À bras ouverts

En 1701, Moses Butterworth croupissait en prison à Middletown, dans le New Jersey, accusé de piraterie. Comme beaucoup de jeunes hommes basés en Angleterre ou dans ses colonies, il avait rejoint un équipage qui sillonnait l’océan Indien dans le but de piller des navires de l’Empire moghol musulman. Au cours des années 1690, ces pirates avaient dévalisé des vaisseaux remplis d’or, de bijoux, de soie et de calicot en route pour faire leur hajj vers La Mecque. Après de grandes victoires, nombre de ces hommes rejoignirent l’Atlantique en passant par Madagascar, puis les côtes nord-américaines, où ils accostèrent tranquillement et s’installèrent, que ce fût à Charleston, à Philadelphie, dans le New Jersey, à New York, à Newport ou Boston.

Un bâteau pirate
Crédits : Howard Pyle

Lors de son arrestation, Butterworth avoua aux autorités qu’il avait servi sous les ordres du célèbre capitaine William Kidd et que c’était avec lui qu’il avait débarqué à Boston avant de venir s’installer dans le New Jersey. Après ces aveux accablants, le gouverneur Andrew Hamilton et son entourage se hâtèrent de poursuivre Butterworth pour ses crimes.  Mais Butterworth le fanfaron ne manquait pas de soutiens. Dans un retournement de situation inattendu, Samuel Willet, un chef local, envoya un tambour, Thomas Johnson, sonner l’alarme et rassembler un groupe d’hommes armés de pistolets et de gourdins pour attaquer le tribunal.

D’après un rapport, on ne comptait pas moins d’une centaine de résidents de l’est du New Jersey déchaînés de fureur. Les cris des hommes et les battements du tambour rendirent impossible tout interrogatoire de Butterworth au sujet de ses relations sociales et financières avec la bourgeoisie de Monmouth. Armés de bâtons, Benjamin et Richard Borden, qui habitaient la ville, libérèrent Butterworth des autorités coloniales. Le juge et le shérif dressèrent leurs épées et blessèrent les deux Borden dans la bagarre. Peu après cependant, le juge et le shérif furent repoussés par la foule qui parvint à faire s’échapper Butterworth. Les émeutiers s’emparèrent ensuite du gouverneur Hamilton et de ses supporters, ainsi que du shérif, et les firent prisonniers dans la demeure de Butterworth. Un témoin assura que ce n’était pas un soulèvement spontané mais « un plan établi de longue date », étant donné que les meneurs « abritaient un pirate depuis un bon moment, menaçant toute personne proposant de le faire arrêter ». Le gouverneur Hamilton sentait que sa vie n’avait tenu qu’à un fil. Si les Borden avaient été tués dans la mêlée, dit-il, il aurait été exécuté. Il fut retenu quatre jours, jusqu’à ce que Butterworth fût libre et en sécurité. Les évasions et les émeutes en soutien à de supposés pirates étaient monnaie courante dans l’Empire britannique à la fin du XVIIe siècle. Les chefs politiques locaux protégeaient ouvertement des hommes qui avaient commis des actes de piraterie contre des forces alliées ou en paix avec l’Angleterre.

En fait, la plupart d’entre eux se protégeaient eux-mêmes : les colons voulaient empêcher des dépositions prouvant qu’ils avaient accueilli des pirates dans leurs ports ou acheté leurs biens. Certains instigateurs avaient des pirates comme beau-fils. Il y avait aussi des raisons moins matérialistes expliquant pourquoi des membres haut placés de la communauté se rebellaient pour soutenir les maraudeurs des mers.

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Portrait du capitaine William Kidd

