Dans le vieux Kaboul, au deuxième étage du marché des changes de Serai-e-Shahzada, se trouve l’enseigne 237. Dédale résonnant de passerelles et d’escaliers délabrés, ce bazar est le refuge d’une confrérie de manieurs d’argent, ravis de troquer contre des tomans afghans et iraniens ou des roupies pakistanais des billets de cent dollars. Personne ne pose de questions : leur réputation les précède. Au son des tasses de thé entrechoquées et du ronronnement des compteuses de billets, les affaires se concrétisent. J’étais à la recherche du propriétaire de l’enseigne 237, un homme du nom de Haji Khairullah. Je n’avais pas franchi le seuil que déjà les choses s’annonçaient mal. Condamnée d’un trait bleu ciel, la vitrine ne laissait plus apparaître que les extrémités manuscrites du nom de Khairullah. À l’intérieur, deux jeunes serveurs flânaient derrière le comptoir, apparemment à l’affut des étrangers. Aucune tasse de thé n’était versée, aucun appel de client à enregistrer. Parmi les quelques oisifs occupés à passer le temps, seul un fumeur invétéré, maigre et nerveux, était disposé à parler. « Khairullah a des problèmes », a-t-il dit. « Les clients l’attrapaient par le col pour lui réclamer leur argent. » Lorsque je lui en ai demandé la raison, l’homme a froncé les sourcils. « Des soucis avec le gouvernement. » Je n’aurais pas d’autre réponse. Son attention s’est reportée sur ses cigarettes lorsque, en sortant, j’ai laissé derrière moi une carte de visite. Surmontant la porte, une inscription coranique avait échappé à l’assaut de la peinture. Elle disait : « Et Dieu est le Meilleur des Fournisseurs. » Au sein de la confrérie recluse des manieurs d’argent afghans, Haji Khairullah était roi. Aussi monumentale soit la somme, aussi serré soit le délai, il parvenait toujours à déplacer les fonds au bon endroit – avec la bonne commission, évidemment. À la fois homme d’affaires accompli et philanthrope, magnat de la propriété et patriarche, les richesses de Khairullah étaient liées à un système de transfert de monnaie transfrontalier connu sous le nom de Hawala (le mot arabe pour « transfert »). Système bancaire vaste et parallèle antérieur aux temps du Prophète Mahomet, le Hawala est vivement dénigré depuis le 11 septembre 2001, étant vu comme un moyen simple pour les activistes de déplacer leurs fonds. Mais sans des hommes comme Khairullah, appelés les Hawaladars en Afghanistan, l’économie du pays fonctionnerait au ralenti, comme une machine rouillée. Sa parole, du moins jusqu’à récemment, était bien plus sûre que tous les coffres-forts.

Les États-Unis l’ont soumis à un traitement habituellement réservé aux barons de la drogue ou aux cerveaux des opérations terroristes.

Le Hawaladar était sous surveillance. Quelques semaines plus tôt, le Département du Trésor des États-Unis les avaient soumis, lui et son partenaire en affaires, Haji Sattar, à un traitement, un gel des avoirs et une interdiction de voyager habituellement réservée aux barons de la drogue ou aux cerveaux des opérations terroristes. Le comité des Nations Unies à New York, occupé à surveiller les membres suspectés des talibans et d’Al-Qaïda, avait imposé des sanctions similaires aux deux hommes. Les nouvelles avaient à peine fait de vagues dans les médias, mais Khairullah avait en effet été présenté comme l’un des banquiers les plus soupçonnés de traiter avec les talibans ; un gardien du système financier sous-terrain qui alimente le mouvement en cash. Encore quelques mois plus tôt, jamais je n’aurais accordé à Khairullah le bénéfice du doute. J’avais employé ces deux dernières années à travailler comme journaliste, sautant constamment de l’Afghanistan au Pakistan, guidé par une actualité principalement attachée aux attaques de talibans, aux crises politiques et aux rencontres officielles. Puis j’ai commencé un nouveau travail avec Reuters. Libéré de l’actualité quotidienne, j’ai alors eu ma première opportunité de partir sur la trace de l’argent. Voici l’histoire de mon investigation.

