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Norman Reedus vient ouvrir la porte de sa caravane au camp de base du studio, couteau à cran d’arrêt en main, dans son costume de Daryl Dixon : chemise sombre, sale, boutonnée, sans manches et pantalon marron. Daryl était un survivaliste avant l’apocalypse zombie, le genre de type qu’il faut avoir à ses côtés quand la civilisation s’écroule. Les murs de sa caravane sont recouverts de dessins de ses fans, et sur son bureau se trouve un implant mammaire gélatineux envoyé par une admiratrice. Reedus s’en sert comme support de téléphone. Il me montre une lettre accompagnée de la photo d’une entrejambe nue, arrivée récemment. « Je viens juste de la lire, en gros ça dit : “Je t’aime. Je t’attendrai. Je ferai n’importe quoi pour te trouver.” » Il secoue la tête. « Nom de Dieu. » La série a engendré un véritable fanatisme, dont le plus intense est pour Reedus. Il pense que beaucoup de gens s’identifient à Daryl, un pauvre type qui avait besoin de l’apocalypse pour se révéler comme un être extraordinaire. Reedus joue Daryl avec une mélancolie tabagique qui semble attirer les cinglés. La semaine précédente, une femme de 32 ans originaire du Mississippi s’est embarquée avec ses trois enfants dans un road trip pour retrouver Reedus. Elle est allée jusqu’en Géorgie, où elle est tombée à court d’essence. Hébergée dans un refuge avec sa famille, elle a finalement laissé tomber ses enfants, est entrée par effraction dans une maison voisine et a fini par être arrêtée.

Norman Reedus as Daryl Dixon - The Walking Dead _ Season 6, Episode 11 - Photo Credit: Gene Page/AMC

Faut pas chercher des noises à Norman Reedus
Crédits : AMC

« J’ai été suivi jusqu’à chez moi plus d’une demi-douzaine de fois », dit-il en jetant son couteau dans le sol en bois. « Quelqu’un s’est déjà introduit dans mon jardin. Il y a même un gars du FBI qui est venu ici pour parler de sécurité. » On frappe à la porte de la caravane. « Hey ! Reedus, t’as des visiteurs ! » Ce sont Andrew Lincoln et Melissa McBride, l’interprète de Carol, la veuve implacable qui a perdu sa fille dans la Saison 2. Tous les trois font partie du cœur de la vieille garde. Les seuls autres personnages principaux restants de la saison 1 sont Steven Yeun et Chandler Riggs – le fils de Rick, Carl. Ils évoquent une véritable « culture The Walking Dead », c’est-à-dire l’atmosphère soudée qui règne sur le plateau et l’attitude toujours sincère de l’équipe. Lincoln, Bernthal, Sarah Wayne Callies – qui joue Lori, la femme de Rick – et les autres ont travaillé au développement de cette culture depuis le premier jour.

Mais une partie de cette atmosphère est aussi due à l’alchimie étrange créée lors du casting de Darabont, qui a conduit les acteurs à s’investir dans une histoire en sachant que la plupart ne seraient plus là à la fin. Le showrunner Glen Mazzara a appelé McBride lors de la dernière saison pour lui dire que Carol serait tuée. « Je lui ai dit : “C’est vraiment dommage, elle peut encore faire beaucoup de choses” », dit-elle. Elle lui a ensuite expliqué en quoi Carol pouvait encore être utile dans ce monde infernal. « Je ne m’étais jamais entendue parler aussi vite et avec tant de confiance. Je défendais ma vie. Je ne sais pas si c’est grâce à moi qu’ils ont décidé de la garder vivante », continue-t-elle. Le fait est qu’elle est toujours en vie. Ce sentiment que personne n’est en sécurité lie les acteurs de la même façon que leurs personnages. Shane a été tué dans la saison 2, lors d’une confrontation avec Rick. Selont l’acteur Jon Bernthal, cette scène finale a renforcé l’idée que son travail était spécial. « À la fin de la nuit, avec les acteurs, on s’est tous enlacés », se souvient-il. « J’étais en larmes, je vous raconte pas de conneries. Je leur ai dit de rester forts et de continuer à tirer le meilleur de cette merde. »

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Les rescapés de la première saison
Crédits : AMC

