glissement d’un tone-bar ou d’un bottleneck sur les cordes. Fender lance donc son entreprise avec des packs pour débutants incluant un lapsteel ainsi qu’un amplificateur de faible puissance. La gamme s’étend rapidement et une usine est créée pour pouvoir répondre à la demande. Le petit atelier pour radio ne suffisait plus.

Premiers modèles

Ainsi en 1949, il crée le prototype de la Telecaster. De nombreux guitaristes se plaignaient de ne pas s’entendre dans les big bands et il leur fallait un instrument amplifié qui n’était pas sujet au larsen. Avec son approche purement pragmatique, Leo Fender conçoit ainsi une guitare à corps plein et à manche vissé. Le corps plein est une évidence, plus solide qu’un corps demi-caisse et beaucoup moins sensible au larsen. En effet, celui-ci a tendance à s’amplifier dans la caisse de résonance du corps. Le manche vissé est là pour faciliter les réparations. La tradition classique de la lutherie veut que le manche soit collé à la guitare, pour permettre là encore d’avoir plus de coffre. Mais une réparation est quasi-impossible en cas de casse. C’est pourquoi Fender décide de visser le manche au corps pour le changer en cas de besoin. Il développe même un système de tige pour régler la courbe du manche et garder l’intonation de l’instrument juste. Premières révolutions.

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Leo Fender
Crédits

Avec toutes ces innovations et les deux micros de son modèle, Leo Fender tape juste. Les possibilités sonores sont déjà monstrueuses pour l’époque, et en 1950 la Telecaster fait un tabac dans tous les groupes des États-Unis. Les commandes s’accumulent, l’usine s’agrandit et Leo en profite pour introduire la basse électrique l’année suivante. Une fois de plus, la Precision répond à une demande de la part des contrebassistes. Outre le fait qu’ils jouent debout, ils sont rarement entendus en concert. Problèmes résolus avec un instrument amplifié qui peut se jouer avec une sangle debout comme assis. La suite est fameuse avec l’introduction en 1954 de la guitare la plus emblématique de toute, la Stratocaster. L’aérospatiale est au gout du jour et les formes futuristes de cet instrument font encore rêver nombre de jeunes guitaristes. Fender innove en y incluant trois micros au lieu des deux de la Telecaster, et par l’introduction d’un vibrato. C’est surtout cet élément mécanique qui définit la Stratocaster, et par la suite la majeure partie des créations Fender. Le vibrato est la tige métallique qui pend souvent à la base du chevalet, la partie où les cordes viennent se loger au milieu du corps. Lorsqu’on appuie dessus, le vibrato modifie la tension des cordes en les relâchant suffisamment pour faire descendre l’intonation dans les graves. Avec un système de ressort, le chevalet revient à sa position première et à son accordage initial. La Stratocaster fut la première guitare à introduire ce système en série sur une gamme de modèles produits en usine. Même si beaucoup de musiciens n’utilisent pas cette fonctionnalité, ce gadget donna une sérieuse longueur d’avance à Fender face à la concurrence. Le succès de la marque croit très rapidement avec des guitaristes comme Buddy Holly ou Hank Marvin, des Shadows. Mais les instruments Fender, bien que moins chers que ceux de la concurrence, restent des produits luxueux. C’est ainsi que Leo décide de lancer une gamme spécialement pour les jeunes joueurs, les petites mains, les étudiants en manque d’argent. Il se rappelle de ses premiers packs pour l’étude du lapsteel et lance une déclinaison low cost de la Stratocaster. Deux modèles sont créés : la Musicmaster, avec un seul micro manche, et la Duo-Sonic, avec deux micros pour plus de possibilités. Les modèles sont beiges avec une plaque anodisée dorée, et leur forme est une version épurée de la Stratocaster. En 1956, leurs prix respectifs sont de $119.50 pour la Musicmaster et de $149.50 pour la Duo-Sonic. Cela peut sembler ridicule au regard des prix contemporains, mais pour l’époque cela restait un sérieux investissement pour un joueur débutant. Fender pouvait heureusement compter sur sa réputation, et l’opération fut un succès : de nombreuses écoles de musique s’équipèrent de ces modèles. Ces guitares sobres survécurent à l’apparition de leur petite sœur la Mustang, et l’accompagnèrent même jusqu’à son déclin lors de l’apparition de la sous-marque Squier, au milieu des années 1980.