Le banquier des talibans

J’ai donc décidé de partir à la recherche de Khairullah, pour découvrir si vraiment il était cet homme que décrivait le gouvernement américain, et si ses affaires résisteraient à cet examen gênant. En franchissant l’entrée du royaume de Khairullah, à l’enseigne 237, je pénétrais dans un univers de finances clandestines où la réalité, telle que perçue par les véritables dirigeants de l’Afghanistan, n’avait rien à voir avec la version de Washington. J’apprendrais bientôt que la chasse aux millions présumés de Khairullah était, par bien des aspects, une allégorie du dilemme plus grand que rencontrait le monde occidental avec l’Afghanistan. La campagne menée pour fermer l’enseigne du Halawadar soulevait la même question que celle qui planait sur chaque décision prise par les hommes et les femmes menant la guerre – du sergent le moins gradé en passant par les diplomates, jusqu’aux généraux haut gradés et les responsables politiques de la Maison Blanche. Comment espérer parvenir à ses fins dans un pays où les visions du monde des étrangers et des habitants entrent si souvent en opposition ? Dans un tel climat, les plus honorables intentions ne finissent-elles pas inévitablement par faire des dégâts ? La peur se répand dans Kaboul concernant l’avenir du pays, lorsque en 2014 la plupart des troupes étrangères seront retirées. Un pessimisme qui a fini par teinter ma propre opinion sur l’intervention de l’Ouest en Afghanistan. Mais peut-être ai-je tort. Peut-être que l’effacement de l’influence extérieure permettra à l’Afghanistan de trouver un juste équilibre, inaccessible sous tutelle étrangère. Quêter la vérité auprès d’un homme comme Khairullah pourrait bien me donner des réponses…

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Marché de devises afghan
Crédits : Matthew Green

Je n’ai pas eu trop de mal à retrouver l’enseigne 237 : le comité des sanctions de l’ONU avait publié sur son site internet une liste des bureaux de Khairullah. Peu après ma visite, j’ai reçu l’appel d’un homme. On l’appellera Fazal. Il désirait connaître les raisons de ma venue. « Rejoins-moi à l’hôtel Safi Landmark de Kaboul et nous parlerons », m’a-t-il dit. La chute des talibans a permis à de nombreuses personnes de s’enrichir, et la majorité de cet argent a été mis à profit. Situé dans un carrefour dynamique du centre de la capitale, l’hôtel et centre commercial Safi Landmark est à la fois le symbole de la prospérité de l’élite post-talibans et une cible de choix pour les attentats-suicides, argument de choc pour convaincre les kabouliens que ce sont les insurgés et non une ploutocratie de profiteurs de guerre qui feront l’avenir de l’Afghanistan. Je déjeunais dans le restaurant de l’hôtel, le 14 février 2011, lorsqu’un kamikaze a tué deux gardes à l’entrée. Un serveur exalté insistait pour que je règle la note, tandis que les explosions et les coups de feu retentissaient dans la rue. À l’époque, je m’étais juré de ne plus jamais retourner dans l’enceinte du bâtiment, mais plusieurs portes blindées avaient été installées depuis et le centre commercial grouillait de clients en quête de billets d’avion, de téléphones portables et de bijoux. Fazal a fait son entrée dans le café au sous-sol, accompagné d’un homme robuste d’une trentaine d’années. À mes yeux, il avait l’air impassible d’un ouvrier plutôt que l’aura livresque à laquelle je m’attendais de la part d’un sorcier du commerce Hawala. Mais son nom était Asmatullah Helmand, gérant de l’enseigne 237 et maillon essentiel du clan Khairullah. Asmatullah a fait son plaidoyer autour d’un capuccino. Les allégations contre Khairullah étaient fausses, a-t-il déclaré. Au contraire, les affaires familiales avaient servi de planche de salut aux Américains. On dénombrait parmi les nombreux clients de Khairullah des transporteurs recrutés par le Pentagone dans le but de réapprovisionner les bases américaines réparties en Afghanistan, sans quoi l’engrenage de guerre serait bien vite enrayé. La famille Khairullah avait plus à s’inquiéter des potentielles représailles des insurgés que des Américains. « Nous avons toujours eu peur des talibans », affirmait Asmatullah. Quand la nouvelle des sanctions a été diffusée sur Afghan TV, « tout le monde était sous le choc ». Malgré la morosité qui régnait dans l’enseigne 237, Asmatullah a insisté sur le fait que les affaires de la famille étaient toujours actives, et m’a promis de demander à Khairullah s’il voulait bien accorder une interview à Reuters. Pour un homme que Washington considérait comme passé maître dans l’art occulte de déplacer l’argent taliban, Khairullah semblait étonnamment proche du gouvernement que le mouvement tentait de renverser. Les allégeances, dans les conflits afghans, sont souvent fluctuantes, mais dans le sud Pachtoune, berceau des talibans, l’ambiguïté est encore plus importante. Les fonctionnaires locaux, les anciens du village ou les membres des forces de sécurité peuvent être personnellement liés aux commandants talibans opposés au gouvernement, et ce même s’ils en sont de farouches opposants. Amis et ennemis cohabitent dans un même continuum, dont la frontière est rarement apparente. Personne n’avait montré autant de dévotion envers le Hawaladar que Sayed Muhammed Akhund, membre du parlement de la province de Kandahar. Ancien Moudjahid (« guerrier saint ») marqué par les expéditions vouées à l’échec des Soviétiques, dans les années 1980, alors qu’il se frayait un chemin parmi ses ennemis terrifiés, Akhund conserve des restes de l’attitude sévère de sa jeunesse de guerrier, malgré l’apparition d’un petit ventre de vétéran. Je lui ai rendu visite dans sa maison de Kaboul, où ses jeunes gardes du corps en treillis paressaient sur le tapis, leurs fusils posés dans un coin. Akhund, allongé sur un coussin, balayait les accusations américaines contre ses amis avec la nonchalance dédaigneuse d’un homme qui chasserait les mouches. « Je vous garantis qu’il n’est pas impliqué dans le trafic de drogue ou partisan des talibans », a affirmé Akhund. « Il n’a pas un poil de méchanceté en lui. »