Beaucoup de colons craignaient que les mesures répressives à l’encontre de la piraterie ne masquent en réalité des intentions plus sombres : l’imposition de l’autorité royale, l’instauration de tribunaux de la marine sans jugement de ses pairs, ou l’établissement forcé de l’église anglicane. Aider ouvertement un pirate à s’évader était aussi une façon de manifester son désaccord avec une politique qui interférait dans le commerce de lingots, d’esclaves ou de produits de luxe comme la soie et le calicot de l’océan Indien. Les actes de rébellion répétés contre les autorités royales en soutien à des hommes qui avaient commis des actes criminels flagrants m’ont poussé à passer dix ans à faire des recherches sur les pirates. J’ai analysé dans un livre l’avènement et la chute de la piraterie internationale, du point de vue des colonies de l’Angleterre, depuis les débuts de l’empire jusqu’à sa consolidation administrative. Alors qu’on les décrit souvent comme des aventuriers des hautes mers, les pirates ont joué un rôle crucial à terre, en contribuant au développement commercial et économique des infrastructures des villes portuaires dans les colonies américaines. On trouvait des pirates dans presque toutes les villes de la côte Atlantique. Mais seules certaines d’entre elles étaient connues comme des « nids à pirates », un terme péjoratif utilisé par les royalistes et les douanes officielles. Beaucoup des pirates les plus célèbres ont commencé leur carrière dans ces ports.

D’autres établirent des liens encore plus forts avec ces villes, en devenant des membres respectés de l’élite locale. Contrairement aux monstres grognant et complètement ivres qui peuplent les livres pour enfants, ces pirates-là dépensaient leurs butins en poulets et en cochons, dans l’espoir de se construire des vies plus placides et une sécurité financière à terre.

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Charleston, nid à pirates

La vérité sur les pirates

Enfant, je ne m’intéressais pas du tout à la piraterie. Je ne me suis jamais déguisé en pirate pour Halloween, et je n’ai même jamais lu d’histoires de pirates. J’ai fait mes études à Harvard, en espérant écrire au sujet de la paternité dans les premiers temps de l’Amérique. Durant ma troisième année, j’ai présenté à mes collègues un essai de trente pages qui deviendrait, je l’espérais, un chapitre de ma thèse. L’essai concernait William Harris, un des premiers colons de Rhode Island, qui s’est constitué un immense domaine grâce à des techniques de commerce astucieuses et des contrats pas toujours très légaux. Puritain, Harris adopta le style d’un Abraham du Nouveau Monde prêt à peupler un nouveau Canaan. Il rédigea un testament qui couvrait sept générations. En 1680, cependant, le vieil homme faisait route vers Londres lorsque son navire fut saisi par des pirates algériens. Sur le marché central de la grande ville fortifiée d’Alger, Harris fut vendu comme esclave à un riche marchand. L’homme, autrefois puissant, envoya des lettres de supplication à Rhode Island, suppliant ses amis de payer une rançon et demandant à sa femme de vendre une partie de ses biens. Il suppliait : « Si vous ne payez pas la somme à temps, je vais sûrement mourir. Mon ravisseur est tellement cruel et avide. Je ne vis que de pain et d’eau. » Après deux années d’abject esclavage, Harris devint l’un des rares chanceux à être échangé contre une rançon. Le patriarche retourna à Londres où, après quelques semaines passées sur le sol chrétien, il mourut, épuisé.

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La flotte anglo-néerlandaise dans la baie d’Alger, au XVIIe siècle

L’épisode d’Alger était marginal dans mon exposé plus large sur la paternité. Mais les conversations qui suivirent n’avaient qu’un seul centre d’intérêt : la piraterie. C’était quelques années avant que le film Pirate des Caraïbes ait le succès qu’on connaît. Un de mes collègues, qui travaillait sur les familles vivant en Amérique, avait remarqué que les habitants de Caroline du Sud avaient semblé étrangement peu surpris de voir des pirates débarquer dans les années 1680. Un autre collègue était tombé sur l’histoire d’un pirate qui, arrivé à Newport dans les années 1690, avait acheté des terres, s’était installé et était devenu officier des douanes. J’étais tiraillé entre cet intérêt notable pour les pirates et mon intérêt pour les pères fondateurs. J’avais déjà passé mes examens. Je ne connaissais rien à la piraterie. Et puisque peu d’universitaires avaient écrit sur les pirates, je me disais que ce n’était pas un sujet important. Pourtant il était là, à l’abordage de mon programme de recherche sans en avoir reçu l’autorisation. Perturbé, j’ai trouvé un accord avec mon tuteur pour pouvoir passer un mois dans les archives à examiner les rapports gouvernementaux et les correspondances officielles et trouver plus d’informations. Il m’est vite apparu que les pirates étaient partout. Mais ils n’étaient pas ce qu’ils semblaient être. Ce n’étaient pas des fous furieux antisociaux. Du moins pas au XVIIe siècle. Comme Moses Butterworth, beaucoup d’entre eux étaient bien accueillis dans les communautés coloniales. Ils épousaient des femmes locales, et achetaient des terres et du bétail. Le pirate James Brown a même épousé la fille du gouverneur de Pennsylvanie, avant d’être nommé à l’assemblée de l’État.

