Entre les marais salants qui strient les contours de Noirmoutier, en Vendée, trois bassins sont alignés sur plusieurs dizaines de mètres. Ils ne contiennent rien, en dehors de quelques tortillons de terre, pareils à ceux qu’on peut apercevoir sur les plages à marée basse. Leur dessin est formé par un ver arénicole qui respire sous le sol. Comment réussit-il cette prouesse ? C’est justement ce qui intéresse la société Hemarina à l’origine de l’élevage. En étudiant l’animal, ses chercheurs se sont rendus compte qu’il fixait 40 fois plus d’oxygène sur ses molécules d’hémoglobine que l’être humain. Et il en a tiré un protocole d’oxygénation qui a une chance d’aider les personnes atteintes du Covid-19.

« Nous l’avons proposé au ministère de la Santé », confie Frank Zal, le docteur en biologie marine qui a fondé Hemarina. Alors que les machines d’assistance respiratoire risquent de manquer aux patients français placés en réanimation – c’est déjà le cas dans l’Est du pays –, la molécule du ver arénicole pourrait fournir une alternative aux machines d’assistance respiratoire. « Elle peut aller dans des endroits où un globule rouge ne peut pas aller », décrit Zal. « Nous sommes prêts. Nous avons de quoi traiter 5 000 patients et sommes en train de nous mettre en ordre de marche si on nous demande d’en produire plus. »

Ce n’est pas un hasard si Frank Zal est prêt. Voilà des années qu’il étudie le sujet.

Le club du globule rouge et du fer

C’était maintenant au tour de Franck Zal de prendre la parole. Dans l’amphithéâtre de l’hôpital Saint-Antoine de Paris, il faisait face à un parterre de chercheurs, de cliniciens et d’hématologues : « C’était l’interlude durant lequel on parlait des choses moins sérieuses », ironise-t-il aujourd’hui. C’était en 1993 et Franck Zal avait été invité par le Club du Globule Rouge et du Fer, une association regroupant environ 150 membres travaillant sur les problèmes liés à l’hémoglobine, les hémoglobinopathies et le globule rouge en général. Au club, on avait déjà entendu parler des recherches du jeune étudiant en océanologie biologique. Il avait 27 ans.

Depuis plus d’un an, Zal étudiait l’éco-physiologie d’un ver marin qu’on trouve en très grand nombre sur nos plages, de la mer du Nord jusqu’à Biarritz. Si son nom, l’arénicole (buzuk en breton) – ou Arenicola marina – est quasiment inconnu de tous, nous avons tous déjà observé les petits tortillons qu’il laisse sur l’estran, signe que l’animal est là, tapi sous le sable.

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Tapi sous le sable
Crédits : Samuel Aupiais

Jusqu’ici, Franck Zal s’intéressait à la façon dont l’arénicole s’adapte à son environnement. L’étudiant cherchait à savoir comment ce ver qui vit au rythme des marées parvient à survivre alors qu’il se retrouve privé d’eau deux fois par jour. Il est persuadé que la réponse à ses questions se trouve dans le système physiologique et respiratoire de l’animal : « Qu’est ce qui fait le lien entre la physiologie d’un organisme et son environnement ? C’est le sang, explique Franck Zal. Quand on respire, on est en contact direct avec ce qui nous entoure. C’est pour ça qu’on fait des analyses sanguines. Pour connaître notre état de santé par rapport à notre environnement. C’est pour cette raison que je me suis focalisé sur le sang de ces vers. »

Cette année-là, on l’avait convié afin qu’il fasse part des avancées de ses recherches. Face à l’assemblée de médecins, Zal a débuté son exposé. Le sang est composé de différentes cellules, dont celles qu’on appelle les globules rouges, qui servent à acheminer l’oxygène vers les cellules de l’organisme. Cette molécule contient une protéine appelée hémoglobine, qui est capable de lier réversiblement l’oxygène. Chez l’arénicole, on ne trouve pas de globules rouges. Par ailleurs, les êtres humains possèdent tous un groupe sanguin, A, B ou O, ainsi qu’un Rhésus positif ou négatif pour les plus connus, car on distingue plus d’une trentaine de groupes sanguins différents. Toutefois, seul le O négatif est de type donneur universel. L’absence de globules rouges chez l’arénicole et l’absence de glycosylation de son hémoglobine lui confère la même caractéristique. ulyces-franckzal-14

À la fin de la conférence, les médecins ont descendu l’amphithéâtre et se sont dirigés vers l’étudiant pour l’interroger : « Mais monsieur, vous n’avez quand même pas trouvé une molécule chez l’arénicole qui a cette structure, cette fonction ? » Cette molécule, Franck Zal l’avait bel et bien trouvée : l’hémoglobine de l’arénicole. « Vous savez, ont poursuivi les médecins. Si c’est vraiment le cas, c’est ce que nous recherchons depuis plus de quarante ans pour en faire un substitut sanguin. » L’étudiant était sur une piste.

Et s’il venait de découvrir un moyen de produire un substitut sanguin universel ?

Les secrets d’Arenicola

Les grandes innovations liées au sang ont souvent fait leur apparition dans les périodes les plus troublées de l’Histoire. Si les premières recherches autour d’un substitut sanguin sont très anciennes, plusieurs tentatives de transfusion avaient déjà été réalisées sur l’homme entre le XVIIIe et le début du XIXe siècle, à partir de lait ou du sang d’agneaux. La Première Guerre mondiale permettra de franchir une étape cruciale pour la recherche, car durant le conflit, les transfusions étaient réalisées de bras à bras. Pour pratiquer cette opération, il était ainsi nécessaire de disposer de donneurs sur place : « Une contrainte qui a amené les chercheurs de l’époque à se poser la question d’un substitut au sang humain. Cette contrainte les a fait s’interroger : “Comment peut-on faire pour remplacer le sang ?” » explique Gérard Tobelem, ancien professeur d’hématologie à l’université Paris VII qui a notamment présidé l’Établissement français du sang (EFS) de 2009 à 2012 et rédigé Histoire du sang (Perrin, 2013).

Les scientifiques américains apporteront une réponse à grande échelle au moment de la Seconde Guerre mondiale, lorsque le chimiste Edwin Cohn mettra au point une méthode de fractionnement du sang lui permettant de séparer, entre autres, les albumines du reste du prélèvement : « Si l’on se remémore les images du débarquement, on voit les infirmiers courir de blessés en blessés sur les plages normandes, raconte Gérard Tobelem. Trois choses étaient réalisées par ces infirmiers : souvent une piqûre de morphine, l’utilisation d’un sulfamide sous forme de poudre blanche – utilisé afin d’éviter les infections –, et l’utilisation d’un flacon d’albumine, qui était le substitut sanguin d’urgence pour la transfusion. »

Réussir là où la plupart ont échoué, c’est l’objectif que s’est lancée la société Hemarina.

