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Élisabeth Stuart, reine de Bohême
Gerard van Honthorst
1642

Au XVIIe siècle, l’espionnage n’était pas si rudimentaire qu’on pourrait l’imaginer. Comme le révèlent les recherches de la chercheuse néerlandaise Nadine Akkerman, on comptait alors nombre de femmes espionnes qui avaient recours à des techniques fascinantes. C’est en examinant les lettres qu’écrivait la reine de Bohême Élisabeth Stuart durant son exil à La Haye qu’Akkerman a découvert qu’elles étaient remplies de codes secrets. Ses missives envoyées via Bruxelles et Anvers étaient agrémentées de cryptogrammes, d’énigmes et de messages écrits à l’encre invisible. « Cela m’a naturellement rendue curieuse quant à la raison de leur utilisation », a confié Akkerman à l’université de Leiden. Ses recherches l’ont conduite à découvrir la première femme espionne avérée du XVIIe siècle, la comtesse Alexandrine de Thurn und Taxis, maîtresse de poste à Bruxelles. La comtesse était à la tête d’un réseau d’espions connu sous le nom de Chambre de Thurn und Taxis, qui rassemblait des spécialistes de la cryptographie, de la traduction et de la fabrication de sceaux. Se donnant rendez-vous en secret, ils décryptaient des messages et en créaient d’autres, transitant à travers toute l’Europe. De telles Chambres n’avaient pas nécessairement de motivations religieuses ou politiques, mais elles vendaient leurs informations aux plus offrants. Akkerman est parvenue à découvrir bien d’autres espionnes en examinant des bases de données telles que l’Oxford Dictionary of National Biography (ODNB). « Au bout d’un moment, j’ai appris à reconnaître certains termes qui désignent de potentielles femmes espionnes », explique Ackermann. « Une femme à laquelle on fait référence en tant qu’ “héroïne royaliste” ou qu’ “aventurière” retient immédiatement mon attention. Ce sont dans de nombreux cas des euphémismes utilisés pour ne pas dire “espionne”. » Quel genre de femmes étaient donc ces espionnes ? Akkerman affirme qu’ « elles pouvaient venir de tous milieux », bien qu’aux premières heures de l’Europe moderne, les femmes ne pouvaient pas exercer de postes diplomatiques ou être investies de responsabilités officielles. Malgré cela, elles pouvaient se trouver dans une position d’où il leur était possible d’accéder à des informations cruciales. « Ce pouvaient être des nourrices, des commerçantes, des dames d’honneur, ou bien des femmes nobles, comme c’était souvent le cas », raconte Akkerman. L’une des plus éminentes espionnes de l’époque était la dramaturge anglaise Aphra Behn, que le roi Charles II avait recrutée comme espionne politique durant la Deuxième Guerre anglo-néerlandaise. Behn, sous les noms de code « Astra » ou « Agent 160 », avait été envoyée à Anvers pour recruter l’une de ses vieilles connaissances, le dissident William Scot, en tant qu’agent double. Elle tenta de soutirer de l’espion néerlandais des informations importantes à transmettre aux Anglais. Mais sa carrière d’espionne tourna court tandis que Charles II renâclait à la payer, en conséquence de quoi elle finit en prison à cause de ses dettes…
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La dramaturge Aphra Behn
Sir Peter Lely
vers 1670

Nadine Akkerman a découvert environ 60 femmes espionnes œuvrant à cette époque, dont elle aborde les cas dans sa monographie à paraître. En collaboration avec le MIT, elle a également réalisé une série de vidéos faisant la démonstration des techniques ingénieuses auxquelles avaient recours les femmes espionnes pour dissimuler leurs messages – comme de l’encre invisible produite à partir de jus d’artichauts, ou des messages dissimulés dans des œufs. En effet, qui penserait à inspecter un panier d’œufs ? https://www.youtube.com/watch?v=-Rmj0kvsCZU https://www.youtube.com/watch?time_continue=1&v=u5AOqOxFDiA Source : Université de Leiden/Letter Locking/YouTube Nicolas Prouillac Avant de devenir scénariste, Leo Marks fut cryptographe pour les services secrets britanniques. ↓ crypti