Incidents de parcours

The Walking Dead n’est pas qu’une histoire de zombies, pourtant à 5 h 45, dans la caravane maquillage, c’est un peu ça. Bethany Murphy, une actrice jeune et jolie, est assise sur une chaise et attend d’être transformée en un zombie épouvantable à la peau déchirée – ce que dans le jargon du plateau ils appellent des « héros ». Murphy a joué plusieurs zombies dans la série, dès l’épisode pilote : quand Rick traîne des pieds en descendant le hall de l’hôpital vers la porte où il est inscrit « Ne pas ouvrir/Morts à l’intérieur », ce sont les mains de Murphy qu’il voit dépasser de la porte. « Je suis la carte à collectionner numéro 1 de The Walking Dead », dit-elle. Murphy fait partie des trois acteurs qui se font maquiller pendant cette session matinale de deux heures, qui requiert un masque en mousse de latex, de fausses dents pourries, de la peinture et de la colle. Et pour Murphy, « le traitement du zombie », c’est-à-dire de grosses cuillerées d’après-shampoing TRESSemmé dans ses cheveux noirs, jusqu’à ce qu’ils paraissent suffisamment hideux. On peint aussi les mains et les jambes des acteurs, mais les costumiers font en sorte qu’ils n’aient pas trop à exposer leur peau aux produits (d’où la prédominance des vêtements à manches longues dans la série).

Aujourd’hui, 16 héros viennent en loge, ainsi que quelques zombies de second plan, à qui on met de la peinture mais pas de prothèse, et plusieurs zombies d’arrière-plan à qui on n’ajoute qu’un peu de poudre pour avoir l’air morts. Il arrive que le script donne des indications sur l’apparence des zombies, mais la plupart du temps, les maquilleurs observent l’acteur assis sur sa chaise et le transforment. Les zombies sont affreux, mais le plus horrible là-dedans, c’est que même chez les plus épouvantables d’entre eux, on peut encore deviner les contours de l’être humain qu’ils étaient avant. Ce ne sont pas simplement des monstres, ce sont nos voisins, nos amis, notre famille – un point mis en avant dans la saison 3 avec le personnage sociopathe du Gouverneur, qui cache sa fille zombie en attendant un remède qui n’arrive pas.

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Zombie vs. Requin

Peu avant sept heures, Greg Nicotero entre dans la caravane. Il porte un t-shirt gris avec une photo d’un zombie aux prises avec un requin, hommage à L’Enfer des zombies, un film gore italien de Lucio Fulci, méconnu mais fantastique. Nicotero, producteur exécutif et responsable du maquillage, examine les trois héros et fait quelques ajustements. « Plus la série avance, plus les zombies pourrissent », dit-il. « On maquille toujours les lèvres pour qu’on ait l’impression qu’elles pourrissent. J’ai fait des recherches sur les cadavres et quand la peau se resserre, les lèvres se détachent. Je pense toujours à ce détail. » Nicotero a grandi à Pittsburgh et a commencé à travailler avec Romero, qui habitait la même ville, sur Le Jour des morts-vivants en 1985.

Depuis, il est devenu une icône du milieu. Il a notamment travaillé sur Pulp Fiction et Boogie Nights. Quand Darabont a présenté le projet à AMC, les dirigeants de la chaîne avaient peur que ce qu’il voulait faire avec les zombies ne soit pas réalisable financièrement. Nicotero, qui avait travaillé avec Darabont sur La Ligne verte et The Mist en 2007, était un atout considérable. Malgré tout, il y a eu certains désaccords au sujet du budget de la série – ce qui a fait du travail de Nicotero un véritable challenge. « Est-ce que j’aimerais avoir dix maquilleurs de plus ? » dit-il. « Évidemment ! Est-ce que je voudrai une équipe spécialement chargée de filmer des gros plans des zombies ? On en a parfois. Mais on a trouvé un moyen de faire une excellente série avec les moyens dont on dispose. » Le budget était sans doute l’une des raisons du départ de Darabont, mais c’est loin d’être l’unique problème auquel il a été confronté. Juste avant la diffusion de l’épisode final de la saison 1, Darabont aurait viré toute l’équipe de scénaristes, sauf Mazzara. Les producteurs d’AMC prétendent qu’ils sont partis d’eux-mêmes. Darabont a écrit, co-écrit ou réécrit chaque script de son point de vue. Plusieurs personnes m’ont dit que la plupart des mots prononcés dans cette saison étaient de lui. Jeffrey DeMunn, qui joue Dale, le propriétaire du vieux camping-car, raconte que la plupart des scénarios qu’il lisait au départ « avaient besoin d’être modifiés », et que lorsqu’il recevait le script réécrit, il le trouvait « extraordinaire ». Malgré le succès de la première saison, AMC a réduit le budget par épisode pour la saison 2 d’environ 450 000 euros, selon un ancien employé. Pour Kirkman, le budget n’était pas un problème étant donné qu’il était « 30 % plus élevé que celui de la plupart des autres séries télévisées » – quoiqu’il représenterait moins de la moitié de celui de Game of Thrones. Charlie Collier, le président d’AMC, affirme que les épisodes pilotes coûtent souvent plus cher et que la réduction du budget de la saison 2 était naturelle. Mais d’après Gregory Melton, chef décorateur pendant les deux premières saisons et associé de longue date de Darabont, ces décisions économiques ont eu un impact important. Darabont avait prévu d’ouvrir la saison 2 avec une toile de fond expliquant comment Atlanta avait été envahie par les zombies.