Naissance de la Mustang

À partir de 1958, Fender lance des modèles haut de gamme avec sa Jazzmaster, la Jazzbass ou encore la Jaguar. Une constante reste chez les nouveaux modèles, la présence d’un vibrato en série. Mais cette option manque au catalogue étudiant de la marque, et un besoin pour un modèle intermédiaire se fait sentir. En août 1964, la Fender Mustang est lancée. Son nom provient de la célèbre voiture et compte lui donner une image jeune et dynamique. Les musiques rock explosent peu à peu, il faut qu’elle devienne la guitare de la révolution électrique. Le modèle est proposé dans un trio de coloris ostensiblement patriotiques. En pleine guerre du Vietnam, on pouvait ainsi acheter la Mustang en Daphne Blue, Dakota red ou Olympic White. Pour l’occasion, Leo Fender met au point un vibrato dynamique inspiré de celui de la Jazzmaster. Contrairement à la Stratocaster, les cordes ne traversent pas le corps, mais sont attachées à un cordier flottant en passant par un chevalet lui-même flottant. L’action du vibrato est donc tout à fait différente par rapport à celle du modèle le plus populaire de la marque. C’est le concept de guitare off-set, dont les modèles Jazzmaster, Jaguar et Mustang sont les fers de lance. Et ce vibrato fut un échec. En un coup, la guitare se trouve désaccordée, un désavantage certain pour un produit adressé à des débutants. Mais avec quelques réglages, celui-ci s’avère terriblement efficace. Malheureusement à l’époque, il traumatise une génération de guitaristes en herbe vis à vis de l’usage du vibrato. Sa réputation d’être inefficace reste tenace encore de nos jours.

C’est pour sa simplicité d’utilisation que le modèle est encore prisé aujourd’hui et qu’il connut un certain succès à l’époque.

