Les propos ayant servi à réaliser cette histoire ont été recueillis par Tancrède Chambraud et Nicolas Prouillac au cours d’un entretien avec les enquêtrices du FPI. Les mots qui suivent sont les leurs.

Une affaire de famille

Linda : FPI signifie Female Paranormal Investigators. Nous sommes une famille d’enquêtrices sur les phénomènes paranormaux, basées à Tampa en Floride. Il y a moi (la mère), ma sœur Marilyn et mes quatre filles. J’ai des dons de clairvoyance et je vois des esprits depuis mon plus jeune âge. J’en ai toujours eu peur ! Il y a six ans, j’ai décidé d’affronter mes craintes et j’ai demandé à ma sœur et mes filles de se lancer dans des investigations avec moi. Elles m’ont suivie dans cette aventure, c’était un choix de groupe. Marilyn : Oui, nous avons pris la décision ensemble, en famille. Linda : Chacune a sa spécificité, moi je suis l’enquêtrice principale. Marilyn : Je suis enquêtrice moi aussi, j’utilise des appareils comme le K-II meter pour détecter l’existence des esprits et révéler leur présence.

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Le FPI au complet
Crédits : FPI

Keegan : Moi je suis profileurje fais des recherches sur l’endroit où nous allons « chasser ». Je repère l’emplacement du lieu, déterre son histoire, puis je me concentre pour sentir s’il y a quelque chose de maléfique à cet endroit. J’utilise aussi le matériel. Linda : Il y a aussi Kaitlyn, mon autre fille : c’est en quelque sorte la casse-cou du groupe, elle est très téméraire. Et très sceptique. Puis viennent les jumelles, Kendal et Kelsey. Ce sont les plus jeunes. Elles s’occupent de tout ce qui a trait à la technologie et font principalement un travail d’écoute pour repérer les EVP – ou phénomènes de voix électroniques. Marilyn : Nous avons choisi de n’être que des filles : ça aide ! Linda : Nous sommes d’autant plus connectées que nous sommes une famille. Nous portons toutes du violet lorsque nous sommes en service. Marilyn : C’est la couleur du Troisième Œil, c’est-à-dire l’œil intérieur, l’œil de l’intuition. C’est ce qui nous permet de voir au-delà du voile de la réalité. Keegan : Ce qui est drôle, c’est que c’est un pur hasard. Linda : Nous avons choisi cette couleur sans réaliser qu’elle avait une signification. On a laissé parler notre instinct. [Rires.] J’ai aussi l’impression qu’en tant que femmes, nous mettons à profit dans nos enquêtes une synergie et une intuition singulières.

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Le logo du groupe

Cela se révèle vraiment efficace lorsque nous nous rendons dans des endroits qui étaient majoritairement dominés par des hommes, comme d’anciennes prisons… Les réponses nous viennent plus facilement. C’est un avantage indéniable. Marilyn : Nous travaillons également de pair avec d’autres enquêteurs paranormaux. C’est un petit milieu, nous faisons tous attention les uns aux autres. Linda : En tant que communauté, nous échangeons nos idées et nos connaissances sur le sujet, nous mettons en commun nos techniques pour trouver les plus efficaces. De notre côté, nous sommes équipées de tous les appareils de pointe utilisés par les chasseurs de fantômes. Il nous arrive d’en modifier certains nous-mêmes pour tenter d’améliorer notre perception. C’est le travail de mes rêves. Je suis passionnée et nous avons un message à porter, nous voulons venir en aide aux gens. Je dépense des milliers d’euros en matériel pour capturer les preuves du paranormal. Ça représente beaucoup pour moi car cela me permet d’affronter cette peur qui me tient. Je ne sais pas si c’est vrai pour nous toutes, mais elles sont un formidable soutien. Keegan : Oui, c’est génial de faire ça en famille. [Rires.]

L’hôpital

Linda : Nous menons de nombreuses enquêtes. Lorsque des gens héritent d’une maison, il n’est pas rare qu’ils ressentent une présence démoniaque. Ils font alors appel à nous et nous découvrons la plupart du temps qu’il s’agit seulement de la présence du fantôme d’un être cher. Mais quand de telles choses vous arrivent, cela peut être effrayant. C’est une peur qui s’auto-nourrit et les propriétaires vont jusqu’à imaginer que cette présence est démoniaque. Ce n’est que de la peur, les gens redoutent ce qu’il peut se passer et noircissent naturellement le tableau. Lorsque nous nous rendons sur place avec notre matériel, nous essayons de les rassurer. Nous essayons de varier nos lieux d’intervention. Nous opérons dans tous les endroits angoissants : les hôpitaux, les prisons… Keegan : Les cimetières… Marilyn : De vieux musées… Linda : Nous enquêtons dans de nombreux endroits différents, dont certains ne sont pas connus pour être hantés. Juste par curiosité. Nous menons aussi des enquêtes dans des maisons en cours de rénovation, afin de déterminer si elles ne sont pas le terrain d’une activité paranormale.

