Cette story est sponsorisée par le film Les Baronnes.

Dans la lumière de deux gyrophares, un homme en veste marron grimace. Il le sait, les voitures de police qui l’encerclent ce soir le mèneront tout droit en prison. En cette année 1978, le crime organisé irlandais de New York est décimé par une série d’arrestations qui mettent à mal ses affaires et ses familles. « Désolé chérie », lance le brun avant d’être poussé sur la banquette arrière, les menottes aux poignets. Sur le macadam, trois femmes s’effondrent, incrédules, en le regardant passer.

Dans Les Baronnes, en salles le 21 août 2019, un trio féminin reprend les affaires des Westies, ces criminels du quartier de Hell’s Kitchen, dans l’ouest de Manhattan. Adapté du comic de DC Vertigo The Kitchen, le film d’Andrea Berloff explore une période qui semble aujourd’hui bien lointaine. La mafia n’a pourtant pas disparu à New York. Quand le responsable des Gambino Francesco “Franky Boy” Cali a été abattu au mois de mars 2019, l’historien du crime organisé Christina Cipollini certifiait qu’elle « existera toujours ». Car son histoire est bien trop longue pour s’éteindre en l’espace de quelques décennies.

Brooklyn dans les années 1970

Depuis le début du XIXe siècle, les groupes criminels irlandais se sont organisés en « mafia » pour s’enrichir au mépris de la loi à Manhattan. Rejoints plus tard par les Italiens, ils ont largement profité de la Prohibition pour diversifier leurs activités et étendre leur sphère d’influence avant d’être minés par des guerres fratricides et la police. ULYCES revient époque par époque et quartier par quartier sur cette épopée qui a maintenant deux siècles.

1820-1850

Five Points

Dans le sud de Manhattan, de petites maisons de campagne entourent le carrefour de Five Points. En cette année 1835, la zone aujourd’hui hérissée de longs immeubles « ressemble à un village », note dans ses carnets Davy Crockett. L’élu du Tennessee y croise des « Irlandais sauvages », venus trouver ici le travail qui manque chez eux, légal ou non. Depuis près de 15 ans, certains font le coup de poing au sein du gang des Forty Thieves, dirigé par Edward Coleman.

Profitant du manque d’organisation et de la corruptibilité de la police, les « 40 voleurs » se réunissent impunément dans une boutique de Centre Street, Rosanna Peer’s, où des quotas de vols sont distribués. Les y rejoignent bientôt les Kerryonians. Tous ces noms ne survivent pas à la disparition de Coleman. Condamné à mort en janvier 1939 pour avoir tué sa femme, il est le premier à être pendu à la prison de Tombs.

Les rues encombrées de Five Points au XIXe siècle

1850-1900

Five Points

Ses remplaçants ne tardent pas à se bousculer à Ellis Island. Au milieu XIXe du siècle, la maladie de la pomme de terre qui frappe l’Irlande pousse des bataillons de fermiers à l’exil. À New York, ils se retrouvent sur les pas de Davy Crockett. « La pauvreté, la misère et le vice sont répandus » à Five Points, décrit l’écrivain britannique Charles Dickens en 1841. « La saleté et la crasse sont partout », de même que la « débauche ».

Pour approvisionner un réseau de tavernes miteuses, les marchands d’alcool s’adjoignent les services d’une milice armée, les Roach Guards. Sur le même marché, les anti-catholiques Bowery Boys leur mènent une guérilla féroce qui fait plonger tout le monde dans la criminalité. Passé la guerre de Sécession, entre 1861 et 1865, d’anciens Roach Guards donnent naissance aux Dead Rabbits.

Ces malfrats effraient tant par leur violence que par l’emprise qu’ils détiennent sur la société new-yorkaise. Selon la légende, une combattante surnommée Hell-Cat Maggie se lime les dents et couvre ses ongles de laiton. Quant au patron du gang, John Morrissey, il est aussi bon sur un ring que dans l’arène politique : après une carrière de boxeur, au terme de laquelle il s’est débarrassé du leader des Bowery Boys, William Pool, il parvient à se faire élire au Sénat sous la bannière du parti Démocrate. Une pneumonie le terrasse finalement en 1878.