L’autre nouveauté apportée par Fender avec la Mustang est l’électronique. Leo s’est permis d’aller très loin. En changeant la forme de la plaque des modèles précédents, il en a profité pour changer le système de sélection de micros. Ceux-ci sont, selon la tradition Fender, de simples bobinages, le modèle le plus archaïque mais aussi le plus répandu, malgré le bourdonnement parfois désagréable qu’ils peuvent générer. Ainsi, Fender décide de les câbler de manière à ce que les polarités soient inversées et que le bruit cesse dès lors qu’ils sont activés en même temps. C’est le principe du micro à double bobinage, utilisé par la concurrence représentée par Gibson. Une position hors-phase est ajoutée à chaque micro. En théorie, cela offre des possibilités sonores vraiment vastes. En pratique, comme le vibrato, cette innovation fait un flop. Le changement de position est long, et si le guitariste joue avec des mouvements amples, il risque de couper un micro. La guitare ne semble alors avoir rien pour elle, le modèle semble mal pensé. Mais c’est sans compter sur les qualités inhérentes à sa lutherie. Le corps de la Mustang a hérité de ses deux grandes sœurs sa petite taille. La forme est compacte et reste près du corps. De même, le manche et le diapason sont calculés pour les petites mains, celles des femmes, des enfants ou de tous les musiciens aux doigts courts. Il en résulte une jouabilité monstrueuse pour un modèle aussi abordable. C’est pour sa simplicité d’utilisation que le modèle est encore prisé aujourd’hui et qu’il connut un certain succès à l’époque. L’esthétique de la Musicmaster et de la Duo-Sonic est alors arrangée pour correspondre à cette nouvelle gamme. Elles partagent alors la plaque de contrôle chromée de la Mustang et ses coloris. Cependant, Fender connaît quelques changements à partir de la mi-1965 et se fait racheter par CBS. Leo Fender, croyant ses jours comptés à cause d’un mauvais diagnostic, vend ses parts à la société de divertissement. Cela se traduit par un changement de la forme de la tête des instruments, arborant désormais une crosse plus large et un logo plus gros, communication oblige. Les Stratocaster de Jimi Hendrix en sont la parfaite illustration, de pures icônes de cette période de transition. Nous sommes en 1967 et un certain Kurt Donald Cobain naît à Aberdeen dans l’État de Washington. L’esthétique du modèle Mustang ne va pas cesser de muter. En 1969 sont lancées les fameuses Racing-Stripes. Trois coloris sont à nouveau proposées, orange, bleu foncé et rouge. Ce ravalement de façade les rend populaires auprès du jeune public, qui y voit une Fender d’entrée de gamme facilement modifiable. Car c’est là un point-clef des guitares Fender : leur potentiel de customisation. Elle est facilitée par le manche indépendant du corps et par l’électronique des modèles, toujours fixée sur des plaques en plastique ou en chrome dévissable. Ainsi, les changements ou ajouts de micros sont fréquents et rapides. Une modification très prisée sur les Mustang consiste en un re-câblage de l’électronique pour passer des deux petits sélecteurs indépendants à un switch trois positions classique. Et la marque semble jouer le jeu, les corps étant creusés en usine de manière à ce qu’il ne soit pas besoin de le défoncer pour ce genre d’ajouts.

Kurt Cobain et la Mustang

Malheureusement, les années 1970 sont une drôle de période pour Fender. Visant la baisse des coûts, CBS réduit la qualité de la production à la chaîne. Les coloris Compétition disparaissent en 1972, laissant place à une nouvelle gamme typique de cette décennie. Les corps peuvent-être noir, blond, naturel ou sunburst (un dégradé de marron). De même, les plaques sont souvent faites de plastique noir. Ce traitement est appliqué à toutes les guitares et donne une aura sombre aux modèles. Les ventes baissent, les copies japonaises apparaissant sur le marché. La concurrence ne se fait plus entre les grandes marques américaines, mais entre l’archipel nippon et l’Oncle Sam. Toutes les marques y perdront des plumes, y compris Fender. La mode est aux micros doubles, Gibson tient un peu mieux le coup.

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Kurt Cobain
Crédits : Marcela Arancibia