C’est là que mon absence d’intérêt pour la piraterie étant enfant a payé.

Il semblait que les pirates pouvaient être civils, bons voisins et respectueux de la loi. Pourquoi personne n’en avait jamais parlé ? J’ai décidé d’en faire ma spécialité. En se focalisant trop sur le détail de leurs champs d’expertise respectifs, les historiens avaient omis de remarquer à quel point la piraterie avait pris part à la vie coloniale. La place réelle de la piraterie dans l’histoire américaine n’a jamais été reconnue, justement parce qu’elle était trop connue du monde anglo-saxon du XVIIe siècle. Au début de l’ère des colonies, les attaques de pirates étaient monnaie courante, une plaie inévitable de la vie maritime, et elles ne faisaient l’objet que d’anecdotes divertissantes et secondaires. La prévalence de la piraterie dans les histoires pour enfants et les blockbusters a aussi compliqué la tâche aux historiens voulant débarrasser le sujet de cette imagerie romantique. C’est là que mon absence d’intérêt pour la piraterie étant enfant a payé. Je me suis embarqué dans ces recherches en pur historien, pas en fan.

Le fléau

Historiens et romanciers ont tous décrit les pirates comme retirés de la vie civilisée. Hubert Deschamps, dans son livre de 1949, Les pirates à Madagascar, a établi ce qui est devenu un refrain standard : « Les pirates étaient une race à part, née de la mer et d’un rêve brutal, un peuple libre, détaché des autres sociétés humaines et du futur, sans enfant ou personnes âgées, sans maisons et sans cimetières, sans espoir mais non sans audace, un peuple pour qui l’atrocité était un choix de carrière et la mort une certitude du lendemain. »

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Une carte de Madagascar

D’après les termes employés par le juge de la Marine Sir Leoline Jenkins, les juristes du XVIIe siècle définissaient les pirates comme hostis humani generis, c’est-à-dire « ennemis non d’une nation ou d’un type d’humain, mais de toute l’humanité ». Étant donné que les pirates ne bénéficiaient de la protection légale d’aucun prince, nations ou organe de loi, « tout un chacun peut être commissionné et armé contre eux, comme contre des rebelles et des traîtres, pour les soumettre et les défaire ». Les historiens contemporains ont eu tendance à utiliser les pirates à leurs propres fins, en les décrivant comme des rebelles contre les conventions. Leurs pirates s’en prennent au capitalisme naissant et remettent en question les normes sexuelles oppressives. Ils sont considérés comme pro-féministes et soutenant l’utopie de l’homosocialité. Ils s’opposent aux hiérarchies sociales oppressives en faisant l’étalage d’une grande élégance ou en portant des vêtements flamboyants bien au-dessus de leur classe sociale. Ils défient la notion de race, en prouvant leur détachement par la présence à bord de membres d’équipage noirs. Moses Butterworth, cependant, ne faisait rien de tel. Les vrais rebelles étaient des gens comme Samuel Willet, les figures de l’ordre établi à terre qui menèrent des émeutes contre l’autorité de la couronne. Ce sont des membres de l’élite de la société coloniale, gouverneurs ou marchands, qui ont soutenu la piraterie en général, pas des gens issus du prolétariat. La culture populaire a enfermé les pirates dans l’image d’anarchistes au langage fleuri et aux vêtements identifiables par n’importe quel enfant de cinq ans.

