Pouvez-vous nous raconter comment le Nieman Lab a été créé ?

Nous sommes à Harvard et Harvard n’a pas d’école de journalisme. Il y a 75 ans à peu près, l’homme qui avait créé le Milwaukee Journal, dans le Wisconsin, est décédé et sa femme l’a suivi peu de temps après. Dans son testament, elle a offert à Harvard une somme d’argent pour fonder un programme de bourse de recherche et d’étude pour les journalistes des États-Unis et du monde entier. Ils viendraient à Harvard pour étudier pendant une année ce qu’ils souhaiteraient. Voilà l’idée derrière le Nieman Fellowship Program. J’étais un des Nieman Fellows de 2007 à 2008 et à la fin de mon année de recherche, la Nieman Foundation m’a demandé de créer le Nieman Lab. Pour résumer, nous étions conscients que le monde du journalisme était en train de changer — et il changeait très rapidement grâce aux nouvelles technologies et à internet. Nous voulions mieux comprendre ces changements. Quand je dois nous décrire, je dis souvent que nous sommes à 85 % une salle de presse, à 15 % un think tank. Nos sujets de réflexion tournent autour du journalisme et de la manière dont l’actualité est écrite, découverte, partagée, distribuée, rémunérée… et bien entendu, comment tout cela est en train de changer.

Comment le laboratoire influence-t-il la recherche et l’enseignement de la Nieman Foundation ?

Il est assez difficile de parler d’enseignement ici car nous n’avons pas d’étudiant ou de faculté, puisque Harvard n’a pas d’école de journalisme. Notre audience principale ne vient pas tant des étudiants ou des stagiaires : nos lecteurs sont ceux qui viennent sur notre site.

Travaillez-vous alors avec des médias ?

Bien sûr ! Comme nous sommes un laboratoire public, nous écrivons des choses que tout le monde peut lire, journalistes ou médias. Nous espérons toujours que nos lecteurs apprennent des choses avec ce que nous écrivons. Cela dit, nous recevons aussi des coups de fil de la part de médias qui nous demandent de les aider à trouver la meilleure manière de gérer telle ou telle question et nous essayons de les aider du mieux que nous le pouvons. Nous conservons néanmoins l’ADN d’une agence de presse : nous essayons de rendre publique la grande majorité de ce que nous faisons.

ulyces-harvard-03

Campus
Harvard University
Crédits : Samir Luther

Est-ce que votre champ de recherche ne concerne que la presse américaine ?

Je dirais que 90 % de ce que nous faisons concerne le journalisme anglosaxon et même, le journalisme américain. Nous regardons quelque fois ce qui se passe au Canada ou au Royaume-Uni. Nous avons publié la semaine passée notre 4300e article et sur ces 4300 articles, seulement quelques centaines concernent la presse en-dehors des États-unis. Nous avons parlé hier par exemple d’un reporter en Allemagne, d’un correspondant aux Pays-Bas, nous avons fait quelques recherches sur les modèles fondés sur le crowd-funding qui se sont développés en Europe — en Scandinavie, en Allemagne ou en Espagne, par exemple. Le reste de notre production se consacre à ce qui se passe aux États-Unis… et la première raison est assez simple à comprendre : nous parlons anglais ! Mais il y a autre chose : la presse américaine a été bouleversée en premier et de manière très radicale et c’est assez intéressant d’ailleurs de voir comment d’autres pays rencontrent les mêmes problèmes en différé.

Pensez-vous que la presse américaine est désormais en avance sur la manière de faire vivre un média ?

Je dirais que l’écosystème des médias américains est le plus avancé parce que le marché est énorme. Le pays est tellement vaste que l’on trouve toujours de bonnes raisons pour apporter de l’information à des audiences de niche. Comme je l’ai dit, le vieux business-model des journaux papiers a été détruit par Internet : cela a permis de faire émerger de nouvelles idées. Ce n’est peut-être pas vrai sur tous les aspects du journalisme, mais je pense que ces différents éléments font que nous sommes un peu plus loin dans le processus de réinvention aux États-Unis que dans les autres pays.

