L’enfant prodige

Quand il avait huit ans, Scott Storch reçut un coup de crampons dans la tête qui le laissa sonné. Sa mère n’était pas du genre à prendre de telles blessures à la légère. Elle avait fait une crise d’apoplexie cinq ans plus tôt, lorsque le jeune Scott avait perdu une dent en faisant une chute dans le salon, lui donnant le sourire de Leon Spinks. « J’étais une mère bien trop inquiète », reconnaît Joyce Yolanda Storch, qui se fait généralement appeler par son deuxième prénom. « J’étais maladivement protectrice. » Sa mère avait interdit au jeune Scott de faire du sport. À la place, elle l’avait envoyé prendre des cours de piano à l’école Candil Jacaranda Montessori de Plantation, à une quinzaine de minutes de leur pavillon de Sunrise. C’est un vieux pianiste de jazz du nom de Jack Keller qui enseignait au garçon. Yolanda, qui était elle-même chanteuse, ne donna plus de concerts en semaine pour pouvoir conduire Scott à ses cours, et économisa assez d’argent pour lui offrir un piano quart de queue.

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Le jeune Scott Storch au clavier
Crédits : Yolanda Storch

Enfant chétif et créatif, Scott n’avait de toute façon rien d’un athlète. Mais il se révéla virtuose avec les touches. À 12 ans, il décrochait déjà des concerts payants. Adulte, il avait mis son habileté au service de la production et faisait partie de l’élite des beatmakers hip-hop, composant des hits pour la plupart des stars du rap et du R&B de la dernière décennie, parmi lesquels Jay-Z, Beyoncé, Dr. Dre, Lil Wayne et 50 Cent. En 2006, à l’âge de 33 ans, chaque instru – qu’il bouclait en 15 minutes – lui rapportait une somme à six chiffres. L’argent a permis au gamin de Sunrise de devenir un Don Juan de Palm Island. Ce white boy amoureux de bling-bling, qui vivait dans une grande villa de l’enclave de Miami Beach, y gardait plus d’une douzaine de voitures prestigieuses – dont une voiture de sport à 1,7 million de dollars – et un yacht d’une valeur de 20 millions de dollars. Ainsi, Yolanda – qui éleva Scott et son frère Matthew après qu’elle eut divorcé de leur père en 1983 – a ses raisons de se raccrocher au fait que c’est elle qui a fait découvrir le piano à Scott. C’est le lot de consolation de sa vie. « Ce n’est pas que je veuille chanter mes propres louanges, mais je l’ai toujours encouragé à faire de la musique », dit-elle. « C’est tellement triste que les choses aient mal tourné. »

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Yolanda Storch et son père Julius
Crédits : The Miami New Times / C. Stiles

Elle s’installe avec lenteur sur une chaise en bois, sur le patio de la modeste maison en brique rouge qu’elle partage avec son vieux père Julius, âgé de 88 ans. Les années ont creusé le visage de l’ancienne starlette, mais elle est toujours belle femme. Sa peau diaphane, ses yeux bleus, sa mâchoire proéminente ne font aucun doute, c’est bien la mère de Scott. Une Doral Ultra Light 100’s éteinte calée entre ses doigts, ses grosses lunettes posées sur un nid de cheveux décolorés, elle porte des chaussons roses, un pantalon de jogging gris et un t-shirt sur lequel un oiseau de cartoon demande : « Ça vous dit une dinde de Noël ? » Yolanda est une originale, pourrait-on dire. Catholique convertie d’ascendance juive-lituanienne, elle est obsédée par tout ce qui est italien. Tout particulièrement Al Pacino. À l’en croire, la perspective abstraite de rencontrer un jour l’acteur est la raison pour laquelle elle se lève le matin. Pour elle et son fils talentueux, rien ne s’est passé comme prévu. Elle a vu Scott dilapider sa fortune d’une manière spectaculaire et honteuse, offrant des millions de dollars en diamants et voitures de luxe à ses petites amies, parmi lesquelles la sainte trinité américaine des bimbos : Paris Hilton, Lindsay Lohan et Kim Kardashian. Pendant ce temps, Yolanda, qui s’occupe à temps plein de son père partiellement aveugle, attendait dans sa maison à 81 000 dollars que son fils daigne se rappeler d’elle. Au lieu de quoi Scott a sombré dans une addiction à la cocaïne qui a détruit sa carrière, l’entraînant vers la faillite et un immense litige financier, avant de l’expédier en cure de désintox.