Darabont a dû dissuader les acteurs de démissionner.

« Ç’aurait été comme La Chute du faucon noir, on aurait suivi un ranger de l’armée tandis que la ville succombait à l’épidémie des zombies », dit Melton. « Mais on n’a pas pu le faire à cause du budget. » À la place, dans l’épisode 2, les survivants campent à la ferme d’Hershel. Un autre ancien employé de la série dit que si le groupe tourne la majeure partie d’une saison au même endroit, c’est principalement pour des raisons financières. AMC maintient que les décisions prises par rapport au budget ont été faites en pensant au bien-être de la série à long terme, mais Darabont n’a rien voulu entendre à l’époque. « Pour Frank, c’était juste des enfoirés de radins », dit Melton. « Ils voulaient seulement garder leur argent. Ils pensaient qu’ils pouvaient économiser tout en réalisant des performances avec la série. » La plupart des gens pensent que Darabont et AMC n’était pas réconciliables.

En juillet 2011, Darabont et les acteurs ont quitté le tournage de la saison 2 pour se rendre au Comic Con de San Diego. Darabont est retourné à Los Angeles le dimanche après-midi. Le lundi, AMC l’a viré. Les acteurs, l’équipe de tournage et Darabont lui-même étaient stupéfaits. D’après Melton, Darabont a dû dissuader les acteurs de démissionner. Il voulait que la série se poursuive. Aucune explication n’a été donnée à son départ, et plusieurs personnes se demandent encore aujourd’hui pourquoi il s’est fait virer. « J’ai demandé et on m’a donné des explications vagues », se souvient DeMunn, associé de longue date de Darbont, depuis Les Evadés jusqu’à Mob City, sa dernière série. « J’ai eu beau insister, je n’ai obtenu que peu d’informations. Ma théorie, c’est que ce ne sont pas des adultes, et qu’ils se sont livrés à un concours d’exaspération. » Melton ajoute que Darabont peut facilement devenir désagréable, ce qui n’aide pas. « J’ai entendu dire que Frank se montrait très dur et qu’il y avait eu des emails inappropriés de sa part », dit-il. « Il est doué pour écrire un email grossier. Je pense juste que certaines personnes à AMC ne voulaient plus de lui. »

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Glen Mazzara discute avec les acteurs sur le plateau
Crédits : AMC

Collier, d’AMC, n’a pas souhaité évoquer les raisons derrière le renvoi de Darabont, se contentant de répondre : « On a pris chaque décision en pensant à garder l’histoire la plus pertinente possible. » Dans un geste qui reflétait l’état moral vers lequel se dirigeait le personnage de Dale dans la série, DeMunn a décidé de quitter The Walking Dead. « Avec Frank, on était amis depuis plus de 20 ans », dit-il. « Je n’aimais pas la façon dont ils géraient les choses. Dans ma vie, quand je suis face à des conflits, je m’en débarrasse. Sinon, j’utilise un médiateur. Je ne regrette pas de leur avoir demandé d’éliminer mon personnage. » Le souhait de DeMunn a été exaucé. À la fin d’un épisode de la saison 2, le personnage de DeMunn est mordu par un zombie, puis – dans un moment classique d’imitation de la vie – il presse sa tête contre le canon du pistolet de Daryl, comme pour lui demander de mettre fin à ses souffrances. Tout comme dans la série, le reste du casting est resté. Après le renvoi, Glen Mazzara, qui avait été le second de Darabont, s’est retrouvé dans une situation difficile. Mais la saison 2 s’est bien terminée, et l’audience continuait de grimper. Les vrais problèmes ont commencé au milieu de la saison 3.

