De Benin City, au Nigeria. Un bâton de bois frappe le sol, devant les portes du palais temporaire. « Longue vie au roi ! » tonne Chef Osa en brandissant le poing. Le soleil se reflète dans les dorures qui ornent son chapeau rouge en forme de corne. Les autres chefs iwebos, qui ont suivi Osa lors de la procession dans les jardins du palais, se tiennent à présent immobiles derrière lui. « Isee ! » répondent-ils en chœur. Puis Osa et Chef Osuan, venus escorter le prince héritier lors de son couronnement, entrent dans le palais Usama – un bungalow difficile à décrire, dressé sur un terrain vague dans le centre-ville.

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Les sujets de l’Oba attendent que le nouveau roi se montre
Crédits : Femke van Zeijil

Il est huit heures du matin et il faudra attendre au moins sept heures de plus avant que le prince héritier, Eheneden Erediauwa, ne se montre en public. Pourtant, un grand nombre de ses sujets se pressent déjà pour l’accueillir. Des foules compactes engorgent les rues du cœur de Benin City, dans le sud du Nigeria. Elles attendent avec impatience le couronnement du nouvel Oba du royaume pluriséculaire du Benin. Ce couronnement a eu lieu le 20 octobre dernier au Benin – à ne pas confondre avec le pays d’Afrique de l’Ouest. Il a été précédé par dix jours de rites et de cérémonies. Des bannières et des drapeaux à l’effigie du prince flottent au quatre coins de la ville. Les trottoirs ont été enduits de peinture noire et blanche, et les pelouses qui s’étendent aux abords du centre culturel de la ville ont été tondues. Sur toutes les stations de radio et chaînes de télévision locales, les bulletins d’information commencent chaque jour par des nouvelles du prince, qui sera bientôt roi. « L’Oba est notre père à tous », résume Esosa, une étudiante en communication de 24 ans. Elle a quitté sa maison à cinq heures ce matin pour avoir une vue imprenable sur les processions.

Un royaume ancien

Le Nigeria est une démocratie constitutionnelle qui élit ses représentants.

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Erediauwa, le roi défunt
Crédits : DR

Mais plus de 250 groupes ethniques ont été rassemblés au sein d’un seul pays par les colons britanniques. Ils n’ont pas renié pour autant leurs dirigeants traditionnels. L’un d’eux, le monarque du peuple bini du Benin, compte parmi les plus respectés. Mais quel genre de pouvoir l’Oba du Benin exerce-t-il aujourd’hui ? Quelle est son influence sur le développement de l’État nigérian d’Edo, au sud-ouest du pays, dont la capitale n’est autre que Benin City ? Lorsque les Portugais posèrent le pied pour la première fois sur le territoire, à la fin du XVe siècle, Benin était une cité-État érigée au cœur de la forêt tropicale. Elle surpassait par son développement urbain de nombreuses villes européennes de la fin de l’ère médiévale. À la nuit tombée, ses rues étaient toutes éclairées par des lanternes à huile de palme. « La cour du roi est aussi vaste que la cité de Haarlem. Elle se divise en palais somptueux, maisons et chambres de courtisans, et en galeries presque aussi grandes que la Bourse d’Amsterdam », écrivait en 1668 le géographe néerlandais Olfert Dapper à propos de la cour d’Oba. Il se basait sur les témoignages d’explorateurs et de missionnaires qui avaient visité le Benin. À l’époque, le royaume du Benin était au firmament de sa puissance politique et militaire. Il s’étendait loin à l’ouest et à l’est du Nigeria moderne. C’est cette suprématie qui permit au Benin de tenir tête aux envahisseurs européens, explique l’historien Osarhieme Benson Osadolor, de l’université du Benin. « L’Oba a conservé son indépendance en dépit des pressions exercées par les Portugais, les Hollandais et les Britanniques », dit-il. Ils existait malgré tout des relations commerciales intercontinentales vivaces. Les Européens fournirent notamment des armes à feu et d’autres objets à l’Oba en échange d’esclaves que son armée avait rapporté de ses conquêtes.

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L’Oba du Benin par l’Italien Giulio Ferrario
1815-1827

À partir du XIXe siècle, leur empire connut le déclin. Le commerce des esclaves avait été remplacé par celui de l’huile de palme, et l’Oba Ovonramwen Nogbaisi consolida un monopole personnel sur l’exportation qui le rendit impopulaire auprès de ses chefs et du peuple, raconte l’historien. Si bien que lorsque Ovonramwen décida de résister à l’annexion britannique – c’était un des rares souverains de la région à avoir conservé son indépendance –, les renforts militaires qu’envoyaient habituellement ses chefs ne vinrent pas.