Malgré cela, la recherche s’enlise jusqu’aux début des années 1980, où l’apparition du virus du Sida et l’affaire du sang contaminé relancent les programmes de recherches. Malgré toutes ces tentatives, les chercheurs outre-Atlantique ont toujours été incapables de trouver un analogue satisfaisant aux globules rouges. Lorsqu’une personne fait don de son sang, il ne peut être conservé plus de 42 jours. Dépassé cette date, il est considéré comme périmé. Il en va de même pour les animaux. Depuis les années 1980, les recherches menées par les laboratoires nord-américains comme Northfield, Sangart ou Hemosol, sont partis de l’idée suivante : racheter des poches de sang humain ou de bovins d’abattoirs périmées, pour en extraire les globules rouges afin d’obtenir un substitut sanguin naturel pour l’homme. La manipulation était un succès et certains laboratoires, comme ceux de Northfield, sont allés jusqu’en phase 3 d’essais cliniques sur l’homme, avec leur produit PolyHeme injecté à 722 patients.

Malheureusement, des injections ont résulté un taux de mortalité important : 46 patients – soit 13,2 % du groupe ayant reçu du PolyHeme – sont morts dans les 30 jours. Certains patients transfusés ayant été victimes de crises cardiaques, la US Food and Drugs Administration (FDA, soit l’organe de certification des aliments et des médicaments américains) a rejeté en 2009 le produit sanguin, indiquant que ses risques étaient supérieurs à ses avantages. Plus récemment, l’année dernière, l’épidémie de virus Ebola apparue en Afrique a aussi révélé l’urgence pour les médecins de trouver un substitut sanguin universel, afin de venir en aide aux malades victimes de chocs et de fièvres hémorragiques. « Depuis ces cinq dernières années environ, deux pistes encourageantes sont étudiées », reprend l’ancien président de l’EFS.

La première a été engagée par le professeur Luc Douay, hématologiste à l’hôpital Saint-Antoine et Trousseau. Ses travaux portent sur la culture in vitro des globules rouges à partir de cellules souches. Sa technique s’appuie sur une thérapie cellulaire qui consiste d’abord à différencier ces cellules souches en globules rouges, pour les multiplier afin d’en obtenir des quantités suffisantes pour une transfusion. Si les premiers tests effectués chez un receveur volontaire en 2011 sont prometteurs, une application à grande échelle ne semble pas encore possible en l’état actuel des connaissances en raison de l’absence de possibilité de produire ces globules à échelle industrielle.

L’autre piste présentée par Gérard Tobelem évoque les travaux du Dr. Franck Zal. Son utilisation de la biologie marine – et particulièrement de la biologie comparée à partir de ce fameux ver marin –, ainsi que son ambition de produire en quantité industrielle l’hémoglobine découverte chez l’arénicole, laissent espérer des avancées significatives en la matière : « Le sang reste un produit humain qui peut venir à manquer. Et si c’est le cas, on pourrait se retrouver avec un besoin urgent  qui ne doit pas être ignoré. En cas de crise géopolitique ou de conflit augmentant le besoin de sang, ou encore d’une crise sanitaire avec des maladies nécessitant des transfusions, avoir la possibilité d’obtenir un substitut est un défi qu’il nous faut essayer de réussir. »

ulyces-hemarina03 Réussir là où la plupart ont échoué, c’est l’objectif que s’est lancée à son tour la société Hemarina. Fondée par Franck Zal en 2007, l’entreprise de biotechnologies dont le siège social est basé à Morlaix, dans le Finistère, a pour fonction de trouver des applications thérapeutiques à partir de l’hémoglobine d’arénicole. Si à terme Hemarina, qui emploie environ 40 salariés, vise entre autres la mise au point d’un substitut sanguin universel, pour le moment cet objectif n’est pas encore réalisé. Son économie repose actuellement essentiellement sur la valorisation de sa molécule.

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Située sur la côte nord de la Bretagne, à l’embouchure de la Manche, la ville de Morlaix et son port où s’échangeaient autrefois les marchandises, draps de Devon et diverses denrées en provenance du monde entier, ont longtemps constitué un repaire de corsaires, à l’affût des navires anglais. À l’entrée de la rade, on peut encore observer le château du Taureau, bâti à la demande des bourgeois de la cité afin de se protéger des attaques venues de Grande-Bretagne. Si dorénavant, l’activité commerciale du port qui fut autrefois fructueuse a été reconvertie en une activité de plaisance, le cœur de la ville conserve lui aussi les traces de sa longue histoire.

Vue de la place Allande, le viaduc de Morlaix, dont la construction fut terminée en 1864, court au dessus de la ville et de ses 15 500 habitants. Ce pont-rail permet aujourd’hui de traverser la rivière coupant la ville et ainsi d’assurer la liaison entre Paris-Montparnasse et Brest, plus à l’ouest. Pour trouver Hemarina, il faut se rendre en périphérie de la ville, sur la zone de l’Aéropole. C’est là que nous reçoit Franck Zal. Outre son statut de dirigeant, l’homme a aussi en charge les fonctions de Directeur scientifique, manager d’équipe, responsable des relations avec les investisseurs et de la construction des stratégies.

Beaucoup de titres qu’on retrouve aussi sur la carte de visite, traduite en anglais, du CEO (ou « Chief Executive Officer »). Le visage rond, les cheveux grisonnants, Franck Zal se présente à nous de manière simple et décontractée, vêtu de jeans et d’un pull bleu marine. Il remonte régulièrement ses lunettes, qui glissent sur son nez. Direct dans ses propos, on sent aussi que l’homme prend ses nouvelles responsabilités très au sérieux : « Vous savez, la Bretagne est la troisième région de France en ce qui concerne les biotechnologies. Et le Finistère, le 1er département de France en biologie marine. »

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Dans les labos d’Hemarina
Crédits : Samuel Aupiais

Depuis qu’il a découvert les propriétés de cette fameuse molécule il y a plus de quinze ans, beaucoup de choses ont changé dans sa vie. Lui qui a passé le plus clair de son temps à fréquenter les laboratoires et les congrès scientifiques a dû troquer sa blouse de chercheur pour une casquette de chef d’entreprise. Il nous fait visiter les lieux. Installé dans une ancienne pépinière d’entreprises, l’endroit n’a rien de fantaisiste. Passé le grand hall d’entrée, à gauche se trouve le bureau de Franck Zal et sur la droite les différents laboratoires.

Ces derniers mois, Hemarina a débuté l’installation de 100 m² de nouveaux locaux qui permettront à l’entreprise d’extraire sur place – et à petite échelle – la molécule dont elle a besoin. Jusqu’ici, la manipulation était réalisée dans le sud de la France à Alès, où se situe le Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies. C’est à cet organisme que l’EFS vend le sang collecté chaque jour chez les donneurs. Là-bas, il est ensuite fractionné afin de récupérer les globules rouges, les globules blancs, le plasma, les plaquettes, etc. Hemarina a établi un partenariat avec ce laboratoire et lui a fourni un process clé en main afin que ce dernier puisse extraire l’hémoglobine du ver marin.