« On a dû lui donner des renseignements, l’avertir que le raid allait arriver. » — Massoudi

Extrêmement inquiet, Khairullah avait appelé Akhund quelques semaines plus tôt et lui avait demandé quelle conduite adopter face aux sanctions. « C’est un homme bien, je ne comprends pas pourquoi il a été mis sur liste noire », a ajouté Akhund. Tandis que je m’asseyais face à lui, pendu à ses gestes, il a tenté un instant de joindre Khairullah au téléphone, en vain. À mon départ, il a insisté pour m’offrir un carton rempli de grenades juteuses, aussi grosses qu’un poing : le fruit typique de Kandahar. Le réseau de sympathisants de Khairullah semblait même s’étendre au sein de l’administration. FinTRACA, la cellule de renseignement financier afghane, occupe l’un des immeubles monumentaux qui ont poussé dans les rues boueuses de Kaboul depuis l’expulsion des talibans. Le responsable, Mohammad Mustafa Massoudi, est issu d’une génération de courageux jeunes technocrates Afghans, luttant pour broder un tissu plus éclairé de gouvernement et le substituer au clientélisme hérité du Président Hamid Karzai. Massoudi expliquait avoir ordonné aux banques afghanes de geler les comptes de Khairullah. Ils n’ont cependant trouvé que 20 000 dollars, une fraction à peine des sommes qu’il était suspecté d’avoir déplacées. « On a dû lui donner des renseignements, l’avertir de ce qui allait arriver », a affirmé Massoudi. De toute évidence, Khairullah n’avait pas peur de faire lui-même du lobbying auprès du gouvernement. Haji Najeebullah Akhtary, responsable du marché des changes de Serai-e-Shahzada, a déclaré avoir reçu un appel de Khairullah qui, dans tous ses états, l’a informé de sa résolution à rencontrer le Président Karzai pour faire appel à ses services et rejeter les sanctions. La rencontre ne s’est jamais concrétisée. Plus tard, j’ai visité un des bureaux de l’Amaniyat, le service de renseignement de l’Afghanistan, fortifié par une rangée de murs en béton armé. Un agent du renseignement m’a expliqué que Khairullah avait envoyé un de ses frères solliciter son aide pour contrer les sanctions, mais les dossiers américains sur le Hawaladar étaient toujours classés confidentiels. Il a ajouté ne disposer personnellement d’aucune preuve lui permettant de soutenir l’implication de Khairullah dans les finances des talibans, seulement des soupçons alimentés par son ascension fulgurante. « Trente ans plus tôt il n’avait rien », a-t-il dit. « Je suis persuadé qu’il est impliqué dans le trafic de drogue. » Voilà le dilemme qui rend l’Afghanistan si complexe : la distinction entre « gouvernement » et « insurgés » est facile à saisir pour les forces étrangères, mais c’est également une schématisation si monumentale qu’elle voile la réalité plus qu’elle ne la reflète. Khairullah était membre d’une classe bien plus large d’hommes d’influence et d’anciens, dont les intérêts différaient naturellement selon les époques. Jouer dans tous les camps est, en Afghanistan, à la fois une police d’assurance et une forme d’art. Loin d’ébranler leur réputation, cette simplification ne fait que renforcer leur statut de survivants. Pour comprendre un homme comme Khairullah, il faut comprendre ses réseaux – une toile tissée durant trente ans d’une histoire houleuse, pendant laquelle quiconque pouvait se retrouver membre ou exclu du gouvernement, au rythme de la roue de la fortune, sans voir décliner son influence personnelle. C’est ce contexte que les étrangers ont eu tant de mal à comprendre, et qui est souvent passé inaperçu. Il me fallait me rendre Kandahar, cœur des opérations Hawala de Khairullah, et berceau du mouvement taliban.