Le 18 février 1897, la cité autrefois glorieuse tomba en moins de 24 heures. Les Britanniques mirent le feu à une grande partie du Benin, après avoir pillé le palais de ses trésors – dont de célèbres sculptures de bronze encore exposées aujourd’hui au British Museum de Londres. Après sa défaite, Ovonramwen fut banni et dut s’exiler dans la ville de Calabar, non loin de la frontière du Nigeria avec le Cameroun. La résistance de l’Oba aux envahisseurs du Benin contribua pourtant au statut quasi-mythique de cette monarchie des temps modernes, explique Osadolor. « Il n’était pas aimé à l’époque où il est monté sur le trône, mais sa résistance l’a rendu extrêmement populaire après coup. »

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Les femmes et les filles des chefs chantent les louanges de l’Oba
Crédits : Femke van Zeijil

Les sujets contemporains du royaume du Benin citent souvent la résistance du roi comme une des principales raisons pour lesquelles ils chérissent la monarchie. Après qu’Ovonramwen mourut en exil, en 1914, les Britanniques, qui avaient besoin d’un souverain traditionnel pour diriger de loin le royaume, convainquirent son fils de monter sur le trône. L’arrière-grand-père du prince actuel n’hérita d’aucun des pouvoirs de son père, mais il était présenté par les dirigeants coloniaux comme la nouvelle autorité. « L’Oba est devenu un pantin exhibé lors de cérémonies, mais le peuple était toujours persuadé que les décisions émanaient de lui. » Après l’indépendance de 1960, le monarque ne retrouva pas son ancien pouvoir absolu. Sur quoi repose son influence sur la société du Benin d’aujourd’hui ?

Sa majesté l’Oba

Une longue chaîne de perles de corail décore le torse nu de l’avocat Godwin Aigbe, l’Enogie (le duc) d’Ukhiri. C’est un cadeau de l’Oba. Le couronnement aura lieu dans deux jours et aux côtés des autres chefs traditionnels du village d’Useh, il attend patiemment l’arrivée de l’edaiken, le prince héritier. La coutume veut que le prince choisisse le nom auquel il répondra en tant qu’Oba au cœur de la forêt, devant laquelle une foule impatiente s’est rassemblée. Son nom ne sera pas divulgué avant que le couronnement ait eu lieu.

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Les femmes binies portent des robes à l’effigie de l’Oba
Crédits : Femke van Zeijil

En tant qu’avocat, Aigbe explique de quelle façon l’autorité de l’Oba s’inscrit dans la loi nigérienne. « Notre système juridique reconnaît la loi traditionnelle, tant qu’elle ne s’oppose pas à la justice naturelle, à l’égalité et à la bonne conscience. » Dit autrement : la constitution admet l’existence de lois traditionnelles, et tant qu’elle ne dépasse pas le cadre de la loi, la voix de l’Oba a encore un poids. Il peut agir comme médiateur, mais pas s’ériger en juge. « L’Oba apaise les disputes, il œuvre pour la paix. Il ne peut pas punir qui que ce soit légalement, mais il vous fait réaliser que vous avez commis une offense et cela vous permet d’en tirer une leçon », ajoute le chef tandis qu’il resserre l’étoffe blanche qui entoure ses hanches. L’Oba a une certaine autorité en ce qui concerne les questions territoriales, lorsqu’elles impliquent des terres possédées par les habitants du sud de l’État d’Edo. Ses décisions sont citées au tribunal. Pour de nombreux Nigérians, la propriété est une question de vie ou de mort : la terre est une richesse et en posséder est souvent leur unique plan de retraite. Outre cela, les sujets de l’Oba le consultent lors des querelles de famille ou de village. L’inertie du système juridique nigérian – il faut en moyenne entre quatre et dix ans pour qu’une affaire soit jugée – fait de l’arbitrage relativement rapide des chefs traditionnels une forme alternative de justice.

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« Oba gha tokpere ! » (longue vie au roi), clame Chef Osa
Crédits : Femke van Zeijil

Ceci explique en partie pourquoi l’Oba est encore si populaire au sein de la société contemporaine de Benin City. Mais ce n’est pas tout.

