George W. Bush (2001-2009)

Qui a été le pire président des États-Unis ? Pour 61% des historiens américains interrogés par l’association History News Network lors d’un sondage informel en juin 2008, la réponse était le Républicain George W. Bush.

À l’automne de la même année, l’économie mondiale s’effondrait avec la banque américaine Lehman Brothers. Nombre d’observateurs ont alors reproché à Bush de ne pas avoir régulé les marchés financiers, et notamment le secteur des prêts hypothécaires à risque, qui sont à l’origine de la crise bancaire. Il figure ainsi sur la liste des « 25 personnalités responsables de la crise financière » établie par le magazine TIME.

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George W. Bush s’adresse aux Américains après les attaques du 11 septembre 2001

Mais les citoyens américains, pris dans leur ensemble, se montrent plus indulgents avec George W. Bush que les historiens et les journalistes, minuscules fractions de la population. En 2014, lorsque l’institut de sondage de l’université Quinnipiac les interroge sur leurs dirigeants depuis la Seconde Guerre mondiale, ils sont seulement 28 % à juger que le Texan a été le pire d’entre eux. Ce qui le place sur la deuxième marche de l’infamant podium, juste derrière… Barack Obama.

Un verdict déprimant dans la mesure où Obama a tout de même réussi à réformer le système de santé américain, l’un des plus inégalitaires au monde. Depuis, la part d’Américains sans assurance maladie est tombée de 16 à 8,6 %. Les employeurs sont maintenant obligés de proposer une couverture médicale à leurs salariés. Les assureurs ne peuvent plus refuser de signer un contrat, quel que soit l’âge, le sexe ou l’état de santé de la personne. Et le dispositif Medicaid, qui existait déjà pour les plus pauvres, a été étendu.

Les présidents considérés comme étant les deux plus mauvais par les sondés de Quinnipiac étaient aussi les deux derniers. Pour Brendan Nyhan, professeur de sciences politiques à l’université privée de Dartmouth, cela s’explique par la nature même de la question qui nous intéresse. Il note par ailleurs que ce type d’enquêtes en dit long sur la bipolarisation de l’opinion publique américaine. Selon lui, Démocrates et Républicains n’ont jamais été aussi farouchement opposés les uns aux autres. Le politologue a en effet remarqué que l’hostilité du camp adverse vis-à-vis du président avait augmenté au cours des années.

« Parmi les gens qui s’identifient comme membres du Parti républicain, 63 % ont cité M. Obama comme étant le pire président », écrit-il dans les colonnes du New York Times. « Cela représente une hausse significative par rapport au nombre de Démocrates qui citaient George W. Bush en 2006 (56 %) ou au nombre de Républicains qui citaient Bill Clinton en 2000 (43 %). »

Ronald Reagan (1981 – 1989)

D’après le sondage réalisé par l’université Quinnipiac, les meilleurs présidents des États-Unis ont été le Républicain Ronald Reagan et le Démocrate Bill Clinton, respectivement crédités de 35 et de 18 % des voix. Pourtant, si les banques se sont bel et bien effondrées sous la surveillance de George W. Bush, les politiques économiques des deux hommes ont largement contribué au chaos financier de 2008.

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Un air de déjà vu

Clinton a abrogé la loi Glass-Steagall, qui séparait les banques de dépôt des banques d’investissement. Cette mesure a permis à des banques de dépôt comme Citigroup de vendre des créances hypothécaires titrisées et des obligations adossées à des actifs. Quant à Reagan, il a promulgué la loi Garn-St. Germain, qui a dérégulé les institutions financières et conduit à l’explosion de la dette privée – le taux d’endettement des ménages est passé de 60 à 119 % entre 1981 et 2007.

La dette publique, qui n’avait cessé de baisser depuis la Seconde Guerre mondiale, a elle aussi augmenté pendant les années Reagan.

Et si la politique étrangère de George W. Bush peut être tenue pour responsable de l’avènement de Daech, celle de Ronald Reagan peut être tenue pour responsable de l’avènement d’Al-Qaïda, auteure des attentats les plus meurtriers jamais perpétrés, ceux du 11 septembre 2001. L’ancien acteur est en effet connu pour avoir prolongé le soutien militaire apporté par le Démocrate Jimmy Carter aux moudjahidin afghans après l’invasion de leur pays par l’Union soviétique, en 1979. Les moudjahidin afghans ont notamment bénéficié de missiles Stinger. Or leur combat, qui a attiré de nombreux djihadistes étrangers, était également soutenu par un certain Oussama ben Laden…

Mais l’ennemi désigné des États-Unis était alors le communisme, pas l’islamisme. Le soutien apporté aux moudjahidin afghans contre l’Union soviétique, décidé par un Démocrate, poursuivi par un Républicain et mis en place par la CIA, faisait plus ou moins consensus.

