Crédits : Hulton Archive/Getty Images Winston Churchill prenait un bain quand lui est venue une idée folle pour gagner la Seconde Guerre mondiale. C’est le chef des opérations interarmées, Lord Louis Mountbatten, qui la lui a apportée en la jetant dans son bain un jour de 1942. L’histoire commence de façon étrange, mais Churchill avait pour habitude de conduire certaines réunions depuis sa baignoire. L’idée en question s’incarnait dans un gros morceau de glace, que les deux hommes ont regardé refuser de fondre dans l’eau brûlante, d’après les dires du physicien J. D. Bernal. Ce morceau de glace avait pour but d’illustrer Habbakkuk, un projet de porte-avions taillé dans la glace d’un iceberg conçu par le scientifique Geoffrey Pyke, qui aurait dû permettre de combler le « trou noir » de l’Atlantique, la zone centrale de l’océan où les sous-marins allemands étaient hors de portée de l’aviation des Alliés. Geoffrey Pyke et son équipe de scientifiques passaient leurs journées à la conception d’une glace qui ne fondrait pas, en la mélangeant à une mixture de pulpe de bois, de sciure ou de coton qui la rendrait aussi résistante que du béton. Cet ambitieux matériau baptisé « pykrete » fonctionnait à merveille, et Churchill imaginait déjà ses hommes scalper des icebergs pour y construire des pistes d’atterrissage constituant autant de bases flottantes à disposer à leur guise dans l’Atlantique. Le projet était baptisé Habbakuk en référence au prophète hébreu Habacuc, qui avait écrit jadis : « Voyez les nations ! Et soyez étonnés ! Soyez ébahis ! Car je vais faire en vos jours une œuvre que vous ne croiriez pas si on la racontait ! » Un nom de code très à-propos quand on imagine que le porte-avions de glace devait mesurer 610 m de long, 100 m de large, avec des flancs de 12 m d’épaisseur. Max Perutz, un scientifique qui travaillait sur le projet, a confié au New Yorker en 1985 que les navires « devaient transporter d’énormes réservoirs remplis d’eau surfondue – de l’eau liquide refroidie au-delà de son point de solidification – qu’on aurait tirée sur l’ennemi et qui se serait solidifiée au contact ». En d’autres termes, des rayons gelés. Ce projet incroyable mais plausible a cependant été abandonné en 1943, car les usines des Alliés avaient tourné à plein régime et réussi à bâtir assez de porte-avions pour que la zone centrale de l’Atlantique ne fut plus un problème. Malgré cela, le projet Habbakuk restera dans les mémoires comme la marque de l’audace du commandement britannique durant la Seconde Guerre mondiale. Sources : National Museum of the Royal Navy/The New Yorker