J’aimerais vous poser quelques questions sur le fameux rapport du New York Times que vous avez longuement commenté. Pourquoi peut-on dire qu’il s’agit d’un document essentiel pour le journalisme ?

Je pense que c’est important parce que les problèmes du New York Times sont les problèmes de toutes les agences de presse traditionnelles dès le moment où elles ont été confrontées à Internet. Bien sûr, il y a des nuances, des équipes dirigeantes différentes, de meilleures ou de moins bonnes décisions prises à tel ou tel moment, mais le problème fondamental est souvent le même : prendre une agence de presse qui ne vit que du papier, de la radio ou de la télévision et faire en sorte que le nouvel objectif soit le numérique. C’est un problème culturel que le rapport du New York Times décrit et que l’on voit reproduit dans tous les médias traditionnels.

Forcer ces conversations à avoir lieu, confronter les journalistes web et les journalistes papier, je pense que cela a été une grande chance.

C’était important que l’on voit aussi que tout ce qui est décrit dans ce rapport se produit un peu partout, et particulièrement au New York Times. Cette agence de presse est l’une des plus reconnues au monde et il était intéressant de voir qu’elle avait les mêmes problèmes que tous les autres médias. C’est un document interne passionnant et je pense qu’il fallait que ces soucis, ces questions et ces réponses soient rendues publiques. Et pourtant, ce n’était même pas un rapport qui aurait dû être distribué à tous les journalistes du New York Times : au contraire, il était réservé aux dirigeants. C’est un peu du consulting gratuit pour toute la presse parce qu’elle peut voir les résultats de la recherche et commencer à discuter des problèmes… et des solutions.

Pensez-vous qu’il peut donner des clefs aux médias pour qu’ils réussissent leur conversion numérique ?

Il y a deux problèmes dans les médias aujourd’hui : les premiers sont de l’ordre de la stratégie, les seconds sont culturels. Certaines agences de presse sont nées dans une autre ère, pour utiliser un média différent. Le basculement culturel est souvent plus difficile à opérer que des décisions qui n’ont trait qu’au business ou à la technique. Quand vous avez un groupe de personnes qui a sa manière de faire les choses, sa manière d’être remarqué ou d’être récompensé, les choses qui doivent changer son difficiles à verbaliser. Et je pense que ce rapport a permis d’ouvrir la conversation. J’ai entendu beaucoup de rédacteurs en chef affirmer qu’ils avaient fait de ce rapport une lecture obligatoire pour tous leurs journalistes. D’autres ont lu le document et ont clairement vu qu’ils avaient les mêmes problèmes que le New York Times. Forcer ces conversations à avoir lieu, confronter les journalistes web et les journalistes papier, je pense que cela a été une grande chance.

Il est écrit dans le rapport que l’importance de la page d’accueil d’un site web a baissé ces dernières années, mais il est aussi écrit que seulement 10 % du trafic du New York Times vient des réseaux sociaux. Comment expliquez-vous cela ?

C’est intéressant. Si l’on remarque cela, on peut dire que le Times est en retard… Ils ont toujours plus d’un tiers de leur trafic venant de gens qui arrivent sur la page d’accueil. Ils n’ont pas réussi à attirer le trafic venant des réseaux sociaux. Si vous regardez un site comme celui de The Atlantic, où à peu près 12 % des visites viennent de la page d’accueil, vous pouvez commencer à réfléchir à d’autres modèles. Une partie de l’explication vient du fait que le New York Times est une marque exceptionnellement forte et qu’en plus, ce n’est pas mauvais d’avoir une page d’accueil qui génère du trafic. C’est simplement que les lecteurs plus jeunes ne sont pas habitués à cela, ils consultent l’actualité depuis les réseaux sociaux. Je pense que le Times verra aussi son audience sur la page d’accueil baisser, et c’est déjà en train de se produire : la question est de savoir comment ils parviendront à équilibrer cette baisse en captant l’audience des réseaux sociaux.

D’ailleurs, les rédacteurs du rapport emploient souvent le terme « trafic ». Est-ce encore pertinent à une époque où la publicité sur internet chute ?