En réalité, l’image qu’on se fait des pirates ne correspond qu’à une décennie de l’histoire : de 1716 à 1726. Avant ça, la piraterie recouvrait un large spectre d’activités, de la plus folle à la plus héroïque. Beaucoup d’historiens, comme beaucoup d’amateurs d’histoires de pirates, écrivent sur la piraterie comme sur un phénomène homogène. C’est sur cette base que sont fondés des événements comme la Journée internationale du parler pirate (le 19 septembre) ou le costume porté par Jack Sparrow. Quand on me demande si ces faits sont exacts, je donne la réponse typique d’historien : ça dépend où et quand. Pour la période précédant les traités d’Utrecht de 1713, mieux vaut évoquer des marins commettant des actes de piraterie, plutôt que des « pirates » à proprement parler. Imaginez un gamin de dix ans qui se fait prendre à voler des bonbons dans une épicerie. S’il tire les leçons de son acte, il serait injuste de le qualifier de voleur à l’âge adulte. S’il passe un doctorat et devient un historien respecté, il sera plus logique de le qualifier de professeur. Il y a certainement eu des capitaines flamboyants au statut légendaire qui n’ont jamais considéré faire carrière dans le commerce légal. Mais la plupart espéraient juste faire un gros coup et utiliser leur butin pour rejoindre les classes moyennes ou huppées de la société coloniale.

Une des raisons qui font que la piraterie était plus une phase qu’un choix de vie pour ces hommes est que les êtres humains ne sont pas faits pour vivre sur les mers. La mer est un milieu hostile qui offre peu des plaisirs proposés par la société à terre. Les pirates avaient besoin de nettoyer et réparer leurs bateaux, de se réapprovisionner en bois et en eau, de recruter des équipages, de faire des papiers, de vendre leurs biens et d’obtenir satisfaction sur le plan sexuel. Pour faire simple : à quoi bon avoir de l’or et de l’argent en pleine mer ? pourquoi risquerait-on sa vie dans un monde marin hostile s’il n’y a en réalité aucune chance de pouvoir dépenser son butin ? « Une vie courte et heureuse » n’était pas le mot d’ordre de la majorité des pirates de la fin du XVIIe siècle. Jusqu’aux années 1710, les pirates anglais avaient presque tous un endroit où aller dépenser leur argent, se ranger quelques jours ou même pour de bon. Aux Archives nationales d’Angleterre, on trouve notamment une pétition signée par 48 femmes de pirates reconnus, suppliant la couronne de pardonner leurs maris afin qu’ils puissent rentrer à la maison s’occuper de leurs familles. Rentrer à Londres n’était pas une option envisageable pour la plupart de ces marins ; s’installer dans les colonies américaines était ce qui s’en rapprochait le plus.

Henry Morgan
Crédits : Edward Mortelmans

Le soutien à la piraterie en périphérie de l’établissement de l’empire d’Angleterre remonte aux premières tentatives de traversée des océans par des capitaines anglais. Les nids à pirates apparaissent d’abord dans l’Angleterre de la reine Elizabeth, où la piraterie bénéficie de la protection active de communautés portuaires, à Devon et à Cornwall. L’ascension de Jacques Iᵉʳ coïncide avec la migration de l’économie de butins de l’Angleterre vers des côtes éloignées. Des communautés puritaines d’Irlande, bientôt rejointes par les communautés naissantes de Jamestown, des Bermudes, de New Plymouth et de Boston, se mirent à soutenir les maraudeurs des mers hors-la-loi. Avec la conquête de la Jamaïque en 1655, Port Royal devint un nid à pirates célèbre, dirigé par Henry Morgan, dont les attaques contre les Espagnols étaient défendues par le gouverneur de la colonie et son conseil.

Dès les années 1680, les pirates, habitués à marauder le long de la route maritime espagnole ou le long des côtes chiliennes et péruviennes dites des mers du Sud, se mirent à jeter l’ancre dans les colonies nord américaines. Dans les années 1690, des hommes comme Moses Butterworth rejoignirent des équipages quittant les ports coloniaux pour l’océan Indien, pour s’établir à Madagascar. À partir de 1696, le soutien à la piraterie commença à être menacé par les efforts du parlement pour réformer l’administration légale et politique des colonies. Les premières tentatives visant à mieux réguler les colonies s’étaient heurtées à une résistance comparable aux émeutes ayant provoqué l’évasion de Moses Butterworth en 1701. Les représentants officiels du royaume se battaient avec l’élite coloniale pour le contrôle du système judiciaire, le choix des gouverneurs, des politiques économiques et d’autres sujets. Mais la transformation de la loi, des politiques, de l’économie, et même de la culture populaire sur une période de temps relativement courte, convainquit bientôt les colons de l’avantage des bénéfices à long terme du commerce légal par rapport aux bénéfices à court terme du marché de la piraterie. Après avoir été tiré de prison, Moses Butterworth se rendit à Newport où, en 1704, il devint le capitaine d’un sloop qui naviguait aux côtés d’un navire de guerre anglais à la poursuite de marins anglais déserteurs. L’ancien pirate était devenu un chasseur de pirates…