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Storch et Paris Hilton

La négligence dont il a fait preuve à son égard ne cesse de  la ronger. Elle ne peut pas s’empêcher d’y revenir, de se plaindre des trous qui constellent son « tapis vieux de 36 ans » et des meubles qui pourrissent sur son patio, sans compter les frais médicaux qui avalent tous les chèques que son père reçoit de la sécurité sociale. Les archives publiques racontent la même histoire : En 2008, Capital One l’a poursuivie pour son découvert de 5 700 dollars sur une carte de crédit qu’elle utilisait pour la nourriture et les médicaments, une affaire sur laquelle le tribunal de Plantation doit toujours se prononcer. « Scott m’a toujours dit qu’il comptait faire certaines choses pour la famille », dit-elle. « Mais j’imagine que les choses ont mal tourné avant qu’il n’en ait eu l’occasion. J’ai lu des articles sur les mères d’autres rappeurs – celle de P. Diddy, celle de Kanye West et celle de Jay-Z. Leurs fils se sont tous occupés d’elles. » Puis Yolanda s’inquiète. « S’il lit ça, il va être très en colère après moi. Et il ne me donnera jamais rien. » Qu’aimerait-elle voir écrit, en ce cas ? Elle réfléchit un moment avant de poursuivre : « Je pense qu’un garçon devrait s’assurer que sa maman est à l’abri avant d’acheter un autre collier à deux millions de dollars à je ne sais quelle héritière d’hôtel. On ne peut pas recevoir un tel miracle de Dieu et simplement jeter tout cet argent à la poubelle. »

Papaoutai

Né à Long Island mais élevé dans le sud de la Floride, Scott Storch a la musique dans le sang. Son arrière-arrière-grand-père était un immigrant lituanien du nom de Meyer Machtenberg, un compositeur juif majeur du début du XXe siècle. Dans les années 1960, sa mère, originaire du Queens et d’une beauté de pin-up, avait été signée sur le label de Philadelphie Cameo-Parkway Records, sous le nom de Joyce Carol. Quant à son père, Phil Storch, il était chanteur de doo-wop de rue dans son Bronx natal. Le frère de Phil, Jeremy, était auteur-compositeur et fondateur du groupe de soul-rock The Vagrants, et il avait écrit un tube pour Eddie Money. « La musique a toujours été présente dans la vie de Scott », raconte Jeremy, qui a plongé dans la drogue au cours des années 1970, avant de faire le ménage dans sa vie et de devenir rabbin. « Il était littéralement entouré de musique. » Matthew, l’aîné de Scott de 22 mois, est son opposé musical : un rockeur alternatif qui a financé sa carrière musicale en livrant des pizzas. ulyces-scottstorch-04 Il n’est donc pas surprenant que Scott soit entré dans la musique « comme un poisson dans l’eau », comme le dit Yolanda. Il a ainsi interprété Rod Stewart au piano lors des talent shows de l’école primaire de Nova Eisenhower, à Davie, décroché le rôle de John Travolta dans une adaptation de Grease à l’école, et partagé la grande scène avec son chanteur de frère sous le nom des « Storch Brothers », au Sunrise Musical Theatre. Pour son premier concert rémunéré à 12 ans, Scott remplaçait un pianiste adulte pour une fête d’anniversaire. « Il avait un talent naturel, et il travaillait dur », se souvient son oncle Jeremy. « Il se consacrait beaucoup au piano. » Scott passait des heures sur son clavier, dans la chambre qu’il partageait avec Matthew lorsqu’ils habitaient le petit appartement de Sunrise. Ses parents avaient divorcé lorsqu’il avait dix ans, et Yolanda joignait les deux bouts en s’occupant de personnes âgées. Son père, Phil, vivait à Miami avec sa nouvelle femme – sa troisième. Scott a clairement hérité des gènes de son père. C’était un joueur invétéré avec un goût particulier pour les courses attelées de Pompano Park, d’après Yolanda. Il changeait de voiture selon sa veine, passant de Porsche à des Lincoln ou des Jensen Healey. « Il a acheté 30 voitures en 13 ans de mariage », se souvient-elle.

« Scott avait l’impression que sa mère avait un autre homme que lui dans sa vie. » — Vanessa Bedillo

Phil aimait emmener Scott avec lui chez les concessionnaires, c’est là que sa fascination pour les voitures et le bling a démarré. Enfant, il passait son temps à dessiner soigneusement des Cadillac dans ses cahiers quand il était en classe. À l’âge de 13 ans, il portait un bombers rouge et des lunettes de soleil Porsche Carrera, ainsi qu’une fausse Rolex à 75 dollars – les cadeaux de bar mitzvah de sa mère, qu’il a rapidement perdus. « Durant la majeure partie de son enfance, Phil n’était pas là pour Scott », dit Yolanda, « et je pense que Scott voulait vraiment suivre ses traces pour l’impressionner. » Phil a fait faillite par deux fois, en 1997 et 2008. Parmi les créanciers figuraient des sociétés de cartes de crédit et les départements financiers de Mercedez-Benz et Toyota. Lorsque je l’ai appelé chez lui à Springfield, dans le Missouri, Phil m’a dit qu’il ne tenait pas à parler aux journalistes. En 1988, il a mis les voiles pour Philadelphie. Quand il est arrivé au lycée, Scott a décidé de le suivre. Yolanda avait un nouveau petit ami, et Scott ne voulait pas d’un beau-père. « Légalement, j’aurais pu l’empêcher de partir, mais je ne l’ai pas fait », explique Yolanda, non sans quelques regrets. « Bien plus tard, Scott m’a dit : “Maman, si je suis parti c’est uniquement parce que je détestais ton copain.” » « Scott avait l’impression que sa mère avait un autre homme que lui dans sa vie », explique Vanessa Bedillo, la mère du fils de Scott, qui vit à Philadelphie. « Ça lui a vraiment fait du mal, et ça continue de lui en faire. »

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Scott dans son studio

D.R.E.