Eh bien cela a toujours de l’importance, dans la mesure où même les nouvelles formes de publicité en ligne ont besoin d’une masse d’utilisateurs. C’est donc une donnée valable. Si l’on parle de contenu sponsorisé, qu’on opposerait à la publicité affichée rémunérée sur la base des CPM, nous avons toujours besoin de savoir combien de personne la lise. Et le Times a été l’un des médias les plus performants en termes de revenus générés uniquement par les lecteurs, grâce à l’inscription au format numérique. Cela a été un développement très positif pour le journal : le lectorat est toujours une donnée importante, même quand nous ne parlons pas de publicité.

ulyces-harvard-02

Law School Library
Harvard University
Crédits : Samir Luther

Dans un autre registre, pensez-vous que ce soit bon que le journaliste soit au centre de la diffusion de ses articles ?

Je pense que c’est de plus en plus nécessaire, qu’importe que ce soit bon au mauvais. Beaucoup de journalistes n’aiment pas le faire et continueront à ne pas aimer le faire. D’autres vont faire ça naturellement. Quand vous êtes dans un magazine comme le New York Times, le Guardian ou Le Monde, généralement, c’est parce que vous appréciez l’image de marque de l’une de ces institutions et non parce que vous souhaitez construire votre propre marque, votre propre stratégie sur les réseaux sociaux. Vous voulez être un rouage dans cette magnifique machine. Certaines personnes qui écrivent pour le New York Times vont donc détester faire autre chose que cela. D’autres, notamment ceux qui ont développé leur potentiel personnel pour diffuser leur contenu, vont prendre de petites décisions qui, l’une après l’autre, vont amener à de grandes avancées. Bien sûr, ce n’est pas vraiment quelque chose que l’on fait pour avoir un retour sur investissement, c’est plus une manière de faire comprendre aux journalistes que les réseaux sociaux sont l’un des principaux accès à l’information aujourd’hui et une manière de promouvoir une histoire.

Est-ce encore possible aujourd’hui d’être journaliste sans rien connaître au business des médias ?

C’est sûrement possible, en tout cas j’en connais beaucoup ! (rires) Je ne pense pas que ce soit désirable en revanche. Ou que cela l’a déjà été. Il y a eu une époque où l’on tirait une certaine fierté de ne pas savoir comment les autres roues d’un journal tournaient… Evidemment, il n’est pas question de connaître le business du journalisme dans le sens où l’on saurait combien d’argent a rapporté telle ou telle campagne de publicité ou s’il est bon d’avoir plus de publicités pour des voitures, moins pour des emplois etc. Ce ne sont pas les éléments importants. Ce qui est important, c’est que lorsque les journalistes pensent business, ils ont tendance à inclure derrière ce terme tout le processus de distribution de leur travail. Avant, nous ne savions pas où les journaux seraient livrés ni comment une histoire avait atteint son lectorat. Et cela, c’est précisément une partie du business que les journalistes devraient considérer avec la plus grande attention. Vous pouvez être un journaliste et ignorer tout cela, oui, mais vous ne serez pas aussi bon que vous pourriez l’être : vous voulez savoir comment toucher votre lectorat et comment vous pourrez le toucher de manière encore plus efficace. Cela influe sur le travail que vous faites et sur la manière dont vous le faites.

Pensez-vous qu’un média peut se développer dans des secteurs qui n’ont rien à voir avec les médias ?

C’est ce que tout le monde recherche, oui. Des revenus qui ne se fondent ni sur les abonnements, ni sur la publicité. Les événements sont de bonnes portes d’entrée. Je me demande simplement quel est le potentiel, en termes de bénéfices. Viendra bien un moment où il y aura trop d’événements ! Cela dit, je suis content de voir de l’énergie investie là-dedans, parce que traditionnellement, les médias sont dispersés géographiquement. Chaque ville américaine a son journal, sa chaîne de télévision et quelque chose qui fonctionne pour un journal au Kansas pourrait fonctionner pour un autre journal dans l’Oregon ou au Texas. C’est ce qui est bon dans l’expérimentation : si quelqu’un réussit, cela pourra être utilisé par d’autres publications. Il y a déjà quelques réussites ponctuelles d’ailleurs, quand les médias proposent à des business locaux de faire des opérations de communication lors d’événements : c’est un secteur en augmentation. C’est encore peu répandu et je pense que c’est bien plus simple d’imposer ce type d’événement si vous avez une audience d’élite, comme on l’appelle ici, des hommes d’affaire par exemple. Le New York Times a cette audience et a donc plus d’opportunités qu’un quotidien local.