Le marché de Kandahar

Bordée de sinistres escarpements, la ville de Kandahar a la forme d’un diamant brut, malgré les teintes plus sombres de ses demeures, concentration alvéolaire dans une palette désertique de plaines du sud de l’Afghanistan. La ville, trop souvent reléguée à son statut d’ancien repaire de la théocratie talibane, n’est pas si désagréable. Ici, la lumière est différente, plus vive et pourtant plus douce qu’à Kaboul, et l’air y est pur. Traversant la ville, la vitre de la voiture capture des instants de beauté inespérés : la brève apparition turquoise de la coupole d’une mosquée dans la venelle ; un policier dirigeant avec sérieux une marée agitée de Corollas et de tuk-tuks ; un motard au visage anguleux filant dans les volutes de ses robes. Dans un bombant élan de fierté civique, une grenade gigantesque trône sur son socle, devant le bureau du gouverneur. Aucun autre monument n’égale celui du pavot provincial. L’Autoroute 1 – le périphérique reliant les plus grandes villes d’Afghanistan – communique entre Kaboul et Kandahar, mais traverser pendant des jours un territoire disputé par un firmament impulsif de factions aurait été, dans le meilleur des cas, inquiétant. J’ai embarqué à bord de l’un des vieux avions de ligne traçant sa route jusqu’à l’aéroport, aux abords de la ville. Un ami kandaharien m’y a retrouvé et conduit en ville, croisant la route d’un convoi américain de camions et de véhicules blindés, leurs phares étincelant au soleil de midi et leurs tourelles tressautant sans cesse.

Au deuxième jour de ma visite, trois policiers moins chanceux furent tués lors d’un plus petit bombardement à l’autre extrémité de la ville.

Kandahar avait l’air plus sûre et plus active qu’elle ne l’était en 2010, lors de ma première visite. À l’époque, les forces américaines déployées par l’administration Obama pour renforcer les troupes lançaient des opérations d’invasion des forteresses talibanes, dans les districts environnant Arghandab, Zhari and Panjwai. Les Américains étaient parvenus à reprendre de nombreux villages où flottait le drapeau blanc des talibans, mais leurs agents sévissaient toujours dans les rues de la ville. Quelques mois avant mon arrivée, un camion piégé avait failli tuer le chef de police, le Général Abdul Razziq – un chef tribal d’apparence juvénile au sourire enfantin, réputé pour être l’un des plus fervents opposants aux talibans. Les officiels américains le suspectaient d’avoir grandement profité du trafic d’héroïne lors de son mandat précédent, alors qu’il dirigeait la police des frontières de Kandahar (Razziq le nie), mais sa croisade endiablée contre les insurgés avait encouragé l’OTAN à fermer les yeux sur les activités secondaires qu’ils soupçonnaient. Désormais, il était un des hommes les plus puissants de la province. Il ne doit qu’à la chance d’avoir survécu à sa tentative d’assassinat – une parmi tant d’autres. Un officiel américain m’a raconté qu’un 4×4 avait inopinément doublé son convoi et encaissé le choc de l’explosion. Razziq a souffert de méchantes brûlures mais, ayant frôlé la mort, son aura mystérieuse n’en était que plus éclatante. Au deuxième jour de ma visite, trois policiers moins chanceux ont été tués lors d’un plus petit attentat à l’autre extrémité de la ville. Le site de l’ONU avait situé le comptoir de Khairullah à l’enseigne 25, au cinquième étage du marché des changes de Kandahar, un emporium haut de sept étages dans le centre-ville. Paressant sur une chaise en plastique, un agent de police tenait une garde symbolique ; aucun braqueur invétéré ne serait assez idiot pour s’attirer les foudres des Hawaladars et de leurs implacables clients, quel que soit le camp qu’ils défendaient dans cette guerre. À l’intérieur, le système bancaire officieux de Kandahar était maintenu par une infinie quantité d’élastiques, destinés à ordonner de grosses piles de billets. Les Halawadars superposaient des montagnes d’afghanis hautes comme des briques au sommet de vitrines de verre encombrées d’un peu plus de billets, ou éparpillaient leur monnaie comme des mains de poker. Des apprentis se hâtaient en tous sens, portant des tasses de thé vert fumantes remplies par des théières gigantesques. Des paires de sandales, alignées devant les portes des enseignes, attestaient des négociations serrées que menaient à l’intérieur les propriétaires, à qui clignerait des yeux en premier. Mais l’énergie la plus vive irradiait d’une salle des marchés officieuse, où les marchands, rassemblés dans un atrium miteux, tendaient le cou pour négocier avec leurs homologues, penchés à l’étage du dessus. Tous aboyaient des taux, brandissaient des téléphones ou échangeaient d’obscurs signaux de la main. L’enseigne de Khairullah se situait plusieurs étages plus haut, mais les portes vitrées étaient closes et personne ne semblait être à l’intérieur. J’ai eu plus de facilités à rencontrer Haji Qandi Agha, le président du bazar. Affublé d’une barbe grise majestueuse et d’un turban brillant d’un éclat d’ivoire, le regard bienveillant, le Hawaladar était perché les jambes croisées sur un coussin dans l’attitude d’un gnome méditatif. Tandis que nous discutions, un client, un homme renfrogné, une casquette campée à l’arrière de sa tignasse, s’est avachi sur le comptoir en débusquant de son gilet une liasse de billets infâmes. « Cet homme, voyez-vous, envoie de l’argent », dit Qandi Agha en lui jetant un coup d’œil. « Si le gouvernement ou les États-Unis le capturent en affirmant qu’il est un taliban, suis-je fautif ? »