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Sur le terrain
Crédits : FPI/Facebook

Marilyn : Nous croisons tous types d’esprits. Ce sont souvent des silhouettes sombres, des voix… l’un d’eux m’a touché un jour ! Linda : Il est très rare de tomber sur une présence démoniaque. Cela ne nous est jamais arrivé. Je ne sais pas si je saurais gérer ça. Si jamais nous tombons nez à nez avec un démon demain, il faut que nous soyons prêtes. J’étais très jeune la première fois que j’ai rencontré un esprit. J’avais huit ans et ma mère était décédée quelques temps plus tôt. Elle m’est apparue alors que je dormais et m’a touché la jambe. J’étais terrifiée. Je n’aurais pas dû, après tout c’était ma mère, mais j’ai quand même eu peur car je savais qu’elle était morte… Le fait que notre maison soit située aux abords de la ville n’a pas aidé car je pouvais voir le cimetière depuis le salon ! Depuis, je vois les esprits. Mais cela, personne ne le savait avant que nous nous lancions dans l’enquête paranormale. J’ai gardé ça pour moi pendant de nombreuses années. Marilyn : Nous savions que tu en avais peur. Linda : Oui, j’en avais très peur. Parce qu’une fois que les esprits savent que vous pouvez communiquer avec eux, c’est comme dans le film Ghost, ils font tous la queue pour vous parler ! Je savais que cela pouvait arriver mais je n’étais pas prête. Je n’étais pas prête à gérer cela. Et puis j’ai fini par me dire qu’il fallait affronter ses peurs. En pensant au fait que d’autres personnes étaient en train de vivre une activité paranormale angoissante, je me suis dit que j’avais le devoir de les aider à surmonter leur peur. Car cette peur, je l’avais vécue aussi. ulyces-fpighosthunters-05Notre expérience la plus terrifiante a eu lieu à l’hôpital. Nous avons enquêté dans un hôpital abandonné qui faisait plus de 5 000 mètres carrés, avec trois étages et sans électricité. Nous étions dans le noir complet. Nous distinguions à peine les couloirs sombres et leurs portes obscures. On avançait en pointant sur le sol une thermo-caméra, qui détecte les signatures thermiques. Nous étions silencieuses et concentrées quand nous avons soudain entendu frapper à la fenêtre. C’était terrifiant ! Nous avons aperçu une silhouette sur le sol, l’ombre de quelqu’un se tenant debout dans le couloir. Mais il n’y avait personne. C’était effrayant et super cool à la fois. Marilyn : Nous avions une signature thermique jaune orangée, mais cette… chose était solide et bleue. Comme quelque chose de mort. Nous pouvions parfaitement distinguer les contours de son corps, ses épaules… Elle avait la taille d’un enfant.

Mister Nasty

Linda : Pour mener une enquête, nous devons obtenir l’autorisation officielle de nous rendre sur les lieux. Nous attendons le feu vert des autorités car nous ne tenons pas à opérer dans l’illégalité et à nous mettre en porte-à-faux. Ensuite, nous avons de très nombreux appareils à disposition. Les êtres humains sont constitués d’énergie, et lorsque vous mourez, cette énergie est transférée dans votre esprit. Il peut s’agir d’énergie électromagnétique, d’énergie statique, etc. Nos appareils ont pour fonction de mesurer ces énergies. Il y a notamment le MEL Meter, qui mesure l’énergie électromagnétique, ou le K-II Meter, souvent utilisé par les électriciens pour mesurer l’électricité. Il s’allume en rouge si les mesures électriques sont élevées. S’il ne s’agit pas d’une personne en chair et en os, ces variations peuvent être le signe de la présence d’un esprit.

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Une partie du matériel utilisé par les investigatrices
Crédits : FPI/Facebook