Un processus long d’une semaine : d’abord, les vers sont tués par surgélation ; puis, à partir de glaçons entiers de 250 à 300 kg d’arénicoles, les animaux sont décongelés dans une solution qui libère leur hémoglobine. Le mélange obtenu est ensuite purifié et filtré, pour obtenir un résultat de quelques kilos d’hémoglobine pure. Pour assurer ses besoins en arénicoles, la société a fait l’acquisition en 2013 d’une ferme aquacole de 13 hectares dans les environs de l’île de Noirmoutier, en Vendée. Cette ferme qui élève actuellement du poisson turbot Label Rouge sera bientôt la première de France à élever ces vers marins de manière industrielle. Un autre société occupe les locaux de la start-up. Lorsqu’on pénètre à l’intérieur de ses laboratoires, le port de la blouse devient obligatoire. Franck Zal est parti à son bureau enfiler la sienne. À son retour, nous lui demandons s’il se rend encore au laboratoire aujourd’hui. Il nous répond que non : « Je ne peux plus, je n’ai vraiment plus le temps. » L’endroit lui manque.

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Les locaux n’ont rien de fantaisiste
Crédits : Samuel Aupiais

Nous débutons la visite et entrons dans le laboratoire de biochimie. C’est là que les employés effectuent les analyses de contrôle qualité sur la molécule et veillent à ce qu’aucune bactérie ne soit présente au sein du produit. De l’autre côté du petit couloir séparant les différentes pièces, on retrouve le laboratoire de culture cellulaire : « Toute la solution de conservation des greffons a été mise au point ici », précise-t-il. C’est la première application trouvée par l’entreprise : « J’ai commencé à considérer l’arénicole comme un organe et je me suis dit : “S’il arrive à vivre six heures privé d’oxygène, pourquoi pas un organe humain ?” Et je me suis aperçu qu’en utilisant l’hémoglobine de cet animal, on conservait les greffons de façon incroyable. »

Aujourd’hui, cette solution permettrait par exemple de doubler la durée de vie d’un rein ou d’un cœur. Ce n’est pas la première fois que Franck Zal constate les effets bénéfiques de cette protéine sur les sujets qu’il étudie. En 1999 déjà, il avait démontré les potentialités de sa découverte suite à l’une de ses nombreuses expériences réalisées en laboratoire. Mais pour cela, il lui fallait des rats.

Le rêve du Dr. Zal

À l’époque, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) recrute le Dr. Franck Zal, tout juste marié, au sein de la station biologique de Roscoff. Depuis la promenade du Vil longeant le bord de mer, on distingue uniquement le clocher de l’église Notre-Dame de Croaz Batz et le sommet des toits des bâtiments constituant le cœur historique de la station. Celui-ci se dresse face à l’île de Batz, située à quelques kilomètres du rivage.

Si parfois le vent souffle fort sur le front de mer, l’endroit est idéal pour les chercheurs en biologie marine. « Les côtes nord de la Bretagne sont des endroits assez particuliers », remarque le patron d’Hemarina. C’est là qu’on trouve les plus grands coefficients de marées de Bretagne, et là où l’amplitude entre la marée haute et la marée basse est la plus importante, entraînant une grande biodiversité sur les plages. Fondée en 1872 par Henri de Lacaze-Duthiers, professeur de zoologie à la Sorbonne et membre de l’Académie des sciences, la station de Roscoff est aujourd’hui le plus grand laboratoire de biologie marine européen et compte 300 à 350 permanents à l’année : des chercheurs mais aussi des étudiants stagiaires ou des scientifiques étrangers.

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La station de Roscoff
Crédits : Valentine Boucq

Depuis 1946, la structure compte aussi un laboratoire propre au CNRS. Dénommé « Centre d’études d’océanographie et de biologie marine », celui-ci contribue à l’évolution des connaissances d’un nouveau champ : l’océanographie, ou l’étude scientifique des fonds océaniques et du milieu marin. C’est là que quatre ans plus tôt, le Dr. Franck Zal a rédigé sa thèse intitulée « Structures des hémoglobines extracellulaires d’annélides et de vestimentifères colonisant des milieux extrêmes les hémoglobines face aux sulfures », poursuivant ses recherches au sujet de l’arénicole et des vers marins.

Durant cette période, il occupait une des chambres de la station réservée aux étudiants. Il passait ainsi ses journées et une partie de ses nuits, se rendant de sa chambre située au troisième étage directement au laboratoire afin d’étudier les organismes marins, la tête plongée dans les microscopes électroniques, les chromatographies et les spectres de masse. De temps à autre, l’étudiant accompagnait aussi le service mer sur les plages de Roscoff et Saint-Pol-de-Léon. Ensemble, ils collectaient plusieurs kilos d’arénicoles afin de pouvoir en retirer l’hémoglobine en laboratoire et lancer les premières expérimentations.

Dorénavant, le chercheur était occupé à travailler sur des problèmes d’éco-physiologie et d’adaptation liés à différents organismes marins comme le crabe ou le ver. Libre dans son travail, il ne devait rendre de compte à personne sinon à une commission du CNRS : « J’avais une vie plutôt décontractée, sans stress. Je gagnais 2 200 euros par mois, je partais en mission dans le monde entier, j’étais heureux », confie-t-il. Le CNRS, une voie royale pour de jeunes chercheurs qui se voient de plus offrir l’assurance d’un « boulot à vie ». Zal a tenté le concours d’admission trois fois avant d’être finalement recruté. Mais finalement, le confort d’un avenir tout tracé l’a vite ennuyé. Ce qui l’obsédait au fond, c’était l’arénicole et ses applications possibles pour la médecine. Depuis qu’on lui avait ouvert les yeux sur les possibilités de sa découverte, depuis ce fameux jour au Club du Globule Rouge, il mûrissait ce projet.

« C’était magique. À cet instant je me suis dit : “On a trouvé quelque chose.” » — Franck Zal

Alors en parallèle de sa recherche fondamentale, le Dr. Franck Zal travaillait aussi sur la valorisation de la molécule. Cette même année 1999, il a établi un partenariat avec une animalerie de Rennes ainsi qu’un laboratoire, repartant avec une trentaine de rongeurs. Là-bas, il les vidaient de leur sang pour leur réinjecter ensuite de l’hémoglobine d’arénicole. Alors que les animaux étaient entre la vie et la mort quelques secondes plus tôt, ils se mettaient soudain à courir en tous sens : « C’était magique. À cet instant je me suis dit : “On a trouvé quelque chose” », se souvient Franck Zal. Il répétera l’opération tous les mois : les rats ont été gardés sous observation pendant 17 semaines.

Une fois arrivé au bout de son étude, il a présenté ses résultats dans un article intitulé « Utilisation comme substitut sanguin d’une hémoglobine extracellulaire de poids moléculaire élevé ». Chez les rongeurs, « aucun trouble n’est observé, attestant d’aucune immunoréactivité ou réponse allergique ». Lorsque nous lui demandons s’il a été surpris par sa découverte, Franck Zal répond sans détour : « Ça ne m’a pas surpris, non. On commençait déjà à voir une ligne. Au fond de moi, je savais qu’on tenait quelque chose d’important. » Les résultats étaient là. Il a insisté auprès du CNRS pour travailler sur la valorisation de sa découverte. Pour cela, il a bénéficié du soutien d’une cellule de la structure, de financements et s’est fait aider dans ses travaux par deux étudiantes en thèse, Christine Chabasse et Morgane Rousselot, qui avaient notamment travaillé sur l’hémoglobine d’arénicole comme composé thérapeutique.