L’expansion du commerce, particulièrement celui des esclaves, cimenta un ordre social colonial de plus en plus menacé par l’instabilité en mer et de moins en moins tolérant à l’égard de la mobilité sociale à terre. Ce changement d’attitude mena à la période qu’on appelle « la guerre contre les pirates » – de 1716 à 1726, grosso modo – et à l’avènement des maraudeurs des mers qui, avec peu d’espoir de pouvoir un jour retourner vivre à terre, s’en prenaient à leur propre nation. C’est l’époque de personnages comme Barbe Noire (Edward Teach), Bartholomew Roberts, et de femmes pirates comme Anne Bonny et Mary Read, des rebelles hauts en couleur qui vivaient dangereusement et incarnaient parfaitement la légende. Alors que pendant des siècles les pirates avaient navigué sous le pavillon de leur nation ou de princes étrangers, ils voguaient à présent – et ils étaient pendus – sous des drapeaux de leur propre invention. Dorénavant rejetés par les élites coloniales, ces vaisseaux hors-la-loi se détournaient des côtes qui abritaient autrefois les nids à pirates. En 1718 et en 1723, dans les ports de Newport, à Rhode Island, et de Charleston, en Caroline du Sud, des équipages, de respectivement 23 et 26 pirates, furent jugés et pendus. Ce sont les deux plus grandes exécutions de masse qui n’impliquent pas des esclaves ayant eu lieu dans l’Amérique coloniale. En conséquence de quoi, à la fin des années 1720, le fléau de la piraterie avait largement disparu.

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Anne Bonny


Traduit de l’anglais par Caroline Bourgeret d’après l’article « A Lot of What Is Known about Pirates Is Not True, and a Lot of What Is True Is Not Known », paru dans Humanities. Couverture : Le capitaine Kidd dans le port de New York. (Jean Leon Gerome Ferris)


HISTOIRE POLITIQUE DE LA PIRATERIE

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De la Grèce antique jusqu’à la Somalie contemporaine : 3 000 ans d’aventure et de brigandage en mer.

En l’an 78 avant Jésus-Christ, un jeune homme aux manières précieuses et à l’air hautain prend la mer. Banni de Rome par Sylla, il se rend à Rhodes accompagné d’esclaves, afin de s’instruire des arts perfides de la rhétorique. Une troupe de pirates le capture alors et demande une rançon de 20 talents contre sa vie. Orgueilleux à souhait, le bel éphèbe rétorque que sa vie en vaut au moins 50, et que son ravisseur n’entend rien à son propre métier s’il n’est pas capable de mesurer la valeur d’un homme. Ce jeune homme n’est autre que Jules César. Il échappa miraculeusement à une mort cruelle, fit brûler ses tortionnaires et devint l’homme qu’on connaît. Maintenant, supposons un instant que le plus mythique des généraux latins eut succombé : que serait devenue la pérennité de Rome, ses lois, sa culture, ses conquêtes ? La face de l’histoire eut été radicalement changée par la piraterie. Ils sont sanguinaires, impitoyables, naviguent sous des voiles noires et rendent la mer rouge de sang. Ils s’enivrent de rhum et voguent à la conquête de tous les vices, capturent les belles et massacrent les braves gens : les rêveries filandreuses de notre enfance, tout le folklore culturel de la piraterie est souvent vérifiable. Mais, en marge de ces anecdotes, le pirate est un parasite obstiné qui traversa les siècles et influença le cours de l’Histoire à maintes reprises. De la Grèce antique à la Corne de l’Afrique en passant par Tortuga, il est le « communis hostis omnium » : l’ennemi commun à tous. Pourtant, l’idée de piraterie est toujours l’objet d’un attrait difficilement palpable.

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