Un grand coup

David Boyd était le directeur de la photographie de la série sur la majeure partie de la saison 1 et une partie de la saison 2. Il a réalisé plusieurs épisodes, dont un à la fin de la saison 3. Il se souvient qu’il y avait eu plusieurs problèmes avec le script. « Dans un épisode que je réalisais, on a arrêté le tournage pendant une semaine, je pense le temps de remettre les scripts en ordre. Ça se savait, AMC n’aimait pas la tournure que prenaient les événements. » D’autres rapportent qu’il y avait des retards dans la production et des désaccords sur la façon dont devait se terminer la saison. D’après un ancien employé, Kirkman était furieux car ses scripts étaient trop réécrits. Après avoir battu des records d’audience, Mazzara semblait avoir une place solide en tant que showrunner. Mais peu après la fin du tournage, AMC a annoncé à Mazzara qu’il était viré à son tour et remplacé par Scott Gimple, auteur depuis la saison 2. Des deux côtés, ils qualifient cette séparation d’amicale, évoquant des différends créatifs sur lesquels ils refusent de donner des détails. Mais pendant des semaines, la rumeur disait que Kirkman avait orchestré le renvoi de Mazzara. C’est Kurt Sutter, le créateur de Sons of Anarchy, qui l’a faite courir. Il avait travaillé avec Mazzara sur la série The Shield, diffusée sur FX. Dans une vidéo YouTube, Sutter soutient qu’AMC laissait Kirkman diriger tout le processus créatif parce qu’il détenait les droits de The Walking Dead. « Il tient les rênes, mais il ne sait pas diriger une série. »

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Scott Gimple, dernier showrunner en date
Crédits : AMC

Kirkman le nie. « C’est malheureux. Quand quelqu’un de son envergure commence à dire ce genre de choses, on pense qu’il sait de quoi il parle, alors que ce n’est pas le cas », dit-il. « C’est vraiment bizarre parce que je n’ai viré personne. » Quand j’ai parlé avec Mazzara en mars, trois mois après son départ, il a insisté sur le fait qu’il n’y avait pas de raison spécifique à celui-ci. « Je ne peux pas dire que j’en avais envie, c’est eux qui voulaient », dit-il. « C’est juste une accumulation de différends au niveau du ton, de l’approche, de la façon de raconter l’histoire. On n’avait rien en commun. Il valait mieux se séparer en de bons termes. » Collier reste vague quant au départ de Mazzara, mais il insiste sur le fait que, comme pour tout ce qu’a fait AMC, le but était d’honorer les volontés de l’auteur. « Le créateur de Mad Men est Matt Weiner, le créateur de Breaking Bad est Vince Giligan, et le créateur de The Walking Dead est Robert Kirkman. Donc je pense qu’on ne s’est pas éloignés du cœur de la série et de ce qui fait partie de l’ADN de la BD : le point de vue de Robert. » Le départ de Mazzara a fait moins de bruit que celui de Darabont. Danai Gurira, qui joue Michonne assure qu’ « à ce stade, on a confiance en la capacité de la série à évoluer. » Avec Gimple, grand fan de la BD The Walking Dead et ancien éditeur de la maison d’édition Bongo Comics, de Matt Groening, la série semble se réaligner avec la vision de Kirkman après que plusieurs personnes se sont plaintes qu’elle s’en était trop éloigné la saison précédente. Gimple admet que quand on lui a donné cette responsabilité, il était un peu effrayé, mais il décrit à présent son rôle comme celui d’un « visionneur en chef ». Il a eu quelques différences d’opinions avec Kirkman au cours la saison 4, mais pas autant que certains le prétendent. « Il a fait des efforts pour s’éloigner de la BD et j’ai fait des efforts pour m’en approcher », dit Gimple. Finalement, le fil conducteur de la BD est appliqué dans un nouveau contexte sur des personnages différents ou suffisamment modifiés pour laisser une part d’imagination aux fans endurcis. « C’est un genre de remix. »