C’était en 1988, un matin au beau milieu de l’année scolaire, au lycée de Bensalem High au sud-est de la Pennsylvanie. Vanessa Bedillo, élève de seconde, regardait un nouveau garer la Porsche de son père devant le bâtiment scolaire de brique marron. Ce gamin de Floride, habillé comme un Don Johnson miniature, avait une tignasse bien coiffée, d’un brun rougeâtre, les traits fins et squelettiques. « Toutes les filles se demandaient : “Mais c’est qui, lui ?” », se souvient Bedillo, qui était la fille mignonne et propre sur elle de parents péruviens sévères. « Il faisait plus que son âge. » Scott Storch était son premier copain. Il a passé le reste de l’année scolaire à lui dessiner des croquis de voitures et à regarder par la fenêtre, rêvant de musique. Après les cours, il lui jouait des chansons du groupe Tears for Fears au piano, que sa mère lui avait envoyé de Floride.

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Storch et Dr. Dre

« Scott était pratiquement livré à lui-même », raconte Bedillo. L’éducation de son père consistait principalement à laisser traîner des liasses de billets sur le comptoir de la cuisine. Finalement, Phil Storch a fini par abandonner complètement son fils, en déménageant à New York. Scott était en première et n’est jamais retourné en cours. Bedillo l’a croisé dans la rue et a appris qu’il jouait du piano dans une boîte de nuit italienne branchée, et qu’il travaillait à côté dans un studio de musique local. Ils se sont remis ensemble. « Je savais qu’il m’attirerait des problèmes », confie-t-elle. « Mais je ne pouvais tout simplement pas m’en passer. » À 17 ans, Bedillo est tombée enceinte de Scott – il n’était pas là pour la naissance de leur fils, Steven. Et il a « disparu après ça », selon les mots de Vanessa. « Il avait peur. Je me suis toujours demandé ce qui se serait passé s’il avait eu des parents comme les miens, qui l’auraient forcé à rester sur la bonne voie. » Vanessa a quitté l’école après la première, pour s’occuper de son fils. Elle a abandonné son rêve de devenir actrice pour une succession d’emplois sans intérêt. Elle ne reverrait Scott que 11 ans plus tard.

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En 1992, un jeune dénicheur de talents du nom de Derek Jackson se trouvait à une fête, dans les quartiers nord de Philadelphie, lorsqu’un groupe très étrange est monté sur scène – ils s’appelaient les Square Roots, c’était un groupe de hip-hop acoustique. « Il y avait un type grand et costaud en tenue africaine derrière les fûts ; un vieux rappeur ; un rappeur très jeune ; et ce petit blanc-bec au piano », décrit Jackson en riant. « Mais dès qu’ils ont commencé à jouer, j’étais hypnotisé. » Jackson leur a décroché un accord avec Geffen Records. C’était la naissance commerciale de The Roots, l’un des groupes de hip-hop les plus durables, qui jouent désormais pour l’émission nocturne de Jimmy Fallon.

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Derek Jackson
Crédits : Vibe.com

Le garçon blanc aux claviers était le cerveau du groupe : Scott Storch, le juke-box humain. Pendant les répétitions, les membres du groupe aimaient lui lancer des titres de chansons – du Top 40 des vingt dernières années – et regarder ses doigts se mettre en action. « Le cerveau de Scott est comme un ordinateur », explique Jackson. « Sa mémoire est son plus grand atout. » Jackson, homme d’affaires issu d’une famille modeste, a été le manager de Storch tout au long de sa carrière. « Je suis un peu comme son père et son grand frère à la fois », résume-t-il. Les membres du groupe recevait 40 dollars par jour « en cash et en weed », explique Dice Raw, le jeune rappeur du groupe à l’époque. Mais Storch conduisait une Jaguar XJ et vivait avec sa copine dans un appartement de South Street. « Mais Scott n’avait jamais une thune », explique Dice. « Il dépensait tout son fric le jour où il le recevait. » « Je ne veux pas que ça me rende paresseux », expliquait Storch. « Je veux m’en débarrasser pour que ça m’oblige à travailler. » Puis il s’achetait une nouvelle montre ou une Range Rover. « L’argent n’a jamais changé Scott », explique Dice. « Ça l’a simplement mis en valeur. » Storch n’a jamais aimé la routine. En 1995, lorsque Jackson lui a balancé une avance de 10 000 dollars de Ruffhouse Records pour rejoindre un trio de hip-hop/soul/pop conceptuel baptisé Madd Crop, il a arrêté de tourner avec The Roots. Le projet n’a jamais donné naissance à un album, mais il a marqué l’adolescence musicale de Storch. Un des membres du groupe, Chuck Treece, se souvient de Storch comme d’un « tyran en studio » qui puisait son inspiration dans ses goûts musicaux éclectiques : Barry White, The Average White Band, The Ohio Players et Stevie Wonder à ses débuts. « Il a pris ce swing et l’a injecté dans notre musique », raconte Treece. « Même quand il programmait un beat sur une boîte à rythmes, ce type faisait tout groover. »