Pensez-vous que les médias sont toujours effrayés à l’idée d’expérimenter, d’aller vers l’inconnu ?

Ils sont moins effrayés qu’il y a quelques années… (il soupire) Nous constatons qu’ils cherchent à essayer de nouvelles choses… mais que dans le même temps, malheureusement, ils ont de moins en moins d’argent pour expérimenter. L’accès à un capital pour investir est quelque chose de très difficile à conquérir pour ces entreprises. Ils n’ont pas le cashflow pour décider de faire quelque chose de nouveau et d’attribuer au projet suffisamment de ressource pour le mener à bien.

Renforcer la connexion entre le lecteur et le média, voilà ce que les agences de presse cherchent à faire aujourd’hui.

Cela dit, comme le modèle sur lequel ils se reposent décline, ils sont obligés de faire quelque chose : il y a eu trop de journalistes mis au chômage et trop de revenus perdus. Ce n’est donc plus une option de continuer à faire ce qu’ils ont toujours fait en espérant que les choses se mettent à fonctionner de nouveau d’elles-mêmes.

Il semble que l’on voit deux tendances s’opposer aujourd’hui : d’une part les médias qui cherchent à impliquer toujours plus leurs lecteurs ; d’autre part, ceux qui reviennent sur le système de commentaire, comme Popular Science qui les a coupés…

Je pense que tout le monde souhaite aujourd’hui avoir plus d’interactions avec son audience. Cela dit, le terme interaction n’est peut-être pas le mieux adapté : ce que l’on souhaite, c’est de l’engagement. Le problème, c’est que nous outils pour mesurer cela sont aujourd’hui très rudimentaires et peu pensés. Les premiers médias numériques avaient une section de commentaires à la fin des articles, ce qui n’a pas conduit aux meilleurs résultats. Puis nous avons essayé de construire des environnements plus adaptés, pour que les lecteurs puissent de plus en plus participer aux discussions sur tel ou tel média. C’est une question complexe, mais tout le monde constate que comme la publicité est sur le déclin, le lecteur va revenir au centre des préoccupations : un lecteur très fidèle à une marque de média sera le lecteur idéal, presque nécessaire. Renforcer la connexion entre le lecteur et le média, voilà ce que les agences de presse cherchent à faire aujourd’hui.

Le rapport du New York Times souligne qu’il y a beaucoup de problèmes de communication au sein des équipes. Pensez-vous que des structures aussi colossales sont adaptées à la presse numérique ?

C’est un des grands défis pour les agences de presse qui sont nées avant Internet. Les compagnies qui se sont formées sur Internet ont beaucoup plus de facilité avec tout cela : elles n’ont pas une structure déjà établie qui a besoin de changer. Elles ont pu partir de rien et créer quelque chose de nouveau… et c’est souvent plus difficile de s’adapter à un nouvel environnement que de commencer quelque chose.

Que penser de l’idée qu’il existe un temps pour chaque contenu sur internet ?

Je pense qu’il est facile de surestimer l’importance de l’horaire de publication. Et puis un article long aura une durée de vie bien plus importante qu’une actualité. Si vous publiez un long format, vous espérez que des gens continueront à le lire dans une semaine ou dans un mois. Il y a pourtant des frontières temporelles qui délimitent les moments lors desquels les gens lisent : quand ils lisent sur leur téléphone, pour aller au travail, ils ne lisent pas la même chose qu’un dimanche après-midi dans leur jardin. Pour les grandes agences de presse, c’est un détail qui mérite de l’attention, bien sûr. The Atlantic s’est bien ajusté à ces comportements, sans trop de difficulté. Après, si l’on parle de cela comme d’une manière radicale d’augmenter son audience… je pense qu’on survend la chose !

Comment une salle de presse pourrait-elle mieux s’organiser pour répondre aux exigences du numérique ?

