Reconfinement

Sous les néons bleus du Lafayette Cuisine Cabaret, un club de Belgrade situé au bord de la Save, Novak Dkokovic plie son mètre 88 pour éviter le bras d’un ami en se penchant en arrière. Une fois de l’autre côté, le tennisman serbe réajuste sa chemise et esquisse quelques pas de danse. Derrière lui, d’autres participants de l’Adria Tour s’engagent joyeusement dans ce limbo, avant de rallier Zadar les jours suivants pour poursuivre la compétition. Dans la ville croate désertée par les touristes, Novak Djokovic s’est qualifié pour la finale qu’il devait disputer dimanche 21 juin 2020 face à Andrey Rublev. Mais le numéro un mondial a été testé positif au coronavirus, comme d’ailleurs Grigor Dimitrov, Borna Coric et Viktor Troicki. Et la finale a été annulée.

Le virus était présent au milieu des terrains en terre battue, devant lesquels des centaines de spectateurs admiraient leurs stars s’échanger des coups droits et revers. Il se promenait aussi sous les néons bleus du Lafayette Cuisine Cabaret. À l’heure où les pays européens se déconfinent et les compétitions sportives reprennent, de nouveaux foyers d’infection apparaissent. En Normandie, ainsi que dans deux autres régions de France, le taux de reproduction du virus a de nouveau dépassé le seuil d’alerte.

Il est  supérieur à 1 en Auvergne Rhône-Alpes et en Occitanie, où des clusters sont en train d’être analysés. En France, 64 clusters de contamination sont toujours actifs au 17 juin selon Santé Publique France. Cela indique que le virus est encore présent sur le territoire et que rien ne justifie un relâchement, que ce soit dans le respect des gestes barrières ou dans l’accès aux tests.

En Allemagne, l’État de Rhénanie-du-Nord-Westphalie a annoncé un reconfinement local après l’apparition d’un foyer de contamination dans un grand abattoir. Le Land le plus peuplé et le plus industrialisé du pays a recensé plus de 1 500 nouveaux cas de Covid-19 en quelques jours pour une population de 360 000 habitants. Armin Laschet, président du canton, a ainsi décidé de placer en quarantaine environ 7 000 personnes et de reconfiner partiellement la région jusqu’au 30 juin prochain. Des mesures similaires à celles prises pendant le confinement sont de nouveau mises en place, comme par exemple la fermeture des bars et des musées.

Le déconfinement et l’allègement des restrictions en Europe a provoqué le relâchement des citoyens. Soudain, les gestes barrières et la distanciation sociale sont oubliés, comme lors de la fête de la musique, dimanche, à Paris où le canal Saint-Martin a du être évacué par les forces de l’ordre tant il était bondé. Les manifestations organisées depuis un mois dans le cadre de la lutte contre le racisme et les violences policières ont également ignoré les consignes.

Aux États-Unis, New York est entré en phase 2 lundi, ce qui a remis quelque 300 000 au travail, alors même que plus de 400 morts en 24 heures ont été recensés dans le pays. Le Brésil a lui compté 650 morts en 24 heures. La Chine, foyer de la pandémie, a également du reconfiner plusieurs millions d’habitants après l’apparition de nouveaux cas en mai dernier. Dans le monde entier, la pandémie continue de faire des dégâts non négligeables : plus de 9 millions de personnes touchées (+150 000 en 24 heures) et 472 000 morts (+ 4 000). La pandémie « continue de s’accélérer » dans le monde avec un million de cas recensés en seulement huit jours, prévenait l’Organisation mondiale de la santé le lundi 22 juin.

Autant de chiffres qui percutent le retour à la normal qui prend forme en Europe, où les craintes de deuxième vague se font de plus en plus nettes.

Deuxième vague ?

Le coronavirus est-il calé sur les saisons ? Selon Bruno Lina, membre du conseil scientifique Covid-19, « il est très probable qu’il va y avoir une deuxième vague ». Dans un document adressé au gouvernement, les treize membres du conseil scientifique évoquent un rebond du virus qui pourrait avoir lieu dans les prochains mois. « Une intensification de la circulation du Sars-CoV-2 dans l’hémisphère nord à une échéance plus ou moins lointaine (quelques mois, et notamment à l’approche de l’hiver) est extrêmement probable », expliquent les scientifiques.

Les résurgences localisée du virus dans plusieurs pays européens interpellent déjà les autorités nationales. En Suisse, au cours des sept derniers jours, le nombre de cas de contamination « a augmenté de 30 % » selon l’épidémiologiste Matthias Egger. Dans la région de Lisbonne, des mesures comme l’interdiction des rassemblements de plus de dix personnes ou encore la fermeture des commerces dès 20 heures vont devoir être mises en place pour maîtriser les différents clusters, a annoncé lundi 22 juin le Premier ministre Antonio Costa.

Pour anticiper une deuxième vague, les études et essais cliniques dans le cadre de la recherche d’un traitement au Covid-19 continuent de se multiplier. Dernièrement, l’OMS a appelé à augmenter la production de dexaméthasone après la publication mardi 16 juin des résultats d’une étude de Recovery. Ce traitement réduirait d’un tiers la mortalité des malades sous assistance respiratoire et d’un cinquième des patients recevant de l’oxygène.

« Le prochain défi consiste à augmenter la production et à distribuer rapidement et équitablement la dexaméthasone dans le monde entier, en se concentrant sur les endroits où elle est le plus nécessaire », a déclaré Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS. À partir de ces études et des chiffres à leur disposition, 511 épidémiologistes interrogé par le New York Times ont estimé le moment du retour à la normale dans les prochains mois.

Crédits : NY Times

Leurs déclarations sont contrastées, Si 56 % sont optimistes à l’idée de pouvoir organiser un voyage avant la fin de l’été, 18 % pensent devoir attendre un an avant de retourner au bureau. Une majorité d’entre eux considère que les activités à l’extérieur en petit groupe sont plus sûres que les foules ou les réunions en intérieur, et qu’il va sans doute falloir porter un masque et se nettoyer les mains pendant longtemps. Parce que 70 % d’entre eux connaissent une personne à risque dans leur entourage, près de la moitié vont éviter les accolades dans l’année à venir. Ils sont même 6 % à penser les proscrire à vie.

Bien sûr, ces estimations dépendent des potentiels traitements, de la mise au point d’un vaccin, du nombre de tests réalisés, et bien évidemment du comportement des citoyens du monde entier. Mais pour le moment, elles invitent presque toutes à la prudence.


Couverture : Fête de la musique à Paris