L’allée de Bandit’s Roost, sur Mulberry Street, la rue la plus dangereuse de New York
Jacob August Riis, 1888

East River

À mesure que New York grandit, ses côtes se peuplent de navires en tous genres. À l’est de Manhattan, certains profitent du crépuscule pour les aborder. Une fois leur barque remplie, ces Daybreak Boys refluent vers la rive, où, n’hésitant pas à tuer un vigile en chemin, ils déchargent la cargaison dans une usine de gin. Âgés de seulement 16 et 18 ans, les chefs du gang Nicholas Saul et William Howlett sont découverts en 1852, et pendus l’année suivante à la prison de Tombs.

1900-1920

Hell’s Kitchen

À Five Points, se lamentait Davy Crockett, les habitants « sont trop mauvais pour nettoyer les cuisines de l’enfer ». Associée aux bidonvilles irlandais, l’expression anglaise « Hell’s Kitchen » donne plus tard son nom à un quartier de ce genre situé entre la 34e et la 59e Rue, sur les bords de l’Hudson. Ici, les bordels et les paris sont gérés par un groupuscule baptisé The Gophers Gang. En 1909, son chef n’a que 19 ans.

Né en Angleterre, Owen Madden et son frère ont rejoint leur mère de l’autre côté de l’Atlantique en 1902. Dans un quartier où la criminalité rampante n’épargne presque aucune classe d’âge, les deux garçons font d’abord exception en se tenant tranquille. Puis, à 14 ans, Owen devient Owney, un adolescent avide de vols et de meurtres.

Arrêté plus de 40 fois, il est finalement condamné à 20 ans de prison en 1915. À sa sortie, en 1923, c’est un homme plus réfléchi. « Madden est le premier gangster de Hell’s Kitchen avec un sens des affaires », décrit l’auteur américain T.J. English dans le livre The Westies: Inside New York’s Irish Mob. Devenu le patron du Cotton Club, un haut lieu du jazz, il se retire dans l’Arkansas en 1932.

De jeunes Irlandais de Hell’s Kitchen au début du XXe siècle

Five Points

En proie à une des crises économiques les plus graves de son histoire, l’Italie donne quatre millions de ses citoyens à l’Amérique entre 1890 et 1920. Signe des temps, la légende des Dead Rabbits et d’autres gangs de Five Points est perpétrée par le mafieux italien Paul Kelly à la fin du XIXe siècle. Né en Sicile, Paolo Antonio Vaccerrelli a adopté un nom celte pour mieux s’intégrer au monde de la boxe.

À une force impressionnante, il allie un grand talent diplomatique qui lui donne des entrées à Tammany Hall, le conseil municipal de l’époque. En 1912, le New York Times estime qu’il est « peut-être le gangster le plus influent de l’histoire de New York ». Après avoir échappé à une tentative d’assassinat d’anciens lieutenants passés du côté du Gophers Gang, Kelly relocalise ses activités à Harlem et Brooklyn. Il meurt dans son lit en 1936.

Little Italy

Arrivé à New York en septembre 1892 pour échapper à la police sicilienne, Giuseppe Morello transpose les méthodes de la mafia de Corleone aux États-Unis. Après avoir imprimé des billets contrefaits, il monte un schéma immobilier destiné à flouer les investisseurs enclins à acheter des terres. En 1910, il tombe avec le mari de sa demi-sœur, Ignazio « The Wolf » Lupo, qui opère lui aussi à Little Italy. En s’associant, les deux hommes menaient aussi des extorsions à East Harlem, à Manhattan et dans une partie du Bronx.

Un festival religieux sur Mott Street, dans Little Italy, le 16 mai 1908

Brooklyn et Harlem

Quand Morello et Lupo sont envoyés en prison, la police s’intéresse par ailleurs à un barbier de Brooklyn. Sebastiano DiGaetano est suspecté d’avoir orchestré l’enlèvement de deux garçons de sept et huit ans. Acquitté, il exerce ensuite le rôle de parrain des parrains pour le compte de Morello. Mais ne pouvant maintenir ce système depuis sa cellule, ce dernier cède finalement la main à Salvatore D’Aquila, un Palermitain qui essaye sans succès de rassembler différentes factions derrière lui. Le clan survivra à son assassinat en 1928 et ouvrira la voie à la famille Gambino.