Eh bien, soyons francs et disons les choses qui fâchent d’emblée : la plupart des rédactions devraient commencer plus tôt leur journée de travail. Le pic de trafic pour la consultation des news est juste après que les lecteurs soient arrivés au boulot le matin, entre 9 et 10 heures. Le deuxième vient lors du déjeuner.

url

Nieman Foundation
Harvard University
Crédits

Quand je travaillais pour un journal papier, je pouvais venir le matin vers 10 heures et partir vers 18h30 à peu près, quand mon travail était terminé : mon emploi du temps était toujours subordonné à l’impression du journal qui devait être diffusé le lendemain matin. Tout cela est de moins en moins vrai : nous voyons des médias qui ont avancé l’heure de leur réunion éditoriale pour avoir du contenu plus actuel à l’heure où les gens consultent le plus l’actualité. Alors oui, c’est dommage pour ceux qui aiment bien dormir, mais c’est vers cela que nous nous dirigeons…

Le rapport cite également Kevin Delaney, fondateur de Quartz, qui affirme qu’il préférerait « avoir un outil pour faire des Snow Fall qu’un Snow Fall ». Croyez-vous que ce genre de format, augmenté et enrichi va tendre à devenir commun ?

Je pense qu’ils sont déjà devenus beaucoup plus fréquents depuis Snow Fall : le New York Times publie quelque chose de ce genre à peu près toutes les semaines. Certains sont incroyables, d’autres plus discrets. C’est important, parce que cela amène les agences de presse à sortir de leurs CMS. Cela conduit à faire tomber des barrières techniques : il faut adapter les CMS pour que ces articles fonctionnent ou travailler en-dehors des CMS. Que ce soit l’une ou l’autre des conséquences, c’est une bonne chose.

Certains affirment que la lecture enrichie déconcentre le lecteur.

Cela dépend. Je pense que si l’on mettait un texte de 8 000 mots sans mise en page sur une page blanche, personne n’irait le lire. Et si l’on pense aux magazines, cette critique ne tient pas : est-ce que les lecteurs sont déconcentrés par ces magnifiques photos en pleine page ou ces citations pour aérer le texte ? Je ne crois pas. Après, évidemment, on peut aller trop loin et détruire l’expérience de lecture mais je ne pense pas que ce soit un véritable problème aujourd’hui – ou bien moins que ce que les critiques de ce type de contenu affirment.

Vous avez récemment écrit un article sur l’importance du smartphone dans la diffusion de l’information. Pensez-vous qu’il est agréable de lire du long format sur un petit écran ?

Il y a des arguments pour et des arguments contre. Vous pouvez affirmer par exemple qu’un smartphone est un environnement bien plus agréable pour lire un texte qu’un navigateur sur votre ordinateur avec ses dizaines d’onglets ouverts, des emails qui arrivent et Twitter qui se manifeste toutes les secondes. Après, je ne pense pas que le journalisme long format soit le but ultime du journalisme, le sommet de la profession. Les smartphones sont peut-être un bon moyen de développer le journalisme long format oui, mais cela me préoccupe moins que de savoir comment développer le journalisme pour les smartphones. Pour les longs articles, oui, cela peut-être une perspective, mais si c’est une nouvelle manière d’écrire et de lire des brèves, c’est bien aussi.

Et quel serait l’impact des tablettes sur la presse, d’après vous ?

Le poids des tablettes est surestimé par les médias. Si je dirigeais une entreprise de presse aujourd’hui, je ferais à peu près dix fois plus d’efforts pour que mon contenu soit parfaitement lisible sur smartphone que ce que je ferais pour qu’il s’affiche correctement sur tablette. Les smartphones sont au coeur de l’action et leur pourcentage dans la consultation des médias continue de croître. Beaucoup d’entreprises de presse ont été séduites par les tablettes, croyant que c’était un moyen de reprendre le contrôle de la chaîne de distribution, de créer une expérience comparable à celle de la télévision. Ces médias ont cru que la tablette leur permettrait de continuer à faire ce qu’ils faisaient en changeant simplement la plateforme de diffusion. L’expérience a montré que cela avait été grandement surestimé.


Couverture : portes de Harvard.