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Millionnaire à l’âge de 26 ans

En 1998, Eve, une rappeuse de Philadelphie, a présenté Storch, qui avait alors 25 ans, au demi-dieu du gangsta rap de Los Angeles, Dr. Dre. Storch a emmenagé à Los Angeles pour aider à la production de The Chronic 2001. La musique qu’a composée Storch pour l’album – la plus mémorable étant la symphonie au piano addictive qui est à la base du hit « Still D.R.E. » – a scellé son statut de meilleur espoir de la production hip-hop. Après avoir travaillé avec Dre, il s’est associé au beatmaker Timbaland pour co-écrire le gros succès de Justin Timberlake, « Cry Me a River ». Bien qu’il soit devenu millionnaire à l’âge de 26 ans, Storch présentait déjà les symptômes d’un dégoût allergique au paiement des factures. En 2001, le Montrose Suite Hotel, un hôtel de luxe de West Hollywood, a obtenu gain de cause contre lui pour près de 3 000 dollars de notes de chambres impayées. À la suite des tubes énormes réalisés avec Dre et Timbaland, Jackson a persuadé Storch de conserver son génie pour lui. En 2001, Storch est rentré dans le sud de la Floride pour se lancer en affaires avec sa propre maison de production, Tuff Jew Productions. « À ce moment-là, nous savions qu’il pouvait devenir une superstar à part entière », raconte Jackson.

Bling

Yolanda Storch fouille sa chambre en désordre, dans laquelle il plane une odeur de renfermé. Elle est obstruée par des centaines de magazines contenant des articles sur Scott. Elle cherche une cassette qu’elle a faite avec lui à ses 11 ans.

Quand il a perdu le contrôle de ses dépenses, sa mère a essayé de le convaincre de ralentir un peu mais il ne l’a pas écoutée.

Le grand-père de Scott traîne les pieds, à l’aide d’un déambulateur, dans le salon décoré de chats empaillés, de kitsch italien, de marionnettes de clowns et de poupées Barbie assises. Des photos de Scott et Matthew – sur les genoux du Père Noël ; en costumes de bal de promo criards – couvrent la moindre surface de la pièce. Julius est un ancien commerçant de Brooklyn, avec une grosse tête carrée et des sourcils froncés. Il porte un polo et des jeans à coupe droite. Ce juif octogénaire a accumulé des connaissances encyclopédiques en matière de hip-hop grâce aux magazines de musique qui mentionnent son petit-fils. « Vous saviez que Scott a été nommé producteur de l’année en 2005 ? Vous le saviez ? », me demande-t-il. « Il a battu Dr. Dre, Timbaland, et Kanye West. » Yolanda a lu un jour que son fils était rentré dans le sud de la Floride pour passer plus de temps avec elle – mais la réalité était toute autre. Il faisait venir sa mère et son grand-père deux ou trois fois par an en limousine au Café Avanti ou à Smith & Wollensky, à Miami Beach, où il était assis, une chemise en soie déboutonnée, des lunettes de soleil cachant ses yeux, une nouvelle fille à ses côtés. « Il y avait toujours des gardes du corps à table, ils écoutaient toutes nos conversations », se souvient Yolanda. « 90 % du temps, il était pressé de finir de manger car il prétendait qu’untel ou untel l’attendait dans son studio. »

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Scott et Lindsay Lohan

Quand il a perdu le contrôle de ses dépenses, elle a essayé de le convaincre de ralentir un peu, de s’acheter un ou deux restaurants Burger King, mais il ne l’a pas écoutée. Elle se souvient des mots qu’il a prononcés : « M’man, c’est mon image. C’est ce qui me distingue des autres producteurs, c’est ce qu’ils attendent de moi. » Aujourd’hui, Scott vit à Los Angeles et prévoit de faire son come-back sur le prochain album de Dr. Dre, Detox. Lorsque je lui demande ce qu’il pense de la volonté de son petit-fils de reconquérir sa célébrité, Julius répond sans hésiter : « Je pense qu’il a de bonnes chances d’y arriver. Peut-être que s’il reste loin de ces poules idiotes, comme Paris Hilton ou Lindsay… » « Papa, ne dis pas ça ! » s’écrie Yolanda, surgissant soudain de la chambre. « Lindsay Lohan est une poule idiote ! » répète-t-il sans se démonter. « C’est une lesbienne et une… » Sa fille plaque une main sur sa bouche. « Ne dis pas ça ! Scott va se mettre en colère ! Il va nous faire exproprier ! Dis juste : “J’espère que Scott va remettre sa carrière d’aplomb et qu’il redeviendra le plus grand beatmaker du monde.” » Avant d’ajouter : « Et que cette fois, il se souviendra de sa famille. »