1920-1950

Dans une vaine tentative de « protéger la culture anglo-saxonne contre les influences étrangères », dixit l’historien Stephen Fox, les États-Unis instaurent la Prohibition en 1919. Les Italiens, qui représentent alors 15 % de la population de New York, se lancent dans la vente d’alcool de contrebande à Little Italy, East Harlem et Williamsburg, alors que les Irlandais en font de même à l’est de Manhattan et les Juifs dans le Lower East Side.

Le marché est immense. « Quand je me suis mis à la contrebande, je me suis dit que c’était trop beau pour être vrai », écrit Joseph Bonanno dans sa biographie. « Je n’ai pas considéré que c’était mal. Ça paraissait assez sûr dans la mesure où la police ne vous dérangeait pas. Il y avait des affaires pour tout le monde. Les profits étaient énormes. »

Hell’s Kitchen

À Hell’s Kitchen, Vincent Dwyer a résisté aux sirènes de la mafia plus longtemps qu’Owney Madden. Mais ce docker de Chelsea, qui devait fonder une famille avec une fille de son quartier, a accepté l’offre d’un ami d’enfance, George Shelvin. Ensemble, les deux hommes ont rivalisé de stratagèmes pour accéder aux stock d’alcool du gouvernement et « Big Bill » Dwyer a fini par arriver au sommet d’un trafic brassant plusieurs millions de dollars.

Afin d’élargir son offre, le mafieux s’est construit un réseau de complices chez les douaniers, les policiers et les garde-côtes, qui lui a permis d’importer des boissons européennes. Dans les petits papiers de James Hines, élu au Tammany Hall, Dywer blanchit ensuite son argent dans des franchises de sport américaines.

Big Bill Dwyer à la sortie du tribunal
Crédits : NY Daily News

Le Bronx

Lui aussi ami intime de James Hines, Arthur Simon Flegenheimer est né à Manhattan dans une famille de juifs allemands. Orphelin de père, il enchaîne les jobs de fortune pour subvenir aux besoin des siens. Ainsi se retrouve-t-il au comptoir d’un club détenu par un petit malfrat avant d’opter pour un bar clandestin du Bronx. Séduit par ses méthodes brutales, le patron Joey Noe s’associe avec lui.

En prenant de l’ampleur, le duo s’attire les foudres de l’Irlandais Jack « Legs » Diamond. De son assaut, Flegenheimer, désormais surnommé Dutch Schultz, est le seul à sortir vivant en 1928. Cette année-là, il vend pour deux millions de dollars d’alcool, soit près de 26 millions d’euros aujourd’hui. S’il survit à la fin de la prohibition en investissant les paris illégaux, le gangster ne rivalise pas en revanche contre la mafia italienne. Lucky Luciano le fait tuer en 1935.

Little Italy (et autres)

Si les Irlandais sont bien infiltrés dans la police, les Italiens possèdent la réputation d’être les plus disciplinés et les moins scrupuleux. Le capo Giuseppe « Joe » Masseria ordonne par exemple à ses hommes de « retirer le caillou de [sa] chaussure » au moment de désigner une cible. Surnommé « le Chinois » pour ses joues replètes et ses yeux en amande, ce Sicilien originaire de Castellammare recrute Salvatore Lucania, Francesco Castiglia et Gaetano Lucchese. Ils se feront connaître sous les noms de Lucky Luciano, Frank Costello et « Three-Finger-Brown ».

Ainsi prennent peu à peu forme cinq familles : les Bonnano, les Colombo, les Gambino, les Lucchese et les Genovese de Luciano. En 1925, un putsch ourdi par Salvatore Maranzano dégénère en conflit. Après avoir fait tuer Masseria, il est lui-même abattu par Lucky Luciano. Lequel évite le même sort en organisant un conclave qui débouche sur la création d’une Commission visant à clarifier les règles et éviter les litiges. « Pendant près de trente ans après la guerre de Castellammarese, aucune querelle interne n’est venue perturber l’unité de notre famille », écrit Bonnano dans son autobiographie.

Charles « Lucky » Luciano et Frank Costello

1950-1980

Hell’s Kitchen

La Prohibition maintenant loin derrière, les groupes criminels irlandais de Hell’s Kitchen se reconvertissent dans le trafic d’armes pendant la Seconde Guerre mondiale. Ils gagnent ainsi le surnom d’Arsenal Gang. Au sortir du conflit, les paris illégaux du quartier sont repris par Hughie Mulligan. Quand il tombe malade, le patron des Westies, qui a « corrompu un grand nombre de policiers et d’agents gouvernementaux » d’après le New York Times, passe le relais à Michael J. Spillane.

