La Chair comme tapis de prière : ce roman chinois du XVIIe, publié sous pseudonyme mais attribué à Li Yu, porte bien son nom. L’auteur a connu la fin de la dynastie Ming avant de publier son roman durant le règne la dynastie Qing. L’histoire suit les aventures d’un jeune homme, Weiyang Sheng, dont l’objectif est de devenir le plus grand poète de son temps et marier la plus belle femme du monde. Très controversé à sa sortie, dans une période où la morale confucéenne était très affirmée, le livre, intitulé Rouputuan en chinois, décrit les mœurs sexuelles de Sheng, dans un style très réaliste et pleins de détails anatomiques. La couverture du roman ne laisse pas transparaître sa nature indécente. Sheng épouse Jade mais ne peut assouvir ses désirs face au rigorisme moral de son père, il se fait greffer un pénis de chien après les moqueries d’un bandit, trompe sa femme, rend un mari jaloux qui la lui vole pour se venger, et après une vie de débauche il finit par se faire châtier, pour vivre comme un moine et oublier son existence faite de vice. Les études tendent à conclure qu’il s’agit là d’une allégorie dont la nature pornographique était une critique du puritanisme de son époque.
Mais cet itinéraire peu commun, longtemps censuré, prête à de nombreuses interprétations. Selon Keith McMahon, professeur à l’université de langue et littérature chinoise du Kansas, il a servi aux Qing pour prouver la décadence de la dynastie Ming précédente. Et au-delà de la portée érotique de l’œuvre, McMahon y décèle également un certain puritanisme. Le roman, par son langage cru, inciterait ses lecteurs à « se plonger dans la lecture » pour mieux « comprendre le sens du châtiment et se préserver de certaines pratiques », selon le chercheur.
Source : OZY Une histoire incroyablement riche et passionnante. ↓