La Mustang et ses consœurs tiendront jusqu’en 1982. Tombées en désuétudes, même les punks n’en ont pas voulu. À ce moment-là, CBS rencontre de sérieux soucis financiers et compte céder Fender. Bill Schlutz reprend l’affaire en 1985 et laisse la Mustang de côté, il y a plus important à faire, il faut sauver les meubles. Pourtant, quelques musiciens de renom ont mis les mains dessus et en font leur outil de prédilection. Le leader post-punk des Talking Heads, David Byrne, jongle entre une Mustang et une Stratocaster. Le guitariste français Dominique Nicolas, du groupe Indochine, en a fait sa guitare de prédilection, et le son new-wave de ses compositions lui doit beaucoup. On peut apercevoir Frank Black, des Pixies en utiliser une. Mais le plus sérieux contender de l’époque Mustang reste sans doute Blixa Bargeld. Que ce soit avec Nick Cave et ses Bad Seeds ou avec Einstrüzende Neubauten, il arbore toujours une Fender Mustang, ou une Jaguar. Ces musiciens cristallisent un des traits de caractère des musiques indépendantes héritées du punk : leur anticonformisme. À l’époque, les grands guitaristes n’étaient pas intéressés par les modèles Mustang, Jaguar et Jazzmaster de Fender. Cela s’est répercuté sur les prix de ces guitares qui étaient plus qu’abordables dans les réseaux de secondes mains – contrairement aux prix des Telecaster et autre Stratocaster d’époque. L’esthétique de la no-wave, en passant par le grunge, s’est forgée par contraste du snobisme des guitar heroes, qui préféraient l’utilisation d’une Flying V ou d’une Ibanez à une guitare « surf ». De plus, en 1976, le Japon connut une fièvre musicale en la personne de Char, un musicien virtuose comme seul l’archipel du soleil levant peut en accoucher. Celui-ci a commencé sa carrière en jouant exclusivement sur des modèles Mustang des sixties. La demande locale pour ce modèle a bondi, les copies nippones proliférant. Cependant, le culte de cette guitare a été entretenu jusqu’à la fin des années 1980, poussant Fender à recommencer la production de ce modèle en 1990, dans sa déclinaison de coloris patriotiques originales. À la rentrée 1991, un modèle pour gaucher Racing « Lake Placid Blue » apparaissait dans un clip diffusé par MTV. Leo Fender meurt d’une complication de Parkinson. Les planètes étaient alignées. Kurt Cobain est punk dans le fond comme dans la forme. Il le transpire par tous les pores. Gaucher de naissance, il est souvent contraint à utiliser des modèles de droitier en inversant l’ordre des cordes. Ce n’est qu’une formalité, comme l’accordage ou le réglage des amplificateurs. Après la sortie de Bleach en 1989, il doit tourner avec Mudhoney et TAD pour Sub Pop en Europe. C’est l’aube d’une nouvelle décennie, et Nirvana commence à bien être lancé. Chaque soir entraîne son lot de guitares brisées, de sueur et de bleus. C’est peut-être dans une vitrine européenne que Kurt aura vu sa première Mustang. Ou bien ce vieux corps aperçu sur quelques photos en 1990 est-il son premier contact avec cette forme de guitares ? Il tourne avec des Univox blanches, des Mosrites pour droitier et des Epiphones japonaises, dont personne ne veut. Des guitares boudées pour un paria : « Les déchets sonnent toujours mieux », dira-t-il. La tournée est finie, le grunge a fait son show devant le NME, Nirvana peut aller enregistrer Nevermind. Cobain apparaît régulièrement avec une Jaguar hautement customisée, qui vole souvent la vedette de la Mustang. Les deux modèles sont indissociables du leader de Nirvana et les fans recensant scrupuleusement son matériel ne passent pas à coté des déclinaisons de son arsenal. Un consensus est tombé sur 1991, après la signature du contrat avec Geffen et l’avance d’argent pour l’enregistrement de Nevermind. À la veille de la sortie du disque, Kurt devait jouer principalement sur sa Jaguar. Pourtant, c’est la Mustang qu’il choisit de mettre en valeurs dans le clip vidéo de son hymne adolescent. Le modèle a tout pour lui convenir : Cobain n’est pas très grand et le corps compacte et véloce de la Mustang lui correspond tout à fait. Sans oublier les possibilités de customisation de Fender, et l’on comprend qu’il ait jeté son dévolu sur cette « pelle ». Car à ses yeux, c’est bien de ce dont il s’agit. Désinvolte, il déclarait dans une interview pour Guitar World en 1992 que les Mustang étaient ses guitares préférées car elles ne restaient pas accordées, qu’elles sonnaient mal, mais qu’elles étaient pourvues d’un manche étroit comme il aimait. Il qualifie même Leo Fender de dork, de « pauvre type », pour avoir inventé une telle guitare. Ce je-m’en-foutisme si caractéristique des années 1990, Cobain l’applique scrupuleusement à tout son matériel. C’est une relation d’amour-haine. Les haut-parleurs d’amplis crevés, les pédales d’effet piétinées… et surtout les guitares fracassées. Celles-ci voyaient leurs reliques soigneusement collectées par le guitar-tech afin d’être greffées entre elles et de faire vivre de nouveaux modèles. Ainsi, un manche impossible à identifier était vissé sur une Stratocaster japonaise, pourvue d’un micro double bobinage en position chevalet, lui-même tiré d’une Gibson. Pour Cobain, une bonne guitare doit être hybride, couturée. Il se fait le docteur Frankenstein de la six cordes.