Au milieu des années 2000, le chercheur a déposé ses premiers brevets. Il a rédigé entre-temps une quinzaine de publications scientifiques, prenant part à plus d’une dizaine de congrès internationaux où il intervenait notamment pour présenter son travail. En 2005, il a entendu par hasard à la radio une annonce pour participer au concours de la création d’entreprise innovante, organisé par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Il a décidé de passer à l’acte. Le concours se déroulait en deux temps. La première année, il a postulé et gagné le « Prix émergence » : 45 000 euros. En 2006, il a réitéré et remporté le 1er prix « Création- développement » : 450 000 euros.

Malgré ces deux prix, le Dr. Franck Zal a continué d’affiner ses recherches sur les potentialités de la molécule dans les laboratoires de la station biologique de Roscoff. Cette « double-vie », comme il la décrit, prendra fin en 2007 lorsque le chercheur décide de quitter le CNRS pour passer de l’autre côté, dans le monde de l’entreprise, et de fonder Hemarina en investissant toutes ses économies. Il a alors 41 ans. Si on l’observe au microscope, on s’aperçoit que le monde de la recherche est un milieu complexe, parfois clivant et compartimenté, où des conceptions différentes des finalités de la recherche peuvent s’opposer. La politique du CNRS est ainsi faite qu’elle est principalement axée autour de la recherche fondamentale. C’est-à-dire participer à l’évolution de la connaissance scientifique.

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Plage de Saint-Jean-du-Doigt
À quelques kilomètres de Morlaix, Finistère
Crédits : Samuel Aupiais

Le principe est posé et pour qu’un chercheur puisse aussi travailler sur la valorisation de cette connaissance, par exemple via la recherche d’applications, « il faut vraiment être un très gros patron et découvrir le taxole (la molécule anticancéreuse, nda) », déclare Stéphane Hourdez. Chercheur au CNRS à la station biologique de Roscoff, il a travaillé plusieurs années avec Franck Zal avant que celui-ci ne quitte l’organisme. « On fait beaucoup la distinction entre recherche fondamentale et appliquée. Il faut savoir que toute recherche appliquée est à la base de la recherche fondamentale, poursuit-il. Il y a des possibilités de réaliser des applications. Mais des gens au CNRS, des chercheurs plus que des responsables d’ailleurs, trouvent leur motivation davantage du côté de la recherche fondamentale. Les applications ne les intéressent pas forcément, ils considèrent ce n’est pas leur rôle. D’autres se retrouvent plus dans la phase de transition – et dans ceux-là, il y avait Franck. »

Durant toutes ces années en tant que chercheur au CNRS, le Dr. Zal a continué ses recherches sur les potentialités de sa molécule tout en développant son entreprise : « J’avais commencé à amener des idées au CNRS en parlant d’adaptation respiratoire, d’éco-physiologie moléculaire, de l’évolution d’une protéine en fonction de l’environnement, etc., raconte l’ancien chercheur. Des notions dont ils n’avaient jamais entendu parler. L’objectif du CNRS, c’est de faire avancer la connaissance, mais après, la valorisation de la connaissance, ils s’en fichent un peu ! Il y a des trésors au CNRS, des brevets qui ne sont pas exploités… À quoi ça sert ? » Ne pouvant plus conjuguer ses deux activités, Franck Zal s’est retrouvé face à un choix : soit il restait en poste à la station biologique, abandonnant son idée d’entreprise, soit il quittait le CNRS pour créer sa société.

Finalement, il a pris sa décision : « C’était le début de la crise des subprimes, se rappelle-t-il. On m’a dit que j’étais fou de quitter un boulot à vie. À un moment donné, je me suis dis : “Qu’est-ce que je fais ?” Et j’ai décidé de quitter le CNRS. » Hemarina a vu le jour au mois de mars 2007. L’ancien chercheur nouvellement propulsé chef d’entreprise imaginait mettre la clef sous la porte dès le mois de décembre. Mais convaincu du potentiel de sa découverte, il s’est investi à fond dans cette nouvelle aventure : « Je pense que j’aurai réussi quand j’aurais sauvé la première vie humaine. »

Le ver des sables

Depuis Morlaix, il faut rouler environ un quart d’heure en voiture pour rejoindre la plage de Saint-Jean-du-Doigt. Pour s’y rendre, il faut suivre de petites routes vallonnées et passer de nombreux champs avant que se découvre un long rideau bleu à l’horizon. Située au bout de la pointe de Primel dans la baie de Sainte-Barbe, elle s’étend sur plusieurs kilomètres tandis que la mer, timide, est encore loin : « Elle est superbe », commente Franck Zal. Ce matin, la marée est basse et on aperçoit déjà au loin des centaines de milliers de petits tortillons sur le sable, signe que des arénicoles sont cachés là. Franck Zal a enfilé ses bottes et descend sur la plage une fourche à la main. Une animation qu’il réserve aujourd’hui uniquement aux journalistes : « Ils veulent tous faire la même chose », plaisante-t-il. Lui ne vient plus sur les plages ramasser ses vers. Parfois, il y emmène ses enfants sortir leurs cerfs-volants.

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Sur la plage de Saint-Jean-du-Doigt
Crédits : Samuel Aupiais

Lunettes sur le nez, il scrute à présent le sol à la recherche d’un ver marin à déterrer. Il plante sa fourche et en ressort une grosse motte de sable noir qu’il retourne à la surface : « Là, vous voyez ? » Il plonge sa main dans le tas de sable et en tire un ver d’une bonne dizaine de centimètres de long. À peine à l’air libre, le ver se sert de sa trompe dévaginable pour creuser le sable et retourner s’y enfouir. Par sa forme et sa couleur, il ressemble à un grand ver de terre. Et au vu de sa taille, il s’agit d’un jeune ver. Les arénicoles se reproduisent une seule fois par an durant l’automne. Le reste du temps, ils restent enterrés à une vingtaine de centimètres de profondeur. Les sexes de ces animaux sont séparés. Mâles et femelles relarguent leurs gamètes dans l’eau de mer et lorsque la marée monte, elles sont diluées dans la mer où a lieu la fécondation. De cette conception naît ensuite une larve trochophore qui deviendra ensuite nectochète, avant de devenir un minuscule arénicole.

Lors des grandes marées de novembre, les plus petits vers, fragiles et légers, sont déposés en haut de la plage. Au fil du temps, ils migrent vers le bas : « On va essayer de chercher un plus gros spécimen par là », propose Franck Zal. L’estran est un milieu extrême. On ne s’en rend pas compte au moment d’étendre sa serviette sur la plage, mais pour les organismes qui y vivent, l’existence est rude. Exposés à la marée haute, la marée basse, le froid, l’eau salée et l’eau douce, les êtres vivants qui peuplent le littoral sont soumis à un stress extrême. Pourtant, ils résistent et survivent. L’arénicole est une espèce vieille de plus de 450 millions d’années. En comparaison, l’australopithèque, ancêtre de l’homme, a fait son apparition il y a plus de trois millions d’années.