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Deux semaines après notre première rencontre, Andrew Lincoln m’invite à jouer au golf avec lui. Juste avant d’aligner un putt dans le quatrième trou, il me dit : « Ce qui est le plus décourageant dans tout ça, c’est de perdre plusieurs membres phares de la série qui ont participé à la culture de The Walking Dead. C’est terrible de perdre des gens. » Il parle de ses amis victimes de l’univers apocalyptique de The Walking Dead – Callies, Bernthal, DeMunn et les autres –, mais il pense également à Darabont et Mazzara. « L’ambiance est triste quand on tourne, maintenant », dit-il. « Ce qui est normal ! C’est ce qu’on est censés faire. On s’accroupit tous ensemble, quelqu’un d’autre rejoint la famille, et on traverse l’épreuve. » Il réussit son putt.

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Steven Yeung et Lincoln au golf
Crédits : DR

Si l’histoire est un guide, The Walking Dead s’accommodera de ses derniers changements sans perdre pied. À ce niveau, on a le sentiment que c’est une force de la nature, et que la chose la plus importante que ses responsables puissent faire – que ce soit Gimple, Kirkman, Lincoln, AMC ou n’importe qui d’autre –, c’est de ne pas tout gâcher. Au trou suivant, Lincoln donne un coup qui porte la balle au milieu du fairway. C’est un bon golfeur – « c’est relaxant de taper dans une balle » – et il joue avec la même grâce qu’il met dans tout ce qu’il fait. Il regarde le trou à 130 mètres de là et attrape un fer 8. « Le 8 est un peu court, mais je vais essayer de donner un grand coup avec, on verra bien ce qu’il se passe. » Son élan est parfait ; il s’incline, la tope et la frappe. C’est son pire coup de la journée. La balle glisse le long de l’herbe jusqu’à un bunker. « Oh, le fils de pute », dit-il. « Stop ! » Pendant un moment, on dirait que le Rick Grimes bouillonnant s’apprête à faire surface. Puis, Lincoln rigole. « Et voilà ! C’est ce qu’il se passe quand on essaie de frapper un grand coup. »


Traduit de l’anglais par Sophie Lapraz et Antonin Padovani d’après l’article « The Rise of ‘The Walking Dead’ », paru dans Rolling Stone. Couverture : Un des visuels promotionnels pour la Saison 7. (AMC)


HOLLYWOOD DESPERADO

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Robert Rodriguez est une idole pour les Mexican Americans. En lançant El Rey, chaîne de télévision inspirée de leur culture, il va devenir leur héros.

Quand Robert Rodriguez était adolescent, il a construit une table de montage dans sa chambre à partir de deux magnétoscopes qu’il avait piqués à son père, d’amplis stéréo laissés à l’abandon, d’une vieille télé et d’un magnétophone accompagné d’une colleuse de bande magnétique, pour ajouter la musique. Avec cet attirail, il montait des courts métrages qu’il tournait avec ses neuf frères et sœurs, ainsi que des projets d’école et des films patchworks composés de scènes extraites de ses films préférés. Un jour, il a tiré des scènes d’un film avec Mickey Rourke et les a assemblées avec d’autres, issues d’un film avec Rutger Hauer. Le film de Mickey Rourke étant en noir et blanc, il a ôté la couleur de celui de Rutger Hauer en baissant les couleurs de sa télévision. Des années plus tard, après être devenu l’un des réalisateurs les plus prolifiques des États-Unis, Rodriguez a confié un rôle à Mickey Rourke dans Sin City, une adaptation musclée de la série de bandes dessinées de Frank Miller, majoritairement en noir et blanc. Rodriguez devait tourner une scène dans laquelle Marv, le personnage interprété par Rourke, tuait un méchant, mais ce dernier n’avait pas encore été casté. Il a décidé de tourner malgré tout, en se disant qu’il assemblerait les plans ensemble lors de la post-production. Huit mois plus tard, il a enfin trouvé qui jouerait le méchant : Rutger Hauer. Rodriguez m’a raconté cette histoire alors que nous déjeunions à Austin, en décembre dernier, et il a marqué une pause à cet instant, pour que l’annonce fasse son effet : Rutger Hauer. En noir et blanc. Dans une scène avec Mickey Rourke. « Je ne me suis rendu compte qu’après que j’avais déjà fait cela », me dit-il, une note d’émerveillement dans la voix. « Il m’est arrivé beaucoup de choses comme celles-ci au fil du temps. Du coup, je me dis que je fais sûrement ce que je suis censé faire. »

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