Au lendemain de l’élection, le 8 novembre 2016, de Donald Trump, Ulyces faisait la rencontre de Catherine Jacobson, directrice des essais cliniques de Tilray, filiale médicale du groupe dédié à la commercialisation du cannabis Privateer Holdings. Pour entamer la discussion, nous lui avions demandé comment elle se sentait après l’annonce de la veille. « Je pense que c’est une excellente nouvelle ! » avait-elle répondu avant de se pétrifier : « Oh… vous parlez de l’élection ? » Catherine Jacobson, elle, parlait du vote de l’Adult Use of Marijuana Act, qui autorisait l’usage récréatif de la marijuana en Californie. Et qui était en effet une « excellente nouvelle » pour les entreprises telles que Privateer Holdings. Jeff Sessions vu par GQ Crédits : GQ Plus d’un an après ce quiproquo, les deux événements qu’il imbrique semblent toujours étrangement liés. Car le jeudi 4 janvier 2018, soit trois jours seulement après la mise en application de l’Adult Use of Marijuana Act, le ministre de la Justice de Donald Trump, Jeff Sessions, annulait les circulaires protégeant les États tels que la Californie des poursuites de Washington. Pour lui, cette annulation signifie « le retour de l’État de droit ». Mais pour l’industrie du cannabis, la décision de Jeff Sessions est consternante. « Nous représentons plus de 200 investisseurs qui viennent du monde entier, qui croient que la fin de la prohibition est inévitable, et qui sont là pour rester », rappelle Privateer Holdings sur son compte Twitter. « Nous soutenons le droit des États à choisir leurs propres législations, ainsi que le nombre record d’électeurs américains qui se sont exprimés en faveur du cannabis légalisé et réglementé. » Son président-directeur général, Brendan Kennedy, rappelle quant à lui que « le cannabis légalisé et réglementé » représente 122 000 emplois à plein-temps aux États-Unis. « Nous sommes des fermiers, des vendeurs d’électricité, des propriétaires de jardineries, des journalistes, des économistes, des scientifiques », précise Bruce Barcott, rédacteur en chef adjoint du média spécialisé Leafly (propriété de Privateer Holdings). « Nous sommes vos amis, vos voisins, et vos électeurs. » Cela n’a pas échappé à Cory Gardner, sénateur républicain du Colorado, État qui a, comme la Californie, légalisé le cannabis récréatif. « Sans même prévenir le Congrès, le ministère de la Justice a piétiné la volonté des électeurs du Colorado et d’autres États », a-t-il en effet souligné, ajoutant qu’il prendrait « toutes les mesures nécessaires » pour combattre la décision de Jeff Sessions. Cory Gardner est d’autant plus mécontent qu’il croyait avoir obtenu l’assurance du ministre de la Justice qu’il respecterait le droit des États à trancher la question de la légalisation du cannabis. Cette position a d’ailleurs été celle de Donald Trump durant la campagne présidentielle. « Pour ce qui est de la marijuana et de sa légalisation, je pense que cela relève des États, État par État », disait-il au Washington Post dès octobre 2015, tout en se prononçant en faveur de la légalisation du cannabis médical : « Je pense que le cannabis médical devrait être autorisé. N’est-ce pas ? Je pense que oui. » Jeff Sessions, en revanche, n’a jamais caché sa détestation du cannabis, quel qu’il soit. Les circulaires Cole D’après le New York Times, M. Sessions est le genre d’homme à dire, en guise de plaisanterie, qu’il pensait que la tristement célèbre organisation suprémaciste blanche du Ku Klux Klan était « OK, avant de découvrir que ses membres fumaient de la weed ». Il est en tout cas le genre d’homme à dire que « les bonnes personnes ne fument pas de marijuana ». Lors d’une audition parlementaire en avril 2017, il a également affirmé que les États-Unis avaient « besoin d’adultes au pouvoir à Washington pour dire que la marijuana n’est pas le genre de choses qu’il faut légaliser, que le fait que c’est en réalité un grand danger ne devrait pas être minimisé ». Et il s’en est directement pris à Barack Obama : « L’un de ses grands échecs, cela me semble évident, se trouve dans la désinvolture de ses commentaires sur la marijuana. Il a mis un terme à près de 20 ans d’hostilité envers les drogues, laquelle a vraiment débuté lorsque Nancy Reagan a commencé la campagne “Just Say No”. »