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Le Dr. Zal montre un arénicole
Crédits : Samuel Aupiais

Découvert au XVIIIe siècle par le naturaliste suédois Carl Linnaeus, Arenicola marina n’a que très peu d’ennemis, si ce n’est une espèce particulièrement répandue : l’homme. Il sert le plus souvent d’appât pour la pêche. Mais parfois, la menace peut aussi descendre du ciel. Lorsque les vers remontent à la surface, il arrive que les mouettes et les goélands leurs fondent dessus pour les dévorer. Nous lui posons la question du rôle de cet animal dans l’éco-système : « C’est nous qui lui donnons un rôle, car nous avons une vision trop anthropocentrique, répond Franck Zal. En réalité, il n’a pas de rôle. Il est là, dans son environnement. Et si nous voulons trouver une analogie avec une créature dont nous sommes plus familiers, c’est exactement la même chose avec un ver de terre. C’est un organisme qui intervient dans la bioturbation, comme vous pouvez le voir, la plage est tout à fait propre. C’est à partir de cette observation qu’on a constaté qu’il s’agissait d’un organisme qui nettoie les plages. »

L’arénicole se nourrit des algues et des micro-organismes décomposés sur la plage. Depuis la surface, Franck Zal nous fait remarquer un petit trou situé à quelques centimètres de ces fameux tortillons. Enfoui sous le sable, le ver forme en fait un « U ». Lorsque la marée est haute, il avale les résidus, ce qui provoque une petite dépression dans le sol, avant de rejeter par l’anus des particules de sables mêlées de mucus, sous forme de petits tortillons. Lorsque la marée redescend, l’animal cesse de respirer pendant plusieurs heures. Il va attendre que le marée soit haute à nouveau pour recharger ses hémoglobines : « Imaginez donc, c’est super intéressant, un organisme qui arrête de respirer pendant six heures ! » reprend Franck Zal avec une passion enfantine. L’océan est très riche en innovations. Observer la nature et son fonctionnement, c’est aussi étudier les formes de stratégies mises en place par les organismes vivants pour survivre ou s’adapter à leur milieu : « Et c’est cette capacité d’adaptation qui peut constituer la base de réflexions pour les scientifiques », explique Jean Guézennec, ancien directeur de recherches à l’Ifremer de Brest aujourd’hui à la retraite.

L’année dernière, il a publié Bactéries marines et biotechnologies. La mer représente 70 % de la surface de la Terre et 95 % de cet environnement reste encore à explorer. Pour l’heure, nous connaissons avec plus de précision la Lune que les fonds marins. On estime qu’il existerait environ 178 000 espèces marines. Ces dernières décennies, les progrès réalisés en matière d’exploration des océans, comme celle des grands fonds marins, ont largement contribué à l’intérêt grandissant pour ce milieu : « Il existe beaucoup d’attentes dans le domaine médical, poursuit Jean Guézennec, et un réel espoir de découverte de molécules bioactives (ayant une activité biologique, nda) en réponse à des demandes, parfois urgentes, de nouveaux médicaments – antibiotiques, anticancéreux, anti-inflammatoires, maladies neurodégénératives, vieillissement de la population, etc. »

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Sur le terrain
Crédits : Samuel Aupiais

En 2013, seulement huit molécules marines ont été approuvées par la Federal Drug Administration aux États-Unis ou par l’Europe (EMEA) : quatre molécules anticancer, deux molécules antivirales, une molécule antidouleurs, ainsi qu’une autre molécule contre l’hypertriglyceridémie.

Près d’une dizaine d’autres sont actuellement testées dans différentes phases cliniques avant de déterminer si oui ou non, ces molécules pourront bénéficier d’une autorisation de mise sur le marché. Mais toutes ces étapes sont longues et représentent évidemment un investissement financier très lourd. Pourtant, les organismes marins possèdent un potentiel immense de synthèse de molécules originales d’intérêt biotechnologique : « Les molécules synthétisées peuvent aussi constituer des modèles moléculaires pour l’élaboration de produits, notamment en santé humaine ou pour l’environnement », détaille Jean Guézennec.

Dans le cas de l’arénicole, la structure de la protéine d’hémoglobine montre 90 à 95 % d’homologie avec celle de l’homme : « Quand j’ai commencé, pour moi la seule application visible, c’était d’en faire un analogue pour la transfusion sanguine, reprend Franck Zal. C’était la seul application que je voyais. » S’il n’a pas perdu cet objectif de vue, avec Hemarina, il développe aussi de nombreuses applications dans le domaine de la médecine. 21 familles de brevets ont déjà été déposées par la société.

Si l’hémoglobine d’arénicole est maintenant utilisée comme solution de conservation des greffons, elle est aussi employée comme pansement oxygénant, augmentant la vitesse de cicatrisation des plaies pathologiques ainsi qu’en cancérothérapie.

Le mentor

Franck Zal a grandi à Paris, dans un petit appartement du 15e arrondissement. À la maison, la télévision était au centre de toutes les activités et le dimanche soir notamment, tout le monde embarquait à bord de La Calypso, le navire du commandant Jacques-Yves Cousteau. Le jeune Franck avait alors avant 11 ans et les récits télévisuels des expéditions du célèbre océanographe racontés dans l’émission L’Odyssée sous-marine de l’équipe Cousteau le passionnait. Zal rêvait d’aventure, de découverte, et il a trouvé pendant un moment de quoi satisfaire ses aspirations dans les œuvres de Jules Verne.

Plongé dans les aventures de Michel Strogoff, il s’est engouffré dans les mystérieuses profondeurs du Voyage au centre de la Terre avant de rejoindre le scientifique Pierre Aronnax dans son expédition Vingt mille lieues sous les mers. De temps en temps, on le prenait aussi à rêver devant les aquariums de la maison et ses poissons tropicaux, posés sur les étagères. Il y en avait un peu partout dans le petit appartement, « jusqu’à une dizaine » en même temps, se souvient Franck Zal. À cette époque, il avait déjà quitté Paris pour voir la mer. Ses parents – son père était chef de chantier et sa mère s’occupait de ses trois frères et de sa sœur – l’envoyaient régulièrement en colonie de vacances à Kerident, en Bretagne. Et lorsqu’il fallait reprendre le chemin de l’école, il n’y avait que les sciences pour l’intéresser : « Les sciences naturelles, ça m’a plu dès le début, depuis la 6e en fait. »

Après une heure trente de plongée à pic dans l’océan glacé, le sous-marin s’est arrêté.

Franck a alors poursuivi des études en biologie à l’université Pierre-et-Marie-Curie (Paris VI) avant de se spécialiser en biologie marine à partir de la Maîtrise. Et comme pour continuer à rêver, comme il le faisait devant sa télévision chaque vendredi soir étant petit, il se rendait rue Saint-Jacques, à l’Institut océanographique de Paris situé à quelques pas du Jardin du Luxembourg, pour écouter le récit des scientifiques tout juste rentrés de leurs expéditions. C’est là qu’un soir il rencontrera Jacques-Yves Cousteau. Un moment « magique ».