Echange de devises

Échange de devises
Crédits : Matthew Green

Quant aux accusations américaines à l’encontre de Khairullah, Qandi Agha avouait être déconcerté : « Dans son bureau, il n’y avait que des gens échangeant leur monnaie, buvant du thé ou dégustant des pâtisseries. Aucune conversation à propos des talibans ou de l’héroïne. » Les réponses brèves sur Khairullah avaient toujours la particularité d’être évasives, mais le mystère s’est encore épaissi lorsque j’ai rencontré Haji Agha Jan, un autre Hawaladar avec des déboires à raconter. Homme à la barbe clairsemée, au regard sombre et animé, habitué à accueillir le sort capricieux de Kandahar avec un rictus et un haussement d’épaule, Agha Jan ponctuait son récit en crachant des mollards de tabac verdâtre dans un crachoir. Un nuit d’octobre 2011, Agha Jan avait entendu quelque chose à l’extérieur de sa maison du District Neuf, un labyrinthe de ruelles au nord de Kandahar, tenu pour être le repaire des infiltrés talibans. Je me suis souvenu avoir traversé la zone au cours de l’été 2010, dans un véhicule blindé de l’armée américaine. Des enfants dissimulés dans les devantures de magasins jetaient des pierres qui ricochaient sur la cuirasse. Ce n’était pas l’endroit idéal où s’attarder. Alors, lorsqu’Agha Jan a entendu du vacarme devant chez lui, il a empoigné machinalement son pistolet et inséré les balles dans le chargeur. Il s’est avéré que ce n’était pas les talibans qui étaient venus frapper à sa porte, mais les troupes américaines et afghanes. Ils ont bandé les yeux d’Agha Jan et de son fils avant de les conduire à l’aérodrome de Kandahar, non loin de là, une base militaire campée dans le désert au sud de la ville. Confiné dans une cellule minuscule, Agha Jan pouvait seulement deviner l’heure lorsque les gardes appelaient à la prière musulmane ou en osant des regards furtifs sur les montres de ses ravisseurs. Ses interrogateurs étaient obsédés par le contenu de ses livres – de grands manuscrits vieux de dix-huit ans, dont les lettres en pattes de mouche avaient été apposées au stylo bille. « Je leur ai dit qu’en effet j’envoyais de l’argent via Hawala, mais pas de l’argent taliban », m’a confié Agha Jan. « Il n’y a pas écrit “taliban” dessus. » Il a été relâché vingt-cinq jours plus tard – dépouillé de 2,3 millions de roupies (24 000 dollars) et de quatre colliers en or saisis lors de son arrestation. Jonchés sur le tapis, Agha Jan me montrait les documents détaillant les réclamations de ses objets perdus. L’un d’entre eux, une lettre signée par un capitaine de l’armée américaine, attestait de leurs refus. Les ravisseurs d’Agha Jan avaient-ils commis une erreur ? Ou n’avaient-ils tout simplement pas récolté assez de preuves ? Comment pouvaient-ils espérer déchiffrer les énigmes des codes gribouillés et les traces d’encre mouchetant ses livres de compte ? Si les interrogateurs s’étaient trompés à propos d’Agha Jan, se pourrait-il qu’ils se soient également fourvoyés sur Khairullah ? Ce ne serait pas la première fois que les Afghans ont à subir les conséquences d’une erreur d’identification de la part des forces américaines. J’ai enquêté par mail auprès de la FIAS (Force Internationale d’Assistance et de Sécurité) à propos du dossier d’Agha Jan, mais ils ont répliqué n’avoir aucune information à me fournir. Haji Qasim Mohammed, un autre Hawaladar, a eu beaucoup moins de chance. Visage connu sur le marché, Qasim avait été enlevé chez lui par les forces américaines et afghanes, quelques mois avant ma visite. Personne ne savait où il était retenu captif. Plus tard, j’ai appris qu’il avait lui aussi été sanctionné par le Département du Trésor Américain, car il était suspecté d’acheminer des millions de dollars aux talibans. Khairullah avait eu raison de faire profil bas. L’armée américaine n’était pas très appréciée des Hawaladars de Kandahar, et les témoins dans l’affaire Khairullah ne manquaient pas. Connu pour sa piété islamique, le noble marchand avait, selon ses confrères, gagné leur respect en organisant des plans d’aide aux sinistrés dans les villages pauvres, frappés par les inondations ou les tremblements de terre, ou en apportant son soutien quotidien, récoltant de l’argent pour des banquets de mariage ou des pèlerinages à la Mecque. Il faut noter que Kandahar est un lieu où les troupes américaines, grâce à des murs portables en béton et en acier armés, construisent des postes de contrôle sur toutes les routes principales de la ville. Un cadre évoquant les défenses des châteaux médiévaux. Pour un homme en âge de se battre, rentrer dans Kaboul revient, au moins, à se voir pointer un scanner rétinien par un soldat américain. Ce ne rendrait que plus effronté Khairullah s’il entretenait bel et bien – comme l’affirmait le Trésor Américain – l’équivalent d’un distributeur automatique pour les talibans au cinquième étage du marché des changes de Qandi Agha, aux nez et à la barbe de tous. Quelques jours plus tard, nous nous sommes dirigés vers Ayno Mina, un prestigieux complexe de logements à la lisière de Kandahar, construit par les proches du Président Karzai, du jamais vu en Afghanistan. Plusieurs personnes étaient convaincues que Khairullah avait fortement investi dans le projet et que, lorsque la bulle spéculative due à la guerre avait éclaté, il en avait payé le prix, le plongeant dans la crise avant même qu’il ne soit sanctionné. Même si les prix avaient considérablement chuté, le quartier n’avait pas perdu de son éclat. Les avenues de larges maisons tuilées, les postes de garde et les fontaines renvoyaient une image vertigineusement différente de Kandahar que ne le faisait le labyrinthe de terre du District Neuf.