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Vanessa Bedillo ne devait pas lire les magazines. Vivant toujours à Philadelphie, elle n’avait pas entendu parler du succès de son ex du lycée. En 2004, lorsque Steven, leur fils de 11 ans, a commencé à se demander qui était son père, elle a engagé un détective privé pour le retrouver. « Le gars a trouvé deux résidences à son nom – une à Coral Gables, et un manoir à Beverly Hills », se souvient-elle. « À ce moment-là, j’ai compris : Cet enfoiré avait vraiment réussi. » Ils se sont revus dans un Olive Garden, à Miami. Scott s’est renseigné sur l’enfant : il avait les yeux clairs, il était drôle et intelligent, il avait des tics nerveux et un goût pour les manicottis au fromage. Après avoir fait preuve d’une grande consternation, Vanessa a accepté d’emménager à Miami pour que Scott puisse nouer des liens avec son fils – à l’époque, cela semblait légitime. Elle se souvient avoir dit : « Nous avons 30 ans, plus 18. C’est le moment de faire les choses bien. »

Blow hard

Tous les jours, le producteur de hits de Derek Jackson avait le même emploi du temps de camé. Il ne sortait pas du lit avant 13 h 30, et enfilait une veste de costume de luxe et des jeans troués. Quelques heures plus tard, il était sur l’autoroute au volant d’une voiture de sport du genre de celles devant lesquelles les touristes en maillot de bain aiment se prendre en photo. En arrivant dans le parking du Hit Factory de Miami – le majestueux temple acoustique vert citron situé sur NE 149th Street, où James Brown, Michael Jackson, et Iggy Pop ont tous enregistré des hits – Scott Storch avait déjà peaufiné dans sa tête toutes ses petites symphonies.

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La « Villa Ferrari »

Contrairement à la plupart des beatmakers, Storch refusait les samples. C’était toujours ses doigts parés de bijoux qui jouaient du clavier pendant qu’une équipe très soudée de musiciens de studio jouait ses compositions sept jours par semaine, 13 heures par jour. C’était une signature sonore – musique synthé, saccadée et légère, avec des mélodies inspirées de la musique indienne et moyen-orientale –  auxquelles les auditeurs de radio ne pouvaient pas échapper entre 2002 et 2005. Parmi les titres les plus populaires de Storch, on trouve « Naughty Girl » de Beyoncé en 2002, « Lean Back » de Terror Squad en 2003, « Candy Shop » de 50 Cent en 2004, et « Run It » de Chris Brown en 2005. Ils se sont tous retrouvés dans le top 5 des hits du Billboard Hot 100. Trois d’eux sont restés numéros 1 pendant des mois. « C’était comme si tout ce que nous touchions se transformait en or », se vante le manager Jackson. « C’était comme… une fièvre. » En 2006, le producteur exigeait 100 000 dollars par morceau ainsi que des droits de co-auteur, et sortait 80 chansons commerciales par an. Rolling Stone a estimé ses bénéfices – en comptant la valeur de toute sa musique – à 70 millions de dollars. Mais Robin Leach aurait pu faire de l’hyperventilation en entendant ce que Storch avait l’habitude de dépenser.

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Le beatmaker collectionnait les voitures de luxe

Il stockait dans son garage au moins 13 véhicules, dont une Mercedes SLR McLaren à 600 000 dollars, une Mercedes Maybach à 500 000 dollars, et une Bugatti Veyron noire à 1,7 million de dollars – la voiture la plus chère sur le marché. Sa collection de bijoux personnelle, qui comprenait notamment une montre en diamant ayant appartenu à Michael Jackson, était couronnée par une bague d’auriculaire surmontée d’un diamant jaune de 34 carats, d’une valeur de trois millions de dollars. Il avait payé 20 millions de dollars pour un yacht de 38 mètres de long. Et la pièce de résistance : son manoir à colonnes blanches de presque 1 700 mètres carrés acheté en 2006 à Palm Island, baptisé Villa Ferrari. 10,5 millions de dollars. Storch se choisissait des femmes aussi riches que lui. Il a offert à l’héritière Paris Hilton une Maybach et l’a emmenée sur la Côte d’Azur en jet privé – pour la modique somme de 275 000 dollars, selon XXL Magazine –, devenant une proie de choix pour les paparazzis. Ils rapportent qu’il serait sorti avec Lindsay Lohan, Kim Kardashian, la rappeuse Lil’ Kim et l’actrice pornographique Heather Hunt. Jackson admet aujourd’hui qu’il était « complice » des dépenses insensées de son ami : « Des signes annonciateurs indiquaient que tout ça allait s’effondrer et partir en fumée un jour », mais Jackson se disait qu’aussi longtemps que Storch produirait des hits, il pourrait subvenir à ses achats.