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« Notre Oba est au-dessus des parties ! » se réjouit un plombier du nom d’Osatohanmwen, alors qu’il aperçoit le parasol rouge et bleu du souverain se déplacer dans la foule. À côté de lui, une femme portant une robe à l’effigie de l’Oba renchérit : « Ce n’est pas un politicien. C’est pour ça que nous lui faisons confiance. » Un proverbe bini dit que les rois sont nés, pas fabriqués. Les citoyens ont si peu foi dans la scène politique qu’ils préfèrent un monarque héréditaire dont la nomination ne peut pas être manipulée. Mais au Benin, tout le monde n’est pas bini. Beaucoup d’autres ethnies vivent et travaillent dans la capitale, comme les Hausas, les Igbos, les Ijaws et les Bajjus. Cela n’a aucune importance, dit-on au palais : l’Oba est leur souverain à tous et son impartialité le place au-delà de son appartenance ethnique. Les chefs racontent qu’un homme igbo est allé voir l’Oba pour qu’on lui rende justice, et que justice a été rendue. Mais tout le monde s’implique-t-il autant dans les festivités comme le font les Binis ?

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Des drapeaux et des bannières annoncent le couronnement partout dans Benin City
Crédits : Femke van Zeijil

Devant une résidence étudiante du campus de l’université du Benin, Linda, 20 ans, discute avec ses camarades. L’étudiante en philosophie est ravie du fait que le jour du couronnement soit férié, mais la monarchie l’indiffère. « Je suis une Igbo du Delta, nous n’avons jamais eu ce genre d’autorité centralisée. Ce que les Binis considèrent comme royal n’existe pas dans ma culture. » De l’autre côté de la ville, deux amis boivent une bière sous un manguier. Ils se plaignent en marmonnant de la fermeture des rues en préparation de la marche vers le trône. À cause du couronnement, le trafic est cauchemardesque dans toute la ville. L’un des deux hommes n’a pas pu aller travailler, l’autre a fait demi-tour à mi-chemin d’un rendez-vous et annulé tout ce qu’il prévoyait pour le reste de la journée. « Pourquoi tout doit s’arrêter à cause du couronnement ? » râle-t-il. « Les gens du palais sont obnubilés par ce truc et c’est nous qui trinquons. Je suis esan, pas bini. Qu’est-ce que j’ai à gagner avec leur Oba ? Qu’on me laisse juste faire mon travail, s’il vous plaît. »

Mystère des traditions

L’histoire et la tradition sont encore très vivantes aujourd’hui pour les Binis. C’est indéniable lorsqu’on visite le palais d’argile rouge de Chef Ogiamien, à deux kilomètres de celui de l’Oba. Cette bâtisse est l’une des seules de cette stature à avoir échappé aux flammes à Benin City, en 1897.

Les pratiques qui entourent la monarchie sont truffées de mythes et de tabous.

Les Ogiamien étaient une dynastie rivale, qui s’inclina au XIIIe siècle devant la puissance d’Oba Ewedu. Il est d’usage que cette escarmouche militaire soit commémorée à l’occasion des couronnements, lors d’un simulacre de combat entre l’actuel souverain ogiamien et le futur Oba. Cette fois pourtant, la tradition ne sera pas honorée : la personne qui détient ce titre héréditaire a disparu il y a près de vingt ans et nul ne sait où il est passé. En d’autres circonstances, un autre représentant de la famille Ogiamien aurait pris sa place, explique Moses Igbineweka dans la cour du palais, où un autel creusé dans le mur représente leurs ancêtres. Mais les Ogiamien sont au tribunal depuis qu’une faction dissidente au sein de la famille a couronné un autre homme pour en faire leur chef. « On nous a volé le titre », dit Igbineweka, « c’est pourquoi nous ne pouvons pas honorer la tradition. » Il secoue la tête en évoquant les actes de l’Ogiamien autoproclamé, qui a été exclu de la cérémonie royale. Il est allé au tribunal pour demander l’annulation du couronnement en représailles, mais sa demande a été rejetée par la cour d’appel. Igbineweka espère pour sa part que le nouvel Oba honorera une autre tradition. Il raconte que dans le cadre d’un traité signé au XIIIe siècle entre les dynasties en guerre, l’Oba offrit des présents à son ancien rival, dont un tabouret royal, un plateau de noix de kola et un bâton de bronze. Il désigne un endroit dans le mur extérieur qui était jadis une porte. Aujourd’hui murée, il explique qu’il s’agit d’un portail vers le paradis. Seul l’Oba est autorisé à passer par cette porte, qui sera rouverte lorsque le monarque leur rendra visite. Le représentant de la famille Ogiamien espère qu’il ne tardera plus à venir leur porter ses offrandes. « Nous attendons sa venue. »

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Les danseurs ekasas
Crédits : Femke van Zeijil