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Négociations
Crédits : Matthew Green

Bravant l’instabilité des prix, les promoteurs préparaient une seconde phase intitulée New Ayno Mina. Des réverbères éteints, bordant les routes désertes, rappelaient le style des banlieues américaines ; les maisons non bâties demeuraient les créations imaginaires d’un architecte. Tandis que le soleil déclinait derrière les collines en dents de scie, au-delà de la ville, une bande d’adolescents jouait au cricket sur une portion déserte de goudron. Alors que nous retournions dans le véritable Kandahar, mon ami a aperçu une connaissance à lui, un agent immobilier, l’occasion de s’arrêter pour partager une gourde de thé vert. Le courtier nous a informé que Khairullah lui avait rendu visite dans son agence, quelques mois plus tôt, dans l’espoir de lui vendre vingt-quatre parcelles à New Ayno Mina, pour une somme de 360 000 dollars. À en juger par le désert goudronné que nous venions de traverser, la somme semblait optimiste. « Je pouvais lire l’inquiétude sur son visage », a dit l’agent immobilier. « Il voulait vendre rapidement. » Je m’imaginais Khairullah arpenter l’agence, nerveusement agrippé à son chapelet, l’esprit bouillonnant au rythme des dollars, des afghanis et des roupies.

Le mystère Khairullah

J’ai eu la chance, lors de mon dernier jour à Kandahar, de rencontrer un homme disposé à révéler toutes les inconnues de cette histoire. Pour de multiples raisons, je ne suis pas parvenu à l’identifier, et pourtant j’en viendrais à croire sa version des faits, qui recoupe d’autres fragments de témoignages que j’ai pu rassembler. Ce contact a affirmé que Khairullah avait montré pour la première fois ses tendances entrepreneuriales à l’adolescence, alors qu’il vendait des pâtisseries dans une charrette à bras, dans un village de sa province natale, Helmand. Il a rapidement été reconnu dans le domaine du Hawala, mais c’est seulement à la prise de pouvoir des talibans, au milieu des années 1990, qu’il a décroché la timbale, alors que Mohammad Omar, le fondateur spectral du mouvement, dirigeait son Émirat depuis Kandahar. Khairullah aurait été membre d’une coterie de trafiquants d’opium évoluant dans une orbite lucrative autour du chef taliban. Ma source a ajouté qu’elle avait vu Khairullah se rendre au camp du Mollah Omar à une vingtaine de reprises. « Il s’est rapproché des talibans », a-t-elle conclu. « Il achetait de la drogue, leur en revendait et se faisait un paquet d’argent. » Une autre source, membre du conseil provincial de Kandahar, m’a expliqué que Khairullah devait ses richesses à l’une des plus grandes arnaques de la diplomatie moderne. En 2000, le Mollah Omar a banni la culture du pavot, soi-disant pour réprimer le commerce de l’héroïne. Désespéré à l’idée de gagner une once d’estime internationale, le taliban présentait sa décision comme un acte de citoyenneté mondiale. Les agriculteurs, craignant les représailles des talibans, se sont vite conformés. La soudaine pénurie de l’offre d’opium a entraîné une ascension prévisible des prix. La clique de trafiquants du Mollah Omar, qui avait prudemment amassé des réserves considérables, a alors fait fortune du jour au lendemain. Lorsque les talibans se sont exilés au Pakistan en 2001, sous un déluge de bombes américaines, il aurait semblé évident pour leurs Halawadars habituels de continuer à travailler avec eux. Après tout, l’autorité talibane, en tant que gouvernement fantôme en exile, est demeurée largement intacte. Si l’on en croit les multiples témoignages des médias et ceux d’anciens officiels de la lutte contre les stupéfiants, alors des figures influentes de l’administration Karzai, et pas seulement les insurgés, auraient eux aussi grandement contribué au commerce de l’héroïne. Le trafic de l’opium n’était pas il est vrai nécessairement considéré comme un crime à Kandahar. Mahmoud Karzai, un des frères du président, et certainement le plus controversé, aussi promoteur d’Ayno Mina, a synthétisé un sentiment très répandu : « Au cours du règne des talibans, 80 à 90 % des hommes d’affaires faisaient du trafic de drogue », m’a-t-il confié un jour. « C’était un commerce légitime. Il est extrêmement injuste de condamner les gens pour des choses que tout le monde faisait. » Alors que je me joignais à la file pour embarquer dans l’avion qui me mènerait à Kaboul, j’ai senti qu’on essayait d’attirer mon regard. Tournant la tête, j’ai aperçu Asmatullah Helmand, le gérant trapu de l’enseigne 237, posté derrière mon dos. Il souriait. La famille était au courant que je me trouvais à Kandahar pour enquêter sur Khairullah. Une fois encore, il a promis d’essayer de m’arranger un rendez-vous avec son patron. Ville hantée et condamnée, sujet évité du reste du Pakistan, Quetta a longtemps joué un rôle énigmatique, quoique crucial, dans les stratégies d’espionnage, d’influence et d’insurrection qui se jouaient le long de la frontière afghane. C’est à Quetta, au grand dam des commandants américains, que les dirigeants talibans ont trouvé refuge en 2001, et se sont réorganisés patiemment avant de tenter leur retour. Et c’est à Quetta que Khairullah s’est retiré, peu après l’annonce des sanctions.