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Storch et P.Diddy

Puis Storch a découvert le booster d’ego connu sous le nom de cocaïne. Bientôt, il s’est mis à en sniffer tous les jours, d’après Jackson. « Ça a commencé doucement, et puis ça a été l’escalade. » Jackson se souvient de la date exacte du début de l’addiction de Storch : le 28 juillet 2006 – un peu plus de trois mois après la naissance de son deuxième fils, Jalen Scott Storch, né du modèle originaire de Miami Dalene Jennifer Daniel. Ce jour-là, le rat des studios est parti en vacances prolongées pour la première fois de sa carrière, dans le Sud de la France. « Quand il est revenu, il était déjà sous l’emprise de la drogue », affirme Jackson. Ce dernier était furieux alors que Storch laissait des célébrités telles que Janet Jackson attendre dans le studio pendant des heures. Dans le monde de la musique, les rumeurs vont bon train, et très vite, Storch a été désigné comme quelqu’un de peu fiable. Les patrons des labels ont bientôt décidé d’investir leur argent ailleurs. Plus d’une fois, Jackson est allé à la Villa Ferrari pour amadouer Storch afin qu’il redevienne clean. L’intérieur de la demeure ressemblait à une fumerie de crack, avec des déchets et du matériel éparpillés partout. Storch était entouré de « consommateurs » – d’autres toxicomanes, des chercheurs d’or et des moins que rien. Constamment en train de sniffer des rails de coke, il assortissait désormais ses bijoux à ses chemises tâchées du « sang qui pouvait jaillir de son nez à tout moment ». Jackson voyait Scott comme un animal, capable de méchanceté mais pas de raison : « Scott s’en foutait. On ne peut pas se sentir humilié quand on est défoncé. On n’est pas conscient qu’on détruit la vie des gens qui nous entourent. On ne ressent rien, on ne voit rien, sinon la drogue. » Jackson a finalement renoncé à s’occuper du producteur fin 2007. À présent, il parle de Storch comme d’un raté dans lequel il a trop investi. « Je n’ai fait que ça », soupire-t-il. « J’ai vécu pour Scott nuit et jour. Je suis tombé avec lui. » Tel un chanteur usé de Vegas, Storch a vendu ses services au plus offrant. Il a produit des chansons pour sa copine, Paris Hilton, sa midinette préférée, Jessica Simpson, et la fille du catcheur Hulk Hogan, Brooke. Mais son incursion la plus étrange dans la soupe musicale reste son voyage à Moscou, où il a loué ses services au duo de rap r’n’b russe Timati et Nox — un concert durant lequel il était défoncé, impitoyablement conservé sur YouTube.

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Storch aux platines

Mais les roubles n’ont pas suffi pas à renflouer les finances personnelles de Storch, qui étaient sur une pente dangereusement savonneuse. Depuis 2005, il a fait l’objet de 28 actions en justice auprès de tribunaux fédéraux et de ceux de comtés, alors qu’il se trouvait progressivement dépouillé de son lifestyle façon Tony Montana. D’abord, sa collection de véhicules. Les huissiers sont venus chercher sa Ferrari Scaglietti, sa moto « Bones Bike » HARD sur-mesure à 160 000 dollars, et même sa Cadillac Escalade de 2007. En décembre 2008, les adjoints du bureau du shérif de Broward l’ont arrêté et inculpé pour vol de voitures. Il avait gardé une Bentley louée, plus d’un an après la date de retour prévue. Les charges n’ont pas été retenues et Storch a rejeté la faute sur Lil’ Kim, disant qu’il avait loué la voiture pour elle. East Coast Jewelry l’a poursuivi pour les 170 000 dollars correspondant à des dépenses apparemment sans provision, liées à la grande vie qu’il menait. Une entreprise d’électronique qu’il n’avait pas daigné payer a demandé 22 000 dollars pour le système de vidéosurveillance de la Villa Ferrari. L’artiste qui a décoré les murs de Storch s’est également lancé dans la course : le minimaliste parisien Kirk Hughey a déclaré au tribunal de Miami-Dade que Storch lui devait toujours 150 000 dollars d’une facture de plus de 300 000 dollars pour 23 tableaux.

Steven n’était pas le seul fils que Scott avait entraîné dans son nuage de cocaïne.

Les jugements civils contre Storch étaient stupéfiants. Il a reçu l’ordre de payer 2 188 000 dollars de dommages et intérêts à JK Entertainment, une entreprise de l’État du Delaware qui lui avait prêté un million de dollars, et 750 000 dollars à un producteur de cinéma de Miami Beach, Matt Sinnreich, pour avoir rompu un contrat d’affaires à 25 000 dollars. Storch a été condamné à payer 509 000 dollars pour ne pas avoir payé un crédit logement de 100 000 dollars à David Menefield, un manager musical de Los Angeles. Les créanciers ont saisi ses droits d’auteur de Sony BMG Music. Pendant ce temps, la Villa Ferrari avait été saisie. Il devait plus de 500 000 dollars d’arriérés de taxe foncière. Et il a mis en gage Tiffany, son yacht adoré de 21 millions de dollars, à 600 000 dollars sur eBay. Jackson lui a rendu visite un jour en 2008. Il se rappelle s’être assis sur le siège passager aux côtés de Storch qui conduisait sa Ferrari sur l’autoroute I-95. Le beatmaker a commencé à tousser de manière incontrôlable, du sang giclait de son poing. Jackson s’est dit, terrifié: « Il est vraiment à l’article de la mort. »