Si le commandant fut certainement l’un des premiers personnages à nourrir l’esprit aventureux du chercheur, un second, le professeur André Toulmond, l’a aidé à passer à l’acte. Zoologiste de formation aujourd’hui retraité, l’homme enseignait la physiologie comparé en milieux extrêmes dans un amphithéâtre de 200 étudiants en DEUG à l’université de Paris VI. Parmi eux se trouvait Franck Zal : « C’était le savant, dit-il à son sujet. Ses cours m’ont tout de suite marqué. Plus j’avançais dans mon cursus universitaire, plus je suivais ses cours, de plus en plus spécialisés. » C’est grâce à lui qu’il a commencé à s’intéresser aux vers marins. En 1991, Zal est parti effectuer son service militaire.

Toujours concentré sur ses études, il a décidé d’entreprendre parallèlement un formation en océanologie physique et a négocié avec ses supérieurs un aménagement de son emploi du temps afin de pouvoir se rendre à l’université Pierre-et-Marie-Curie pour suivre les cours. Au détour d’un couloir de l’établissement, il est tombé sur une petite affichette sur laquelle était écrit : « Professeur André Toulmond recherche étudiant pour l’accompagner faire une étude dans l’océan Pacifique. » « Mon rêve ! » s’est immédiatement dit Franck Zal. Il a alors décroché le téléphone : « Monsieur Toulmond ? Votre offre m’intéresse! Vos cours me passionnent ! » À l’autre bout du fil, le professeur a répondu : « D’accord, mais tu es à l’armée, il te sera impossible de partir à l’étranger sur un navire appartenant au gouvernement américain. Si tu arrives à convaincre ton colonel, dans ce cas-là, peut-être… » Franck Zal s’est donc mis à « remuer ciel et terre » pour pouvoir partir, et il s’est retrouvé une nouvelle fois à négocier avec ses supérieurs.

Par chance, son colonel était un grand collectionneur de sable : « Je te laisse partir, lui a-t-il dit. Mais seulement si tu me ramènes du sable du fond de l’océan Pacifique. » Marché conclu. « Je ne savais pas à ce moment-là qu’il n’y avait pas de sable au fond de l’océan Pacifique », se souvient Zal avec amusement. Le colonel a signé ses papiers et l’étudiant a pu embarquer en 1992 sur le R/V Vickers, un navire américain, avec son professeur.

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Professeur André Toulmond
Crédits : Samuel Aupiais

Plus de vingt ans après, André Toulmond se rappelle encore les coordonnées de l’endroit : 13° Nord à l’ouest du Mexique, à 2 000 km d’Acapulco : « Sur place, Franck était chargé par mon épouse de récolter un maximum de Paralvinella. On était déjà très spécialisé sur les hémoglobines des vers marins. Ma femme étudiait l’anatomie de ces animaux. » L’étudiant est décrit comme un « gros bosseur ».

Le matin, le sous-marin plongeait avant de remonter sur le navire en milieu d’après-midi. C’est seulement là que commençait le véritable travail. Il fallait préparer le matériel, effectuer les manipulations. À bord, Franck Zal passait ses nuits à trier des fonds de bassines et récolter des animaux, pour lister les premières informations à leurs sujets avant d’aller se coucher vers deux ou trois heures du matin. Il mettra d’ailleurs en évidence un dimorphisme sexuel de ces vers marins, ce qui lui a valu de publier son premier article dans les Comptes Rendus de l’Académie des sciences.

Parmi les espèces étudiées se trouvaient notamment un ver marin géant : Riftia pachyptila. Mesurant un mètre de longueur et cinq centimètres de diamètre, certaines des expéditions étaient dédiées à récolter de l’hémoglobine de cet animal : « Le point commun entre Riftia et Arenicola, c’est leur hémoglobine qui est du même type, sauf qu’on se cassait les dents sur la structure de celle de l’arénicole, très dense, très serrée, plus que sur celle de Riftia. Ce dernier a permis de mieux comprendre comment était composé l’hémoglobine d’Arenicola par la suite », explique André Toulmond.

Un matin, Franck Zal a pris place à bord du sous-marin L’Alvin, accompagné d’un pilote et d’un autre scientifique. Une fois le programme de plongée établi, l’engin a été lâché en pleine mer à huit heures et coulait à trois kilomètres de fond. Plus le sous-marin s’enfonçait, plus la lumière se faisait rare, jusqu’au noir total. Après une heure trente de plongée à pic dans l’océan glacé, le sous-marin s’est arrêté. L’équipe venait enfin de toucher le fond du Pacifique. Jusqu’ici, personne dans le sous-marin n’avait vu à quoi ressemblait l’endroit. Le pilote a allumé les phares. Dans le désert des volcans sous-marins sont apparus soudain des poissons anguilliformes blancs, des mollusques géants et toutes sortes d’organismes marins étranges, comme « tout droit sortis d’un film de science-fiction ». L’expédition a durée six semaines. Les souvenirs sont encore intacts.

Plus tard, Franck Zal entreprendra une dizaine d’autres expéditions de ce type entre le Panama, le Mexique ou les Açores, dont certaines accompagnées par André Toulmond. Depuis cet épisode, l’étudiant et le professeur ne se sont jamais vraiment quittés et continuent d’entretenir des relations amicales. En 1993, lorsque que le Pr. André Toulmond a été nommé directeur de la station biologique de Roscoff, Franck Zal l’a rejoint en Bretagne pour terminer sa thèse.

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L’Alvin
Crédits : Woods Hole Oceanographic Institution

Le CEO

« Avec Hemarina, je n’ai jamais été sur une autoroute », assure Franck Zal. Pour le chef d’entreprise, le plus dur reste de trouver des partenaires et rassembler les fonds suffisants pour réaliser ses objectifs. Une activité qui l’éloigne encore un peu plus des laboratoires : « Aujourd’hui, je me sens chef d’entreprise, mais avec le bagage scientifique qui est le mien. Ce que je teste, je le démontre et je le publie. » Hemarina a été crée au mois de mars 2007. Cette année-là, Nicolas Sarkozy venait d’accéder à la présidence et la loi TEPA venait d’être adoptée à l’Assemblée nationale. Celle-ci permettait à des personnes fortunées d’investir de l’argent dans des sociétés afin de bénéficier de déductions fiscales. Ainsi, des réseaux de business angels se sont constitués, un modèle hérité des États-Unis. « Ils m’ont dit : “On va t’aider” », raconte Franck Zal.

Parmi eux se trouvait Patrick Franchet, l’ancien président des Finistère Angels : « Il m’a formé et a mis de l’argent dans le projet. Il m’a appris la comptabilité, les bilans, les comptes de résultats, comment faire une clôture de compte, etc. » Des notions avec lesquelles le scientifique était jusqu’ici étranger : « Et j’ai passé un MBA entre-temps. » Il a ainsi levé un million d’euros l’année 2008, pour atteindre 15 millions d’euros depuis. D’après Zal, le monde de la recherche est pétri de clivages. D’un côté, « il y a le bon chercheur qui fait de la recherche fondamentale, publie son papier pour la communauté scientifique », et de l’autre « le mauvais chercheur qui fait du développement et passe du côté de l’économie. Le rapport à l’argent est extrêmement marqué et négatif du côté de la recherche fondamentale. » Travailler sur la valorisation d’une recherche pour mettre un produit sur le marché, c’est comme « vendre son âme au diable pour un chercheur fondamentaliste », ajoute Franck Zal.