« Les Américains et les Nations Unis m’ont persécutés. Ils me devront une compensation pour ce que j’ai perdu. » — Haji Khairullah

Les autorités de la sécurité pakistanaise, longtemps accusées de soutenir les talibans, sont à juste titre réticentes à l’idée que des étrangers viennent s’introduire impudemment à Quetta, aussi est-il pratiquement impossible d’obtenir une permission officielle de visiter personnellement la ville en tant que journaliste étranger. Même si j’avais pu bluffer pour sortir de l’aéroport, m’aventurer dans le quartier abritant le bureau de Khairullah aurait été trop dangereux. Le site de l’ONU avait gentiment fourni une adresse. J’apprendrais plus tard que ses locaux occupaient le premier étage d’un immeuble quelconque, en face d’un atelier de réparation de motos, dans l’angle d’un marché connu sous le nom de Kandahari Bazaar. Le bureau était encore plus quelconque que l’enseigne 237 de Kaboul : pas même un insigne, une simple porte blanche en métal. J’avais perdu tout espoir de parler un jour à Khairullah quand le téléphone a sonné. Trois mois après ma visite à l’enseigne 237, il avait finalement décidé d’accorder une interview à Reuters. Par le biais d’un intermédiaire parlant le pachtou à Islamabad, je pouvais m’entretenir avec Khairullah au téléphone. Les Pakistanais qui ne parlent pas le pachtou, disent la langue semblable à un bruit de ferraille dans une boite en métal pleine de cailloux. Mais au contraire, la voix à l’autre bout du fil  était claire et précise, bouillonnant d’une colère justifiée.

Le jeu d’échecs

« Je suis un homme d’affaires, et un homme d’affaires est comme un bélier : quiconque détenant l’autorité peut l’attraper par le cou et le massacrer », dit Khairullah, avec un lyrisme pachtou tout à fait rustique. « Ma vie est devenue un enfer. J’ai perdu ma crédibilité et ma réputation. On m’a déclaré coupable sans aucun procès. » Khairullah a farouchement nié tout lien avec les talibans ou le commerce de l’héroïne. Il réclamait en outre des intérêts aux États-Unis pour les dommages causés à ses affaires, résultat des sanctions prises à son encontre. « Les Américains et les Nations Unies m’ont persécuté », fulminait-il. « Ils me doivent une compensation pour ce que j’ai perdu ! » La colère de Khairullah était sincère. Après tout, même s’il avait délibérément servi les talibans à son comptoir – ce qu’il contestait –, être pris pour cible lui semblait sans doute extrêmement injuste. Quelles que soient les sommes qu’il déplaçait, il était de notoriété publique que les renforts envoyés par Obama avaient considérablement profité au trésor de guerre des talibans. Les insurgés avaient extorqué des millions de dollars aux contribuables américains, moyennant des rackets de protection des entrepreneurs impliqués dans des projets d’aide financés par les États-Unis, ou en dirigeant les entreprises de transport dont le Pentagone avait besoin pour réapprovisionner ses troupes en nourriture, eau et essence. Les talibans n’étaient pas les seuls à battre monnaie : les entrepreneurs du secteur privé américain avaient eux aussi fait de vastes profits. L’Afghanistan était la preuve, une nouvelle fois, d’une sempiternelle vérité : la guerre est un commerce. Et dans les deux camps, les plus futés y trouvaient leur compte. J’avais entendu que le dossier américain sur les activités du Halawadar, en tant que banquier suspecté de traiter avec les talibans, était l’un des plus fournis du genre. Pourtant, il demeurait secret. Khairullah n’avait pas tout à fait tort : il avait été déclaré coupable par des accusateurs sans visage, vivant à l’autre bout du monde, sur un bien-fondé dont il ne connaitrait jamais la nature.