Detox

Alors que Steven, 16 ans, sortait les bagages de la voiture, Vanessa Bedillo regardait fixement, les larmes aux yeux et épuisée, les canapés bruns qui leur servaient de maison. Elle avait clairement des envies de meurtre à l’endroit de Scott Storch, mais elle était encore plus en colère contre elle-même : Dans quoi nous ai-je fourré ? Une fois de plus, elle s’était laissé abuser par ce garçon blanc dans sa voiture de sport européenne. Et une fois de plus, elle s’y était brûlée. Le 15 mai 2008, Steven et elle ont été expulsés de leur appartement de Plantation, car Storch n’avait pas payé le loyer comme il était convenu, d’après la déclaration qu’elle a faite au tribunal. Ils ont été contraints de dormir sur des canapés dans la maison à deux chambres des parents de Bedillo, qui avaient emménagé dans le Sud de la Floride.

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La cocaïne a peu à peu détruit la carrière du beatmaker

Pire, Scott n’a pas payé les 5 000 dollars de frais de scolarité pour son fils qui avait reçu les honneurs à l’American Heritage Academy de Plantation, et sa mère a dû supplier le directeur d’établissement de le garder. Vanessa, vendeuse pour une entreprise de systèmes de sécurité, n’avait pas les moyens de subvenir au style de vie promis par Scott. « La vie de Steven était sans dessus-dessous », explique-t-elle. « Scott peut être méchant, mais là c’était purement cruel. » Steven n’était pas le seul fils que Scott avait entraîné dans son nuage de cocaïne. Il avait arrêté de verser la pension alimentaire de Jalen, huit mois, et n’avait pas contribué à l’assurance maladie du bébé. Interrogé à propos de cet écart de conduite, il avait informé le Miami Herald qu’il ne serait « jamais, jamais un mauvais père », expliquant qu’il avait manqué à ses obligations car il était à Saint-Tropez. Scott est resté vivre à Palm Island, ignorant les appels téléphoniques de Vanessa et esquivant les huissiers qui essayaient de le coincer pour ses outrages. Un serveur du nom de Joseph Torres a informé un juge que lors d’une tentative de ce genre en septembre 2008, Storch avait demandé à un responsable de faire marche arrière avec une Mercedes S550 noire pour bloquer Torres en lui immobilisant les jambes à la manière d’un bélier, afin de permettre au producteur de s’échapper dans son coupé Rolls-Royce Phantom bleu. Alors que Storch, accompagné d’une blonde assise sur le siège passager, passait devant le serveur immobilisé, il a regardé par la fenêtre et marmonné : « Bonne chance, trouduc. » Le juge ne trouvait pas ça drôle. Le lendemain, un mandat d’arrêt a été émis à la section de police de Miami-Dade pour l’arrestation de Storch. (Figuraient parmi les pseudonymes du hors la loi : Scotty, Storchavelli, Storchy.) Le 5 mars 2009, Storch s’est présenté au centre de désintoxication Recovery First, sur Stirling Road à Hollywood – c’était sa seule alternative à un séjour en prison pour outrage à magistrat. Derek Jackson se souvient du coup de téléphone lors duquel il a compris que Storch avait enfin touché le fond. « Écoute, mec, j’ai tout foutu en l’air », a avoué le producteur. « Je suis désolé. Viens arranger ça, viens me sauver la vie. » En dépit des protestations de sa femme, Jackson s’est rendu dans le sud de la Floride pour retrouver Storch à la sortie de sa cure de désintoxication, en mai 2009. Le beatmaker était à plat, vidé à cause de ces deux mois passés au centre. 26 jours plus tard, il a fait faillite.

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Tous les biens de Storch sont partis en fumée

Selon les attestations qu’il a remplies au tribunal, sa fortune s’élevait à -58 000 dollars – sans compter les millions de dollars des poursuites judiciaires qu’il devrait probablement payer. Le dépôt de bilan a été rejeté après que Storch a déposé les registres financiers, et il est resté responsable du moindre centime de sa dette. SunTrust Bank a saisi Palm Island et l’a finalement vendue à un magnat des boissons énergisantes, pour 6,75 millions de dollars. Storch dormait dans une chambre libre de l’appartement d’un ami, selon Details. La plupart de ses amis les plus fidèles avaient foutu le camp, tout comme ses ex-copines starlettes qu’il avait gardé près de lui en leur offrant des diamants. Elles lui avaient brisé le cœur. « Scott n’aime pas parler de ses ex-petites amies », raconte sa mère. « Il les aimait vraiment. Il leur a tant donné, et elles lui ont rendu salement. » Storch, en professionnel, avait conscience que son comeback prendrait du temps. Ses productions ne s’étaient pas retrouvées au Top 10 du Billboard depuis quatre ans, et le fait que Storch ait décroché du domaine musical semblait l’avoir privé de sa célèbre oreille. « Du bruit, voilà ce qu’il faisait », explique Jackson. « Ce n’était pas encore de la musique. Rien de viable commercialement, c’est certain. »