Manifeste punk

L’enregistrement de In Utero avec Steve Albini était un manifeste punk en soit. Les deux semaines passées avec le pape de l’enregistrement en live furent une cure de jouvence pour Cobain.

C’est un idéal punk que Cobain concrétise en utilisant des guitares dont personnes ne veut. Il fait modifier toutes ses guitares pour qu’elles aient un micro double bobinage signature Jeff Beck en position lead. Cela lui permet d’obtenir un son distordu encore plus agressif. Sa Mustang ne sonne plus comme une Mustang après cela, il fait fixer le tremolo en retirant les ressorts et change le chevalet original pour un Gotho qui tient mieux l’accord. Il a beau penser que Leo Fender est un pauvre type, il joue son jeu en modifiant ainsi sa guitare. Il la fait vivre et l’adapte à ses besoins. Et si le vieux Leo avait encore été en vie à l’époque, il lui aurait surement fait les modifications lui-même, dans son atelier californien. Mais attention à ne pas se méprendre, les modifications de Cobain sur sa Mustang étaient tout compte fait assez communes. Une décennie plus tôt, David Byrne avait lui aussi troqué son micro aigu pour un double bobinage. Ils furent cependant des pionniers. Fender appliqua cette modification à la Cyclone, un modèle de la fin des nineties construit par son sous-traitant Squier. C’est aussi le cas de la Jagstang, construite comme une bâtarde de la Jaguar et de la Mustang, toutes deux chéries par Cobain… Et comme les époques ne cessent de se faire écho, la Mustang signature Kurt Cobain a vu le jour il y a deux ans, avec ses modifications en série, entre hommage et déclinaison logique de la gamme. Le geste de Fender montre combien Cobain a laissé son empreinte sur la musique et le monde de la guitare. Au-delà du coup marketing évident et du revival des années 1990, c’est l’occasion pour la marque d’admettre qu’un guitariste médiocre, techniquement équipé avec des instruments bricolés, peut aussi marquer son temps. Car c’était tout l’art de Cobain, à l’image de ses guitares. Les couvertures de singles faites à base de collages, les flyers de concerts, la scénographie de leurs dernières tournées avec les mini-amplis Marshall décoratifs et les anges écorchés… punk écorché jusqu’au bout des ongles. Même le succès de Nevermind n’a pas entamé son amour du DIY. Ce qui était avant une nécessité, par manque de moyen, est devenu un credo. Même l’enregistrement de In Utero, avec Steve Albini, était un manifeste punk en soit. Les deux semaines passées avec le pape de l’enregistrement en live furent une cure de jouvence pour Cobain après l’expérience Nevermind et le son imprimé par Butch Vig et Andy Wallace. Pour Cobain, tout ceci était un moyen de sauver son âme de la corruption du star system. La dope, la violence et les larsens trahissent ses blessures, et ses guitares recomposées en sont les prêtresses idéales. Si la Mustang du clip de Smells Like Teen Spirit pouvait parler, elle raconterait son achat en sortie d’usine en 1969 par un étudiant aux cheveux longs, sa revente cinq ans plus tard, ses errances de pawnshop en pawnshop, jusqu’à son arrivée dans les mains de Cobain et son apparition dans un clip diffusé sur MTV. Elle conclurait sûrement en disant que tout cela est arrivé malgré elle. Elle était destinée à être une guitare pour petites mains, rien de plus. Elle et Kurt étaient faits pour se rencontrer.


Couverture : Fender Mustang.