Le matin du couronnement, les danseurs ekasas – un groupe d’une soixantaine d’hommes – s’asseyent en rond, leurs bannières rouges et vertes posées auprès d’eux. Ils attendent l’heure où les tambours seront frappés. Ils se lèveront alors pour exécuter leur danse traditionnelle, qui n’a lieu que durant le couronnement et l’enterrement de la reine mère. Les plus jeunes danseurs ont 12 ans et les plus vieux ont depuis longtemps dépassé l’âge de la retraite. Ils ont le temps de parler, mais il ne peuvent pas dire grand-chose. Que signifient les symboles qui ornent vos bannières ? « C’est un secret. » Que disent les textes que vous chantez en dansant ? « Seuls les gens qui parlent le vieux bini peuvent comprendre. » De quelle façon votre famille est-elle liée à l’Oba ? « Nous ne discutons pas de ces choses-là. » Les pratiques qui entourent la monarchie sont truffées de mythes et de tabous. Pour de nombreux Binis, l’Oba a un statut divin. Lorsque le précédent roi est mort, le Benin tout entier est resté muet à ce sujet pendant des mois, jusqu’à ce que les chefs annoncent officiellement que « la craie » avait été cassée. Selon la tradition binie, un Oba ne meurt pas.

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Le couronnement
Crédits : Femke van Zeijil

Les Binis s’accrochent peut-être à leurs coutumes, mais cela ne veut pas dire pour autant que les traditions ne changent pas, comme l’explique la princesse Elizabeth Olowu, une des sœurs du roi défunt. Je la rencontre chez elle, où elle ôte les emblèmes qu’elle portera le jour du couronnement pour essayer sa coiffe en perles de corail. Elle se souvient que son père, Oba Akenzua II, qui a régné de 1933 à 1978, était un homme progressiste. Il a refusé que ses filles se marient très jeunes, comme le veut la coutume, et les a envoyées à l’école à la place. « Il a aboli beaucoup de choses, comme le fait qu’il était supposé ne rencontrer ses enfants que trois mois après leur naissance. Il avait le sentiment qu’un des plaisirs d’être parent était de voir ses enfants grandir, c’est la raison pour laquelle il a mis fin à cette tradition. »

Le couronnement

Un autre tabou à la cour concernait la fonte du bronze : c’était un art défendu aux femmes, car les Binis pensaient qu’une femme deviendrait stérile en manipulant les soufflets. Mais le jour où la princesse a dit à son père que le moulage du bronze l’intéressait, il lui a répondu : « Pourquoi pas ? » « Il était certain que j’y arriverais », se souvient la princesse, aujourd’hui âgée de 71 ans. Les fondeurs de bronze voyaient cette élève comme une abomination, mais ils ne pouvaient rien objecter, car nul ne contredit la parole de l’Oba. La princesse est devenue par la suite une artiste renommée au Benin.

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La princesse Elizabeth Olowu
Crédits : Femke van Zeijil

« La culture n’est pas statique », ajoute sa fille Peju Layiwola, qui a marché dans les pas de sa mère en devenant artiste à son tour. Est-ce que cela signifie qu’un jour les Binis laisseront une femme monter sur le trône ? Elle sourit et secoue la tête : non. À part la danse et le chant des louanges, les femmes ne jouent pas un grand rôle dans les cérémonies de couronnement de l’Oba. Elles sont également absentes de la hiérarchie traditionnelle. « Les femmes doivent se plier à de nombreux interdits par tradition », reconnaît Layiwola. « Le Benin est une société très patriarcale. » Elle évoque cependant des femmes qui ont compté dans l’histoire du Benin, comme Emotan, la maraîchère qui mit en garde l’Oba d’un complot d’assassinat au XVe siècle ; et Idia, la reine mère du XVIe siècle qui guerroya triomphalement au nom de son fils. L’Oba honore régulièrement leur mémoire, dit Layiwola en reconnaissant le rôle des femmes dans la société : « Les femmes binies ne sont pas des faire-valoir et l’Oba l’admet volontiers. »

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L’Oba a une autre influence sur son peuple, plus difficile à décrire car elle est spirituelle : certains croient que le monarque possède des pouvoirs surnaturels.

Ce n’est que maintenant que le nom du nouveau monarque est annoncé : Ewuare II.