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*Storch n’apparaît pas sur le dernier album de Dre

Storch était toujours en phase de réadaptation à sa vie clean. Les sessions d’enregistrement de 24 heures sous l’emprise de la cocaïne n’étaient plus d’actualité. « Nous avons commencé par le faire travailler au studio trois jours sur six », confie Jackson. « Nous avons tout fait pour essayer de remettre la musique dans sa vie. » Jackson explique qu’enfin, « il y a eu un déclic ». Storch a commencé à obtenir des clients de seconde zone, des rappeurs tels que Gucci Mane et Big Boi, d’Outkast,  qui a annoncé que le prochain single de son album intitulé « Shutter Bug », serait un morceau de Storch. En février, Storch s’est rendu à Los Angeles pour travailler avec Dr. Dre sur Detox, l’arlésienne du producteur légendaire depuis bientôt dix ans*. Jackson explique que Storch a produit le premier single de l’album fantôme. La carrière de Storch, aujourd’hui âgé de 36 ans, est revenue à son point de départ. Selon Vanessa Bedillo, il est en bonne voie pour se racheter auprès de son fils. Il a même renoué des liens avec Steven, qui veut devenir producteur et prévoit de faire des études de musique à l’Art Institute, dans le centre-ville de Miami. Il a passé ses vacances de printemps avec son père à Los Angeles, et espère intégrer le studio de Dre. « Il est devenu très fier de son papa », explique Vanessa, ajoutant qu’elle a tourné la page de Scott. « Si cet homme est capable d’aimer quelqu’un d’autre que sa petite personne, c’est bien Steven. »

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Après 15 minutes passées à fouiller dans la pile de magazines hip-hop entassés dans sa chambre, Yolanda Storch vient de trouver ce qu’elle cherchait – une cassette audio vieille de 25 ans. Elle s’assied à côté de son père sur le canapé, et met délicatement la cassette dans un vieux lecteur portable. Elle marmonne : « Scott m’avait promis de mettre ça sur CD… » Les mélodies habiles jouées au piano ressortent avec une étonnante clarté des enceintes du lecteur portable. Puis la voix de Yolanda vient couvrir les notes alors qu’elle reprend Burt Bacharach. « Vous entendez les petits trilles qu’il fait au piano ? » demande-t-elle « N’est-ce pas incroyable qu’un enfant de 11 ans ait été capable de jouer ainsi ? » Yolanda ferme les yeux et commence à danser timidement sur le canapé, tapant du pied sur le tapis. Ses souvenirs les plus heureux sont liés à la musique, avec ses fils : la réalisation de cette cassette ou les trajets en voiture avec ses enfants, qui chantaient tous trois à tue-tête une chanson de Cyndi Lauper à la radio. Ce ne sont plus que des souvenirs désormais, qui semblent très loin de la cruelle réalité.

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Une carrière au point mort

Yolanda, âgée aujourd’hui de 60 ans, commence à chanter les airs de piano joués par Scott, faisant ressortir son âme d’enfant. À ses côtés, Julius, presque complètement aveugle, tend le cou en arrière, comme un chien en train de flairer. « Dans les bons comme dans les mauvais moments, je serai toujours à tes côtés », fredonne-t-elle. « Les amis c’est fait pour ça… » Une fois la chanson finie, elle presse le bouton « stop ». Scott et elle ont enregistré bien d’autres chansons sur la cassette, mais elle ne veut pas me les faire écouter. Elle ne veut pas courir le risque d’endommager la cassette.

Gus Garcia-Roberts a pris l’avion jusqu’à Los Angeles pour interviewer Scott Storch, mais la rencontre a été annulée lorsqu’il a refusé de retirer de l’article toutes les références à sa mère.

Le soir de l’interview manquée, déclare Yolanda Storch, Scott l’a appelé en furie. Il l’a accusée de chercher à relancer sa carrière de chanteuse depuis longtemps terminée. « Je t’ai dit de ne jamais parler à la presse ! » a-t-il sifflé. « Tu vas ruiner ma carrière, tu ne penses qu’à poursuivre la tienne. »

« Tu me rends malade », a-t-il lancé. « Je suis incapable d’avaler quoi que ce soit. »

Scott s’est repris : « Je ne serai pas capable d’avaler quoi que ce soit jusqu’à la sortie de l’article. »


Traduit de l’anglais par Nicolas Prouillac et Claire Ferrant d’après l’article « Blow Hard », paru dans le Miami New Times. Couverture : Scott Storch et son addiction. Création graphique par Ulyces.