Sur les 9e et 10e Rue, cet homme en costume de luxe lance des sourires et enchaîne les poignées de main. Quand un voisin se retrouve à l’hôpital, il lui envoie des fleurs et n’hésite pas à faire livrer des dindes aux familles dans le besoin pour Thanksgiving. Séducteur, l’homme épouse Maureen McManus, la fille d’un élu du quartier, en 1960. « Vous savez, où Mickey et moi avons grandi, il n’y a pas tellement de choix », indique son frère, James McManus. « Vous devenez prêtre, flic ou quelque chose que vous préférez ne pas rendre public. Il est devenu quelque chose. »

Pour éviter d’abîmer sa réputation, Michael J. Spillane donne dans les enlèvements. Si certaines victimes le connaissent, il leur impose le West Side Code, une loi de l’omerta qui interdit à quiconque de parler à la police. Seulement, les Italiens décident de mettre un pied à Hell’s Kitchen. Prête à tout pour contrôler la zone où se construit le Jacob K. Javits Convention Center, la famille Genovese fait tuer Spillane en 1977.

Hell’s Kitchen, dans le West Side de Manhattan, en 1957

Ses successeurs, Mickey Featherstone et James Coonan, reçoivent alors une offre de Paul Castellano. Désireux de maîtriser les affaires à l’ouest de Manhattan, le parrain des Gambino leur propose se protection contre un pourcentage de leurs bénéfices. L’alliance ne dure pas longtemps. En 1979, les deux hommes sont arrêtés par la police. Pour obtenir une réduction de peine, Mickey Featherstone passe à table et fait tomber tout l’édifice de Hell’s Kitchen.

Harlem

Frank Lucas n’avait rien à faire à New York. Mais quand le Ku Klux Klan a assassiné son cousin, le natif de Caroline du Nord s’est installé dans le quartier de Harlem la rage au ventre. Devenu le protégé d’un des criminels les plus fameux du coin, Ellsworth “Bumpy” Johnson, le jeune homme entreprend de battre les Italiens sur leur propre terrain. Après la mort de son mentor d’une crise cardiaque, en 1968, il écoule une héroïne réputée très pure, la Blue Magic, originaire de Thaïlande. Il la fait entrer sur le territoire américain dans les cercueils de soldats tombés au Vietnam.

Au pic de sa gloire, près d’un million de dollars entrent selon ses estimations dans les caisses chaque jour, lui permettant de mener grand train. Pareille ostentation éveille les soupçons de la DEA, qui le fait arrêter et condamner à 70 ans de prison en 1975. Il lui suffit néanmoins de témoigner contre d’autres trafiquants et de renseigner la police pour sortir en 1981. Lucas reste encore aujourd’hui le fondateur « d’un des réseaux de trafic de drogue internationaux les plus impressionnants de l’histoire », considère le procureur Sterling Johnson. « C’était un innovateur qui a créé ses réseaux à l’extérieur des États-Unis pour vendre la came seul dans la rue. »

Frank Lucas et le manteau qui a causé sa perte

Brooklyn

Au début des années 1970, de petits gangs terrorisent Brooklyn avec leurs noms hauts en couleurs. Les Young Barons, Devils Rebels, Screaming Phantoms, Outlaws et les Pure Hell forment un vaste cercle de 2 500 jeunes qui extorquent quelque 200 commerçants. Terrifiés, ces derniers refusent de déposer plainte. Il savent sans doute que les Jolly Stompers sont déjà accusés de cinq homicides et les Tomahawks de 11.

Un groupe d’ « Hébreux noirs » qui se fait appeler B’nai Zaken se targue de les contrôler au sein d’une coalition. « La police est juste jalouse car nous faisons son boulot », défend le patron, Rufus Spruiell.

1980-1990

Chinatown

Profitant de la fin des quotas de migrants asiatiques en 1965, les Triades chinoises s’insinuent à New York. Arrêté au moins à cinq reprises dans les années 1970 pour promotion de paris illégaux et possession d’une arme automatique, Johnny Eng prend la tête des Flying Dragons la décennie suivante. Il devient « l’un des cinq plus gros trafiquants d’héroïne » de la ville, selon un document du Département de la justice. En 1989, les Chinois fournissent 75 % de cette drogue à New York, contre seulement 3 % en 1983.