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Dr. Zal, CEO
Crédits : Hemarina

Le problème derrière tout cela, c’est le conflit d’intérêt. Franck Zal est directeur d’Hemarina et actionnaire de la société. « Sur mes publications, il est indiqué que j’ai des conflits d’intérêts potentiels lorsque je publie mes résultats. Je l’annonce à chacune de mes conférences, comme les Américains, qui n’ont pas peur de le dire. Aux États-Unis, ça ne les gêne pas de passer de la paillasse au marché. Là-bas, lorsque les scientifiques font une conférence, leur premier slide c’est : “Les conflits d’intérêts : J’ai travaillé avec Pfizzer, GSK, j’ai gagné tant”, etc. Ensuite, ils font leur topo scientifique. La transparence fonctionne ainsi là-bas. En France, on n’a pas compris ça et un chercheur qui a été financé par un industriel est forcément quelqu’un de douteux, il s’est forcément fait acheter par l’industriel », dit-il avec ironie. Malgré les démonstrations et les publications, Franck Zal a souhaité asseoir davantage la crédibilité de sa future entreprise auprès de la communauté scientifique.

Pour cela, il a monté un comité scientifique et fait appel à une personnalité scientifique de premier plan : Jean-Marie Lehn, spécialiste de la chimie supramoléculaire, professeur au Collège de France. Franck Zal lui a demandé de venir lui donner sa caution scientifique : « Ça les a tous calmés, conclut-il. Lorsqu’ils ont vu un prix Nobel de chimie derrière la technologie d’Hemarina, il est devenu difficile de mettre en doute le bien-fondé de l’idée. » Parmi les investisseurs, on retrouve aujourd’hui, outre le réseau de business angels, des banques mutualistes comme le Crédit Mutuel Arkéa, la CM-CIC, une société pharmaceutique, etc : « Ce que je recherche également, c’est de la smart money : des réseaux. Par exemple, Hemarina a comme actionnaires le réseau XMP (les « business angels des Grandes Écoles » comme Polytechnique, Mines Paris Tech et l’École des Ponts, nda), tous anciens élèves des grandes écoles. Ils ont tous dans leurs familles un ministre, un député… ça, c’est de l’argent intelligent, car ces actionnaires peuvent nous aider grâce à leur réseau. J’essaie de trouver de l’argent qui peut apporter de la valeur à l’entreprise, plutôt que de ne chercher que la valeur de l’argent. »

La veille de notre rencontre, Franck Zal était à Paris. Au Sénat, il a rencontré deux sénateurs afin de communiquer sur les activités d’Hemarina. La loi sur la Santé venait d’être votée en première lecture à l’Assemblée nationale et le texte allait partir au Sénat. Le projet porté par la ministre la Santé Marisol Touraine comprenant un volet sur l’innovation, il fallait donc aller les rencontrer : « — Moi, je n’ai aucune action sur la loi. Mais à un moment donné, lorsqu’ils auront des questions à poser, ils penseront à ce qu’on fait. Ça fait partie de mon travail. — Est-ce qu’Hemarina dégage des bénéfices ? — Non, c’est comme l’application pour smartphone Snapchat, elle ne fait pas de chiffre d’affaires pour l’instant. »

Ce que Franck Zal et ses associés cherchent à faire aujourd’hui, c’est créer de la valeur : « La valeur, c’est l’innovation, ajoute-il. Les actionnaires me demandent en investissant dans Hemarina de créer de la valeur. Personnellement, je veux créer une entreprise pérenne, mais nous ne sommes pas à l’abri d’un rachat par un grand groupe pharmaceutique, et que ça donne envie aux entreprises de racheter cette société très chère. » Actuellement, Hemarina dépense afin d’augmenter la valeur de l’entreprise : « Aujourd’hui, nos technologies ont gagné la confiance de gens qui se battent pour entrer au capital d’Hemarina. C’est l’offre et la demande. Il manque 100 millions de litres de sang dans le monde. Cela représente un marché potentiel de 72 milliards d’euros. C’est du rêve, mais c’est le marché que nous visons. Même 1 % de ces 72 milliards, cela fait beaucoup d’argent. »

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Les innovations de la compagnie
Crédits : Hemarina

Le reste de l’univers

En 2008, Franck Zal posait le pied à Parme pour participer à un congrès scientifique d’une semaine sur les hémoglobines. Les Italiens l’ont sollicité afin de venir présenter le résultat de ses recherches concernant l’arénicole et certaines des applications sur lesquelles lui et son équipe travaillent encore à présent. Au moment de faire son exposé, il a annoncé qu’il étudiait un transporteur d’oxygène universel, ayant comme application la préservation de greffons. Des militaires en civils de l’armée américaine étaient présents dans l’assistance. La semaine est passée et Franck Zal s’apprêtait à rentrer en France. Son téléphone a vibré. Il a reçu un message en anglais : « Ce que vous avez dit nous intéresse. Nous représentons les intérêts de l’US Navy. Nous aimerions que vous veniez parler à Washington le plus tôt possible. Nous avons un projet et cette molécule peut en faire partie. » Quinze jours plus tard, Franck Zal atterrissait à Washington.

Là-bas, il s’est rendu dans les bureaux du Naval Medical Research Center (NMRC) : le Centre de recherche médical de l’armée américaine. Le centre avait déjà étudié les possibilités d’un substitut sanguin universel. Mais les travaux sur le sujet n’ayant pas abouti, ce jour-là, les laboratoires ont accueilli le chercheur et sa découverte à bras ouverts. La principale cause de mortalité chez les soldats de l’armée américaine, devant le choc hémorragique par balle, ce sont les bombes. Les soldats n’en sont pas des victimes directes, mais au moment de l’explosion, les bombes créent un effet de souffle qui va violemment frapper la boîte crânienne de la victime et provoquer un œdème cérébral.

L’idée de produire de l’hémoglobine lyophilisée pour l’armée américaine a été avancée.

Les responsables de la NMRC ont annoncé à Franck Zal être à la recherche d’une molécule qu’ils pourraient transfuser sur le champ de bataille afin de pouvoir sauver le cerveau du soldat avant de le rapatrier à l’arrière et lui prodiguer les soins nécessaires. En 2008, les États-Unis étaient en guerre contre l’Afghanistan et l’application convoitée devait répondre à un cahier des charges précis comme être capable d’oxygéner le cerveau de la victime environ une heure, tout en prenant en compte la température locale. « Est-ce que c’est possible ? » lui a-t-on demandé. Lorsqu’il était encore chercheur au CNRS, le Dr. Franck Zal avait pris l’habitude de lyophiliser les hémoglobines de son fameux ver marin pour les conserver. En opérant une congélation rapide et une déshydratation de son hémoglobine, le chercheur pouvait ainsi mieux conserver son produit. Mélangé par la suite à de l’eau purifié, le produit retrouvait son état premier : « Et je m’apercevais que ça fonctionnait », ajoute-t-il.