Dans la mémoire collective américaine, Ronald Reagan est avant tout le grand vainqueur de la guerre froide. Un vainqueur élégant, qui plus est : la course à l’armement entamée au début des années 1980, le bombardement de la Libye en représailles à l’attentat du 6 avril 1986, et la défaite soviétique en Afghanistan ont accéléré le processus de décomposition de l’URSS, mais le président américain s’est gardé d’humilier son homologue russe, Mikhaïl Gorbatchev.

Le 12 juin 1987, il lui adresse le discours qu’il prononce devant la porte de Brandebourg à Berlin-Ouest. « Nous accueillons le changement et l’ouverture ; parce que nous croyons que la liberté et la sécurité vont de paire, que le progrès de la liberté des hommes ne peut que servir la cause de la paix », déclare-t-il. « Les Soviétiques n’ont qu’un signe à faire, un signe clair, pour faire progresser radicalement la cause de la liberté et de la paix. Monsieur Gorbatchev, ouvrez cette porte. Monsieur Gorbatchev, abattez ce mur ! » En décembre de la même année, il reçoit Gorbatchev à la Maison-Blanche, où ils signent le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire, qui vise à démanteler une partie de leurs arsenaux respectifs.

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Ronald Reagan à la tribune

Cette belle image est, comme beaucoup d’autres, entachée par l’affaire dite Iran-Contra, qui implique plusieurs membres de l’administration Reagan. Ces derniers auraient vendu des armes à l’Iran, pourtant ennemi des États-Unis, afin de financer les Contras, mouvement contre-révolutionnaire nicaraguayen de droite regroupant les opposants à Daniel Ortega. Mais l’affaire Iran-Contra n’a jamais pris l’ampleur du scandale qui avait contraint un autre président républicain, Richard Nixon, à démissionner.

Richard Nixon (1969-1974)

Tout commence par un cambriolage, le 17 juin 1972. Cinq hommes sont arrêtés au siège de campagne du Parti démocrate à Washington – le Watergate – en possession d’un important matériel d’écoute. Ils venaient en fait arranger des micros posés quelques semaines plus tôt. Les regards se tournent vers le Parti républicain et la Maison-Blanche. Richard Nixon, triomphalement réélu en novembre, croit néanmoins pouvoir échapper à l’opprobre. C’est sans compter sur Bob Woodward et Carl Bernstein, deux jeunes reporters du Washington Post. Leurs révélations sur les liens qui existent entre les soi-disant cambrioleurs et la présidence se font de plus en plus précises.

En février 1973, une commission d’enquête sénatoriale est créée. À partir du mois de mai, les auditions sont retransmises à la télévision. Elles révèlent que la Maison-Blanche possède un service d’espionnage, et que c’est lui qui a commandité la mise sur écoute du Watergate. Des noms sont donnés. Celui du président revient constamment.

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Au deuxième jour de son mandat, Nixon avait encore le sourire

En juillet, on apprend que les déclarations des témoins auditionnés peuvent être corroborés par un système d’écoute mis en place par le président dans son propre bureau, le Bureau Ovale. Nixon fait tout ce qui est en son pouvoir pour ne pas avoir à remettre les bandes d’enregistrement, ce qui suscite l’indignation.

En novembre, face aux journalistes, lors d’une séance de questions-réponses elle aussi retransmise à la télévision, il clame son innocence avec une formule qui est restée tristement célèbre. « Le peuple a besoin de savoir si son président est un escroc », dit-il. « Eh bien, je ne suis pas un escroc. J’ai gagné tout ce que je possède. »

Le 24 juillet 1974, Nixon n’a plus le choix : la Cour suprême lui ordonne de remettre les bandes. Celles-ci confirmeront les accusations d’espionnage politique.

Une semaine plus tard, la commission judiciaire de la Chambre des représentants recommande la destitution du président. Elle adopte trois chefs d’inculpation : obstruction à la justice, abus de pouvoir, et refus de se soumettre aux assignations. Le sort de Nixon est désormais entre les mains du Sénat.

Mais si les Américains avaient encore des doutes quant à la culpabilité de leur président, ils se sont évanouis avec la fameuse « Smoking Gun Tape » – la cassette de l’arme du crime –, rendue publique le 5 août. Elle prouve notamment que Nixon avait ordonné au FBI d’arrêter toute enquête sur l’effraction du Watergate. Réalisant que le Sénat ne peut pas lui être favorable après de telles révélations, il démissionne pour éviter la destitution, le 9 août.

U.S. President Richard M. Nixon sits at a desk, holding papers, as he announces his resignation on television, Washington, D.C. (Photo by Hulton Archive/Getty Images)

Richard Nixon annonce sa démission au peuple américain

Richard Nixon a donc été le premier et le seul président américain à démissionner.