Ils sont certains que le mauvais sort s’abattra sur vous si l’Oba vous regarde avec colère. Une famille a même supplié le défunt Oba Erediauwa, le père du roi actuel, de lever le sort qu’un de ses prédécesseurs avait jeté à toute leur lignée. Bien que la majeure partie de la population de Benin City se dise chrétienne, beaucoup ont aussi foi dans les coutumes spirituelles de l’ancien royaume. Des criminels ont trouvé le moyen de profiter de cette croyance. Un grand nombre de femme nigérianes victimes des réseaux de prostitution en Europe viennent de Benin City. Et beaucoup d’entre elles sont contrôlées par leur peur des rituels ju-ju. La professeure de sociologie et d’anthropologie Kokunre Agbontaen Eghafona, de l’université du Benin, reconnaît que ces croyances superstitieuses jouent un rôle dans le trafic, mais elle ajoute que la pauvreté et le système patrilinéaire – traditionnellement, les filles n’ont droit à aucun héritage – poussent aussi les femmes à chercher la prospérité à l’étranger. « Tous les facteurs qui ont engendré ce fléau doivent être résolus », dit-elle. « Nos Obas condamnent le trafic et la prostitution, mais le phénomène va bien au-delà de la législation traditionnelle. C’est une préoccupation au niveau mondial. » Mis à part cela, la monarchie semble avoir un effet positif sur la société. Le degré élevé d’éducation et de développement de la famille royale – le précédent Oba a étudié à Cambridge, tandis que son fils a été ambassadeur dans plusieurs pays, dont la Suède et l’Angola – sert d’exemple aux Binis, qui sont réputés au Nigeria pour leur appétit de savoir et leur éducation.

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Ewuare II, le nouvel Oba du Benin
Crédits : Femke van Zeijil

Il est un peu plus de 17 heures lorsque le prince héritier, qui porte une robe couverte de perles de corail dont on dit qu’elle pèse 20 kilos, entre dans la salle du couronnement. L’un des chefs du palais place la couronne sur sa tête. Ce n’est que maintenant que le nom du nouveau monarque est dévoilé : Ewuare II. « Il est ainsi nommé d’après Ewuare le Grand, qui a fait construire les murs de notre ville au XVe siècle », dit Owaeghiange, une jeune femme de 26 ans qui attend l’Oba à l’extérieur du palais aux côtés de milliers d’autres personnes. La coiffeuse cite mécaniquement cette référence historique, ce qui est extraordinaire au Nigeria, où l’histoire n’est plus au programme scolaire depuis des années. « Les Binis ne sont pas un peuple traditionnel, mais nous connaissons nos traditions. Ce n’est pas la même chose », dit la jeune femme. « Nous connaissons notre histoire et nous la racontons à nos enfants. C’est ce que tout le monde devrait faire. »


Traduit de l’anglais par Nicolas Prouillac et Arthur Scheuer d’après l’article « The Oba of Benin Kingdom: A history of the monarchy », paru dans Al Jazeera. Couverture : Le nouvel Oba du Benin. (Al Jazeera)


CET EXPLORATEUR A DISPARU IL Y A 13 ANS. ALORS COMMENT SE FAIT-IL QU’ON LE CROISE AUX QUATRE COINS DE L’AFRIQUE ?

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En 2003, Chris Velten a disparu au Mali sans laisser de trace. 13 ans plus tard, des témoignages troublants arrivent de l’autre bout de l’Afrique.

« Avec le bicentenaire de la mort de l’explorateur britannique Mungo Park qui approche, j’ai pensé que ce serait lui rendre un bel hommage que de recréer ses voyages dans l’Afrique de l’Ouest post-coloniale. J’ai l’intention de suivre le parcours tracé pour lui par l’African Association en 1795 pour découvrir le fleuve Niger et suivre son cours jusqu’à son delta, inconnu à l’époque. »

Quelques temps après avoir écrit ces mots, Chris Velten a disparu sans laisser de trace. C’était en avril 2003, quelque part près de Bamako, la capitale du Mali. Enfin pas exactement. Treize ans plus tard, plusieurs personnes disent avoir aperçu l’homme aujourd’hui âgé d’une quarantaine d’années, vivant et en bonne santé au Kenya, à près de 6 900 km et sept pays de l’endroit où il a disparu. Si ces témoignages sont avérés, comment cet ancien diplômé de zoologie brillant et charismatique s’est-il retrouvé de l’autre côté du continent africain ? Qu’a-t-il pu se passer dans les contrées chaudes et sauvages du Mali pour que le jeune homme au regard vif, âgé de 27 ans à l’époque, reste éloigné de sa famille et de ses amis jusqu’à ce jour ? Je me suis penché sur la vie et les ambitions de Chris avant de contacter sa sœur Hannah, qui continue de rechercher son frère à Nairobi. Car désormais, son monde est inextricablement lié à celui de l’explorateur perdu.

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Chris Velten pris en photo devant une carte de l’Afrique
Crédits : Searching for Chris Velten/Facebook

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