Nous avons plusieurs variantes de ces appareils. Il y a la boîte à esprits, par exemple, qui analyse en constance les ondes radio. Nous avons aussi un appareil qui mesure la température, car souvent, les gens pensent que lorsque les fantômes tentent de se manifester, ils surgissent de l’atmosphère en exhalant une froideur caractéristique. L’appareil donnera l’alerte si la température baisse de manière significative. Cela peut potentiellement être un esprit qui tente de se manifester. Nous avons également un REM (Radiating Electromagnetic Energy) : si quelque chose l’atteint, il fait du bruit. Nous avons beaucoup d’appareils pour mesurer tous ces différents types d’énergie. D’autres nous permettent d’entrer en communication avec les esprits, comme les ITC (Instrumental Trans-Communication). Il nous arrive aussi d’utiliser des drones, la vision nocturne, des voitures télécommandées, des lunettes… Tout ce qui peut servir à attraper les esprits. Et ce ne sont que les principaux, je pourrais continuer longtemps comme ça car lorsque vous enquêtez, vous ne savez pas immédiatement ce qui sera le mieux adapté à la situation. Une fois l’endroit repéré, nous dressons une liste d’actions à réaliser : l’ordre des pièces à examiner, les appareils que nous utiliserons une fois sur place. C’est un petit guide qui nous indique comment nous allons mener notre enquête. Une fois là-bas, nous avisons selon l’endroit où se déclenche l’activité. Nous poursuivons l’enquête en cours mais nous n’hésitons pas à changer de façon de procéder si un phénomène se produit ailleurs.

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Keegan a détecté un esprit
Crédits : FPI

Marilyn : Nous discutons longuement avec les propriétaires des lieux pour qu’ils nous donnent le maximum de détails possibles sur la situation. Puis ils nous montrent les pièces concernées.

Linda : Nous sommes intervenues dans un théâtre récemment et nous avons fait appel à notre intuition pour tenter de déterminer s’il y avait une présence. Nous avons senti quelque chose derrière le balcon et derrière la scène. Nous avons alors installé notre matériel dans ces deux endroits. Ce n’est qu’après que nous avons demandé à la personne qui nous avait contactées où se trouvaient les esprits. Que croyez-vous qu’elle ait répondu ? Derrière le balcon et derrière la scène, aux endroits précis où nous avions placé notre matériel. Nous avons de l’instinct pour ces choses-là. Cette fois-là, on nous avait appelées, mais il arrive que nous nous rendons sur les lieux de notre propre chef. Nous étudions différents endroits pour obtenir des preuves d’activité paranormale. Nous sommes un groupe très actif. Avant d’entrer quelque part, on se demande qui veut y aller la première. Généralement, personne ne veut y aller en dernier car vous avez toute l’obscurité derrière vous. Mais en premier c’est effrayant car il y a des esprits partout ! C’est aussi énervant, car dès que les esprits repèrent la présence humaine, ils se dispersent.

Kelsey : Dès que nous commençons à enquêter, ils filent se cacher.

Linda : Je suis souvent la première mais je laisse parfois quelqu’un d’autre prendre ma place.

Marilyn :Un jour, nous sommes allées dans un manoir hanté où vivait un esprit nommé Mister Nasty. Il n’aimait pas particulièrement les femmes. Nous étions au grenier et Linda l’a mis au défi : « Viens toucher mes cheveux ! Tire-les pour voir ! » Soudain, j’ai senti quelque chose frôler mon bras et mon dos. Elle a pris le K-II Meter et il est devenu tout rouge.

Linda : La Floride est le repère n°1 des activités paranormales. Tout d’abord car nous sommes entourés d’eau et que l’eau est un conducteur pour l’énergie de l’esprit. Il y a beaucoup de théories sur l’eau en Floride, il semblerait que les esprits l’utilisent pour se manifester. Il y a aussi des pierres capables de retenir l’énergie, des calcaires naturels qui sont également conducteurs pour les esprits. Et l’histoire de la Floride est chargée : on y trouve beaucoup de sites de sépultures indiennes, d’anciens repères de pirates et des tunnels souterrains. Je pense que c’est la combinaison de toutes ces choses qui fait de la Floride un point si sensible dans ce domaine. ulyces-fpighosthunters-01 Linda : Nous sommes allées voir le dernier Ghostbusters ensemble. À l’unisson : OUIII !!! C’était génial !

Linda : L’émancipation des femmes est une chose que nous avons à cœur et c’est une très bonne chose qu’il mette en lumière la vie des chasseuses de fantômes. Ils ont fait un travail merveilleux. C’est une comédie, donc on rit beaucoup, mais c’est assez représentatif de ce que nous vivons au quotidien. Les actrices sont merveilleusement drôles et ça change, car le monde du paranormal est essentiellement masculin.

Marilyn : Nous avons beaucoup de points communs avec le film. Dedans, l’une des enquêtrices a eu sa première expérience paranormale à huit ans, comme Linda ! Nous sommes vraiment ravies.


Traduit de l’anglais par Valentine Lebœuf et Nicolas Prouillac d’après l’interview réalisée par Tancrède Chambraud. Couverture : Le FPI au complet. (Linda Fay, FPI)


LE GUIDE SECRET DES CHASSEURS DE FANTÔMES

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Certains n’y croient pas, d’autres sont persuadés qu’ils existent et comptent bien le prouver. C’est avec les seconds qu’on fait les meilleures histoires.