Après l’arrestation du dealer de 71 ans Peter Fok-leung Woo, inculpé grâce à une saisie de 371 kilos d’héroïne, Johnny Eng fuit à Hong Kong pour éviter la police. Remis aux autorités américaines en 1991, il est condamné à 24 ans de prison. Pendant ce temps, le Sénat mène une série d’auditions pour répondre à « une augmentation inquiétante des crimes violents perpétrés par les gangs asiatiques. » Ces derniers n’ont rien à envier aux « autres groupes, plus traditionnels et plus établis, comme la Cosa Nostra », souligne le président du comité.

Little Italy

Né dans le Bronx en 1940, John Gotti est le cinquième enfant d’une fratrie de 13, dont tous les garçons entrent dans le clan Gambino. Pour se faire la main, John braque les camions autour de l’aéroport. Cela lui vaut trois ans de prison. Ambitieux, il entreprend en 1973 d’éliminer le responsable du meurtre du neveu de Carlo Gambino afin de grimper les échelons : James McBratney est abattu devant les clients d’un restaurant de Staten Island. Pendant les deux petites années de prison dont il écope pour ce meurtre, le parrain des parrains de l’époque meurt d’une crise cardiaque. Castellano le remplace alors.

Très vite inculpé, celui-ci désigne Thomas Gambino comme son futur successeur, au grand dam de Gotti. Pour éviter cette passation de pouvoir, Gotti tue Castellano en 1985. Sans accord de la Commission, il prend ainsi la tête de la famille la plus puissante de la mafia américaine, dont le revenu annuel approche les 500 millions d’euros.

John Gotti, le Teflon Don

Sous sa direction, l’empire bénéficie non seulement de la prostitution et du trafic de drogue mais aussi de l’extorsion de syndicats, de sociétés de transports, de restaurants ou de grands hôtels. Gotti est surnommé « The Telfon Don » (« monsieur anti-adhésif ») pour sa capacité à glisser entre les doigts de la police. Après des années sous leurs radars, il est finalement interpellé en 1989 et condamné à la prison à perpétuité. À sa mort en 2002, les Gambino ont en grande partie été démantelés, mais ils sont loin d’être neutralisés.

1990-2019

Le Bronx

À la même période, un gang de République dominicaine, Dominican Don’t Play, noue un partenariat avec les narcotrafiquants colombiens afin de monnayer leur cocaïne à New York. L’homme qui le dirige depuis son pays natal, Jose Ramon Hinujosa Santos, est extradé aux États-Unis en 2007 grâce à une enquête associant le Canada, l’Allemagne, la Suisse. L’arrestation profite à ses rivaux et compatriotes, les Trinitarios. Partiellement démantelé deux ans plus tard par une kyrielle d’inculpations, cet autre groupe criminel conserve toutefois une certaine puissance.

Un rapport policier de 2011 évalue leur nombre à 1 181, ce qui représente 5 % du nombre total de gangsters dans la ville. Parce qu’ils travaillent « directement avec des sources d’approvisionnement colombiennes », les Dominicains « constituent une menace » en 2016 selon la Drug Enforcement Administration (DEA). En juin 2018, les Trinitarios new-yorkais tuent un garçon de 15 ans à la machette en le confondant apparemment avec le membre d’un gang rival. « Popete, hasta la muerte ! » s’égosille l’un des cinq criminels condamnés un an plus tard.

Staten Island

À Staten Island, dans le quartier où Francesco “Franky Boy” Cali a été tué en mars 2019, « il y a un tas de membres de la mafia », confie un voisin sous le sceau de l’anonymat. « Cela fait 40 ans qu’ils sont ici, il étaient là avant ma naissance. Ils ne dérangent personnes, ils font ce qu’ils ont à faire. »

En juin 2019, un ancien membre de la famille Lucchese, John Pennisi, a raconté que ses anciens frères d’armes étaient passés de Brooklyn à Staten Island. Là, il a assisté à des cérémonies d’initiation où « il y avait un pistolet, une photo de saint, un cendrier, un briquet et une aiguille pour tester votre sang ». Preuve que la mafia coule encore dans les veines de New York.

New York dans les années 1970


Couverture : Gangsters de New York… tout à droite, le légendaire Lucky Luciano.