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Marché de devises
Crédits : Matthew Green

À certains égards, en revanche, Khairullah s’en était bien sorti. Seuls ses comptes avaient été gelés. Le projet qui l’avait amené à être inscrit sur la liste des sanctions n’était pas sans rappeler le système opaque autorisant Barack Obama à ordonner personnellement l’exécution par des drones de la CIA d’activistes présumés au Pakistan, en Afghanistan et au Yémen. Quoi que puisse dire le gouvernement américain à propos de Khairullah, il était sans aucun doute un homme entouré d’amis. Les marchés des changes de Kaboul, Kandahar et d’autres villes, sont les poumons qui oxygènent l’économie liquide de l’Afghanistan. Les hommes qui les font prospérer ne sont donc pas à prendre à la légère. Je me demandais toujours si les possibles profits américains, récoltés en perturbant les finances des talibans par le biais des sanctions, avaient davantage pesé que la colère avivée au sein d’une cohorte d’hommes d’affaires afghans, compatissant de la situation désespérée de Khairullah. L’isoler avait bien pu, en effet, être interprété comme une manœuvre particulièrement irrationnelle, étant donné que l’homme théoriquement en charge de l’arrêter, le Général Razziq, chef de police de Kandahar, avait lui-même été identifié par les responsables américains comme un suspect de choix dans le commerce d’héroïne – et ce même s’il clamait son innocence. À la différence, bien sûr, que Razziq s’était rallié à l’Ouest, contrairement aux clients talibans qu’on soupçonnait Khairullah de servir.

« C’est comme un jeu d’échecs en trois dimensions », m’a expliqué un capitaine de l’armée américaine.

Ce décalage complexe entre les perceptions se répéterait de différentes façons tout au long de la guerre. Une connaissance kandaharienne m’a raconté, un soir autour d’un dîner à Kaboul, que la plupart des gens de sa province étaient convaincus que, pour les États-Unis, repousser les talibans relevait d’un impénétrable jeu de pouvoir régional. Comment expliquer autrement l’échec d’une superpuissance à annihiler une insurrection menée par des jeunes hommes, armés de AK-47 et de bombes artisanales fabriquées à partir d’engrais ? Lorsque le Président Karzai, plus tôt cette année, en accusant les États-Unis de conspirer avec les talibans, avait indigné Washington, il n’essayait pas de dire aux Afghans quoi penser : il essayait désespérément de prouver à ses compatriotes kandahariens qu’il était du même avis qu’eux. Ce gouffre expliquait, parmi d’autres raisons, pourquoi prédire les événements à venir est si difficile, que ce soit dans un village, une province ou dans le pays tout entier. J’ai eu un jour une conversation avec un capitaine de la 82e Division américaine des troupes aéroportées, terré dans une base à Arghandab, une vallée au nord de Kandahar, où il me décrivait les complications auxquelles se heurtait son bataillon pour trouver le meilleur moyen d’influencer les camps rivaux. « C’est comme un jeu d’échecs en trois dimensions », a-t-il expliqué. « En comprendre les règles est déjà difficile. Gagner l’est d’autant plus. » En fin de compte, l’avenir de l’Afghanistan ne dépendra pas de l’issue du combat, dans lequel les talibans et les troupes afghanes s’enliseront dans un pat. Il sera bien plutôt façonné par les marchés conclus par les courtiers du pays, alors qu’ils essayeront de se placer dans le nouveau paysage politique qui émergera l’an prochain, lorsque le Président Karzai se retirera et le transfert de la sécurité aux forces afghanes arrivera à son terme. En tant qu’homme ayant facilement accès aux fonds, les services de Khairullah seront certainement toujours sollicités par ses clients, que ce soit pour des fonds de campagne électorale ou pour acheter des armes. Khairullah est donc loin d’en avoir terminé. Tandis qu’il fulmine à l’encontre des États-Unis et des Nations Unies, depuis ses quartiers généraux de Quetta, j’ai entendu dire par un responsable occidental qu’il n’avait toujours pas de mal à récolter des sommes à six chiffres, en liquide. Et sa réputation, bien qu’entachée, n’est pas le moins du monde anéantie. « Ce n’est pas un voleur, ni un homme mauvais, ni un escroc », affirmait un des Halawadars de Kandahar. « S’il se remettait à travailler, ce serait à lui que je ferais le plus confiance pour transférer mon argent. »


Traduit de l’anglais par Mehdi Chauvot d’après l’article « Hunting Afghanistan’s Moneymen », paru dans Roads & Kingdoms. Couverture : Jon Rasmussen.