Le 1er août, les Mexicains se rendront aux urnes pour un référendum sans précédent. Ils devront décider si oui ou non, cinq anciens présidents doivent être conduits devant la justice. Tant sur le fond que sur la forme, il s’agit d’une des initiatives la plus ambitieuse de l’actuel président Andrés Manuel López Obrador, explique le journal espagnol El Páis.

L’annonce du processus référendaire remonte à novembre 2018. Avant même d’entrer en fonction, AMLO avait annoncé son intention de faire juger cinq ex-présidents : Carlos Salinas, Ernesto Zedillo, Vicente Fox, Felipe Calderón et Enrique Peña Nieto. Salinas et Fox passeront à la barre pour « fraude électorale », Peña Nieto est accusé de « corruption généralisée », tandis que Felipe Calderón est accusé de « pratiques gouvernementales ayant entraîné une augmentation de la violence » dans le pays.

Jugée ambigüe et sujette à interprétations pour certains, la Cour suprême de justice, en charge de veiller à la constitutionnalité de la consultation, a reformulé la question posée aux citoyens. La formulation finale est la suivante : « Êtes-vous d’accord ou non pour que des actions pertinentes soient menées conformément au cadre constitutionnel et légal pour entreprendre des actions visant à clarifier les décisions politiques prises ces dernières années par les acteurs politiques, afin de garantir la justice et les droits des éventuelles victimes ? »

Un tel référendum devrait ouvrir la voie à une « justice transitionnelle », c’est-à-dire la création de commissions de vérité et de justice. Répandues en Amérique latine, elles sont destinées à répondre aux violations généralisées des droits humains par des initiatives de reconnaissance, de mémoire et de réparation de la part de l’État. « Ce sont des processus très complexes, surtout dans un pays où le problème du crime organisé persiste. Il serait très difficile d’y mettre un terme et d’établir des mécanismes de réparations et des garanties de non-répétition », estime Hugo Concha Cantú, chercheur à l’Institut de recherche juridique de l’UNAM, à Mexico. En effet, la guerre contre le narcotrafic est encore loin d’être achevée au Mexique.

En ce qui concerne le référendum, le président AMLO lui-même paraît ambigu. « La vengeance n’est pas mon point fort et je ne pense pas que ce serait bon pour le pays de nous enliser dans la persécution de personnes présumées corrompues », avait-il déclaré en novembre 2018. Celui-là même qui a initié le processus a même annoncé qu’il voterait « non » au référendum. Dans la dernière ligne droite de son mandat de six ans et concentré sur sa propre réélection, cette volonté affichée d’amnistie lui permettrait de garder la main mise sur son agenda politique et sur un thème qui le rend extrêmement populaire.

Source : El Páis