Crédits : Kim Hong-Ji/AP L’extrémité nord-est de la Corée du Nord rejoint l’extrémité sud-est de la Russie. Une bande de terre d’une quinzaine de kilomètres qui nous ferait presque oublier que les deux pays sont limitrophes. À 130 km au nord de la frontière nord-coréenne se trouve la ville portuaire de Vladivostok, carrefour économique majeur de la région où affluent de nombreux travailleurs venus de l’étranger pour empocher des roubles à la sueur de leur front. Parmi ces travailleurs, le New York Times révélait le 11 juillet dernier que les Nord-Coréens sont nombreux. À travers la Russie, ils seraient 50 000 selon la fondation NKDB, qui enquête depuis 15 ans sur les violations des droits humains par le régime de Kim Jong-un. Et les conditions dans lesquelles les Nord-Coréens travaillent en Russie sont celles d’esclaves modernes, selon un rapport du Département d’État américain paru en juin 2017. Chaque année, le gouvernement nord-coréen gagnerait plus de 100 millions d’euros grâce à ses travailleurs à l’étranger. En effet, 80 % des salaires perçus par la main d’œuvre nord-coréenne tombe directement dans les poches du Parti du travail de Corée. L’argent leur est envoyé sur des comptes gérés par le gouvernement, qui ne leur en reverse qu’une infime partie et prétexte une « participation volontaire » de ses citoyens expatriés de force à l’économie nationale. D’après la fondation NKDB, les citoyens en question se gardent bien de protester, de déserter ou de témoigner de leur situation, par peur de ce qui pourrait arriver à leur famille restée au pays. « Ils ne prennent pas de vacances », dit un employeur russe en parlant de ses travailleurs nord-coréens au New York Times. « Ils mangent, travaillent et dorment, rien d’autre. Et encore, ils ne dorment pas beaucoup. C’est comme des esclaves. » Si les entreprises russes ne s’en cachent pas, c’est que la pratique – employer des travailleurs étrangers – ne viole pas en soi les réglementations des Nations Unies. Le sort réservé aux Nord-Coréens par leur gouvernement ne semble pas émouvoir les entrepreneurs russes interrogés par le New York Times, qui ne voient rien à redire à la pratique. « Étonnamment, ces gens travaillent dur et sont très disciplinés », leur a confié une société de réparation de Vladivostok. « Ils ne restent jamais longtemps sans travailler et ne prennent pas beaucoup de pauses cigarettes durant leurs heures de travail. » Cette main-d’œuvre nord-coréenne, dont le labeur s’apparente à du travail forcé, a aidé à construire un stade de Saint-Pétersbourg qui accueillera la Coupe du Monde en 2018, ainsi qu’une résidence de luxe à Moscou sur le chantier de laquelle deux d’entre eux ont trouvé la mort le mois dernier. Les accords récents entre la Russie et la Corée du Nord sont à ce prix. Source : The New York Times