Il n’a pas été le pire président des États-Unis pour autant. Le scandale du Watergate ne doit pas faire oublier certaines de ses décisions. Non seulement Nixon a initié des relations diplomatiques entre les États-Unis et la République populaire de Chine, mais il est aussi parvenu à un accord important concernant la limitation des armes stratégiques avec l’Union soviétique. Il a progressivement extirpé son pays de la guerre du Viêt Nam, qui a tout de même coûté la vie à près de 60 000 soldats américains. Sur le plan de la politique intérieure, Nixon a renforcé la lutte contre le cancer et fait appliquer la déségrégation dans les écoles du Sud. Il a également créé la Commission de surveillance de sécurité des produits de consommation et l’Agence pour la protection de l’environnement – à la tête de laquelle Donald Trump a nommé un climato-sceptique notoire, Scott Pruitt.

Le quinzième président

Dans la plupart des classements établis par des universitaires, qui tiennent compte des présidents américains précédant la Seconde Guerre mondiale, trois Démocrates figurent parmi les plus mauvais : Andrew Johnson, Franklin Pierce et James Buchanan. Ces messieurs ne vous évoquent peut-être rien, mais l’un d’eux est l’homme que nous cherchons : le pire président de l’Histoire américaine. C’est précisément ainsi qu’il est présenté par certains de ses biographes, comme les journalistes Garry Boulard et Robert Strauss. Il s’agit de James Buchanan, 15e président des États-Unis.

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James Buchanan

Son mandat avait pourtant bien commencé. La veille de son investiture, le 4 mars 1857, le Congrès adopte une loi qu’il appelait de ses vœux, la Tariff Bill. Celle-ci baisse les droits de douane pour certains produits importés. (Buchanan voulait stimuler les relations commerciales internationales, mais il ne réussit qu’à rendre les produits américains moins compétitifs.) Puis, le 6 mars, la Cour suprême rend son verdict dans l’affaire Dred Scott, comme Buchanan le souhaitait. Et tel qu’il le souhaitait… Dred Scott était l’esclave d’un militaire du Missouri, État du Sud esclavagiste, qui résidait dans les États du Nord, où l’esclavage était interdit. Après la mort du militaire en 1843, Scott avait intenté une action en justice contre sa veuve, considérant que puisqu’il avait vécu dans un État non-esclavagiste, il devrait être un homme libre. James Buchanan espérait que le verdict de la Cour suprême réglerait, non seulement cette affaire, mais aussi la querelle qui opposait le Nord et le Sud autour de la question de l’esclavage. Pour cela, le verdict devait être une décision largement majoritaire. Or, la Cour était composée par cinq magistrats du Sud et quatre magistrats du Nord, ce qui donnait une trop courte majorité au Sud. Au mépris de la séparation des pouvoirs entre l’exécutif et le judiciaire, James Buchanan a donc convaincu l’un des Nordistes, Robert Cooper Grier, de se rallier aux Sudistes. La liberté et la citoyenneté sont refusées à Dred Scott. Immoral, ce verdict est aussi une erreur politique. Au lieu d’apaiser le pays, comme l’escomptait James Buchanan, il le divise davantage. Et la situation économique exacerbe les tensions qui vont mener le pays à la guerre civile. Le krach boursier du 22 août met un terme à la prospérité du Nord, tandis que le Sud continue à vivre de la vente du coton en Europe, sur le dos de ses esclaves. Buchanan se contente alors d’exprimer sa compassion aux victimes de la « panique » financière et de poursuivre les chantiers publics déjà entamés. À l’approche des élections de 1860, il refuse de soutenir le seul Démocrate pouvant les remporter, Stephen Douglas, ce qui assure la victoire au Républicain Abraham Lincoln et ravive les velléités sécessionnistes du Sud. Entre l’élection de Lincoln, le 6 novembre 1860, et son investiture, le 4 mars 1861, des États mettent leur menace à exécution. La sécession est anticonstitutionnelle, mais Buchanan prétend qu’il ne peut l’empêcher. Il n’empêche pas non plus les sécessionnistes de s’emparer de différents armements. Il suggère même de leur abandonner une installation militaire, Fort Sumter.

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Son faux-air d’Anthony Hopkins ne le sauvera pas au regard de l’Histoire

Cette île fortifiée de la baie de Charleston, en Caroline du Sud, sera le décor du début de la Guerre de Sécession, le 12 avril 1861. Opposant la plupart des États abolitionnistes, dirigés par Abraham Lincoln, à la plupart des États esclavagistes, dirigés par Jefferson Davis, cette guerre coûtera leur vie à 620 000 hommes… Il ne nous reste qu’à souhaiter aux Américains et au reste du monde que Donald Trump, le 45e président des États-Unis, ne détrônera pas James Buchanan. Malheureusement, l’affaire est très mal engagée.


Couverture : Les prétendants au titre. (Ulyces)