L’idée de produire de l’hémoglobine lyophilisée pour l’armée américaine a été avancée et un mois plus tard, Hemarina signait un accord de collaboration de trois ans avec l’US Navy : la société leur fournirait la molécule tandis que les chercheurs du NMRC se chargeaient de procéder aux premières manipulations sur les animaux. L’objectif pour les États-Unis étant maintenant de produire une dose d’hémoglobine en poudre que chaque militaire transporterait dans son paquetage en cas de besoin : « On ne leur doit rien, ils ne nous doivent rien, mais par contre on peut garder les résultats pour avancer dans le développement. D’un point de vue visibilité, c’est extrêmement valorisant. »

Depuis qu’il est invité un peu partout à travers le monde pour faire part de sa découverte, Franck Zal a pris l’habitude de capter son audience avec cette phrase : « En attendant la mise sur le marché de notre produit, qui pourrait sauver des millions de vies à travers le monde, je ne peux que vous inciter à donner votre sang. Allez-y vite, car cela pourrait devenir un geste d’un autre temps. » Et ses recherches trouvent un écho de plus en plus large au fil des mois : « Peut-être qu’à un moment, certains pourraient se dire : “Pourquoi donner son sang alors qu’Hemarina est en train de créer un substitut sanguin ?” Cela peut perturber les donneurs, ce que je peux concevoir. Mais ça peut perturber le business aussi. »

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Franck Zal donne une conférence à TEDx Paris
Crédits : Rodrigo Sepúlveda Schulz

En France, la question du sang est un monopole d’État. C’est lui qui est chargé via l’EFS de collecter et mettre à disposition des patients qui en ont besoin les produits sanguins à destination de la France et de l’Outre-mer. Pour cela, la structure travaille avec 10 000 collaborateurs environ et effectue chaque jour 10 000 prélèvements sanguins. En 2014, 1,7 millions de donneurs concernés pour 2,8 millions de dons. À partir de ces prélèvements, on récupère différents produits comme les plaquettes, le plasma, les globules blancs ou les globules rouges. Parmi ces produits, les concentrés de globules rouges vont représenter à peut près 80 % du total des prélèvements. Cette situation est aujourd’hui possible car il existe un nombre de donneurs assez important pour assurer le besoin continu en sang.

Dernièrement, la presse nationale a soulevé la possibilité d’une remise en cause de ce monopole. Le 23 juillet 2014, le Conseil d’État a rendu sa décision. Après consultation de la Cour de justice de l’Union européenne, l’instance a décidé que le plasma SD, utilisé pour traiter le plasma et éliminer d’éventuels virus, était un médicament et non un produit sanguin labile (un produit thérapeutique issu du don du sang). Une société peut désormais commercialiser en France le plasma SD lorsque intervient un processus de production industriel, explique le Conseil d’État. Il met ainsi fin au monopole de l’EFS dans la vente de plasma sanguin. Première polémique.

Parallèlement, l’article 48 du projet de loi Macron enregistrée auprès de l’Assemblée nationale au mois de décembre 2014 prévoit l’autorisation « des reclassements au sein du secteur public, des titres du LFB ou de ses filiales », tout en « n’autorisant pas le transfert au secteur privé de la société ». L’objectif pour le ministre de l’Économie Emmanuel Macron est de permettre le développement du LFB via la construction d’une usine coûteuse en acceptant une entrée au capital de la Banque publique d’investissement. L’État ne serait donc plus majoritaire en cas d’adoption de la loi.

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Le QG du Naval Medical Research Center
Bethesda, État du Maryland
Crédits : NMRC

Pour Franck Zal, il s’agit d’un pas de plus réalisé en direction d’un marché concurrentiel : « Même si nous sommes microscopiques par rapport à l’EFS, tout ce qui est potentiellement concurrent fait peur. On est en concurrence car on a une technologie de rupture, mais je pense qu’on pourrait être davantage des partenaires. Ensemble, on pourrait aller beaucoup plus vite et devenir incontournables à l’échelle internationale. J’espère que la gouvernance de l’EFS et l’État finiront par le comprendre. »

À l’EFS, Pierre Tiberghien, directeur scientifique de l’établissement, assure que la situation n’a pas changé concernant les produits sanguins labiles : « Pour les globules rouges, il y a un monopole qui n’est pas prêt d’être remis en cause. » Selon lui, l’État aurait un intérêt à conserver son action sur cette question, d’autant plus que l’EFS présente une piste intéressante dans l’élaboration d’un substitut sanguin à travers les recherches menées sur les cellules souches : « Si un jour la commercialisation des globules rouges issus de cellules souches est autorisée, elle le sera sous le statut du médicament (soumis aux réglementations européennes de mise en concurrence) comme le sera, je présume, le produit préparé par Hemarina. Un des enjeux pour les puissances publiques est bien d’être présent dans ces domaines-là. C’est un sujet important en terme de santé publique, d’innovation et de progrès. »

Ces recherches représentent des programmes de développement conséquents, « une alternative à la transfusion sanguine, complémentaire à d’autres approches. Toutes ces options sont importantes, y compris celle développée par Hemarina », conclut Pierre Tiberghien. Après six ans de recherche et de développement, Franck Zal est sur le point d’obtenir l’autorisation de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) de mener les premiers essais cliniques chez l’homme. L’hémoglobine d’arénicole, utilisée ici comme solution de conservation des greffons et baptisée HEMO2life, sera utilisée sur 60 patients à travers la France. Ce projet hospitalier de recherche clinique va être dirigé en collaboration avec les CHU de Brest, Tours, Lyon, Limoges et Paris : « Le protocole a été validé et financé. Maintenant on attend le “go !” de l’Agence pour envoyer nos produits dans les hôpitaux et faire les essais cliniques. Je pense que c’est pour cette année », espère-t-il.

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Franck Zal est assis à son bureau. Les murs qui l’entourent sont tapissés de photos et coupures de presse. Sur l’un des articles, on peut lire : « Moscovici chez Hemarina ». Nicolas Sarkozy aussi est déjà venu faire un tour dans les locaux de l’entreprise, lors d’un meeting à Morlaix. Dans une vitrine installée juste en face de lui, l’ancien chercheur conserve tous ses prix comme un champion collectionne les coupes. Non loin de sa médaille de bronze du CNRS, qu’il a reçue en 2000, un autre objet attire notre attention : un ver marin, un arénicole de grande taille, mesurant presque 80 centimètres de long, conservé dans du formol. En règle générale, Franck Zal l’emmène avec lui lorsqu’il part à travers le monde communiquer sur son travail.

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Le trophée de Franck Zal
Crédits : Samuel Aupiais

En le regardant nous présenter son « trophée », on l’imagine encore étudiant, sur les plages de Roscoff, à ramasser lui-même les créatures dont il avait besoin avant de retourner à la station biologique, ses kilos de vers sous le bras. On l’imagine aussi, déterminé, passer des journées entières à faire l’aller-retour entre sa chambre et le laboratoire : « C’est là une des grandes qualités de Franck, il n’est jamais à court d’idées, reconnaît son ancien professeur André Toulmond. Manifestement, c’est un chercheur. Il a fait de la recherche fondamentale et continue à en faire. Mais il y a aussi une autre partie de son cerveau qui fonctionne différemment du mien. Parce que je n’ai jamais pensé à investir dans des applications de ma recherche, ce n’était pas mon objectif initial… Mais peut être qu’à force d’avoir la tête dans le guidon, on en oublie le reste de l’univers. »


Couverture : Les tortillons de l’arénicole, par Hemarina.