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Tout comme le canal de Panama est plus petit qu’on ne le pense, le problème des financements offshore est plus proche de nous qu’on ne l’imagine. Les États-Unis, par exemple, sont devenus une destination très prisée pour le secret des entreprises. Et le Réseau pour la justice fiscale, dont l’Indice d’opacité financière classe l’Amérique n°3, la considère comme l’une des pires. Dans la plupart des États du pays, les entreprises ne sont pas tenues de révéler le nom de leurs véritables propriétaires, et les agents d’enregistrement n’ont aucune obligation d’interroger leurs clients à ce propos. Les experts s’entendent pour dire qu’il s’agit d’une des meilleures (ou des pires) formes de discrétion, car lorsque les autorités s’enquièrent du nom des bénéficiaires effectifs, il n’ont aucune information à se mettre sous la dent. « On parle des financements offshore qui ont lieu à l’étranger, mais je pense qu’on a déjà beaucoup à faire pour améliorer et promouvoir la transparence sur notre sol », affirme Patrick Fallon, le directeur de la section des crimes financiers du FBI, basée à Washington. En plus d’être la porte ouverte au blanchiment d’argent, l’opacité encourage la corruption au sein des institutions publiques et le délit d’initiés – et bien d’autres crimes financiers, en réalité. « C’est un obstacle de taille dans nos enquêtes que de ne pas pouvoir savoir qui est le véritable propriétaire d’une entreprise », dit Fallon.

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Wilmington, dans le Delaware
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Trouver des témoins potentiels et des personnes en chair et en os à qui parler « devient plus difficile quand il s’agit d’une société fictive sans aucun nom associé ». J’ai décidé de voir à quel point il était facile de monter une société fictive par moi-même. À deux heures de route du siège du FBI se trouve l’État du Delaware, dans les registres duquel on trouve plus de sociétés que de résidents. Plus de 60 % des entreprises du Fortune 500 ont leur siège social au Delaware (sur le papier, du moins).

L’année dernière, l’État a incorporé environ 170 000 sociétés. L’hiver dernier, Transparency International a ajouté le Delaware à son Top 9 des affaires de grande corruption mondiale. Les avocats uruguayens des investisseurs d’OpenWorld affirment par ailleurs avoir découvert une société-écran de Swiss Group enregistrée au Delaware. Naturellement, il fallait que je m’y rende. C’est un couple charmant, Nancy et Stephen Wolf – les propriétaires d’Advantage Delaware LLC, une agence d’incorporation –, qui ont accepté de m’aider à monter une société appelée She Sells Sea Shells LLC. Avant mon arrivée, Nancy a été très claire : je n’aurai pas besoin de carte d’identité pour constituer la société. La discussion m’a rappelée certaines conversations que j’avais eues avec mes amies au lycée alors que nous préparions notre séjour à Bethany Beach, en dernière année. L’endroit se trouve aussi dans le Delaware. J’ai toujours une bouteille d’Absolut que j’ai achetée pour une camarade de classe à l’époque – sans carte d’identité bien sûr. À ceci près que cette transaction est parfaitement légale. J’arrive chez Advantage Delaware par un jour d’hiver froid et ensoleillé. L’entreprise est installée dans un parc de bureaux où toutes les sociétés occupent des petites maisons à la toiture en pente, entourées de jardinets bien entretenus. Tout près de là, il y a un étang qui a gelé. À l’intérieur, les Wolf s’occupent du courrier de leurs clients dans une pièce, et constituent les entreprises dans la pièce attenante, sur l’ordinateur de Nancy. Stephen a étudié le design à l’université et Nancy est comptable de formation. Durant leurs dix premières années d’activité, ils recevaient rarement des demandes individuelles de création d’une entreprise au Delaware, et puis la demande s’est accrue. Le meilleur argument commercial, c’est la discrétion qu’offre l’État, me confie Stephen. header-091106A « Le plus souvent, nous ne savons même pas qui sont nos clients », ajoute Nancy. « Ils s’inscrivent pour faire appel à nos services sur notre site en nous fournissant un nom et une adresse. Nous connaissons le nom de leur compagnie, mais nous ne savons pas ce qu’ils font ou dans quel secteur d’activité ils opèrent. » Au milieu de notre rendez-vous, on frappe lourdement à la porte. Sans attendre de réponse, une femme entre, en jeans et en bottines. Elle porte un presse-papiers et elle dit être agent d’exécution. « J’ai une assignation à comparaître avec moi », dit-elle. Une entreprise pour laquelle Advantage Delaware fait office d’agent d’enregistrement est poursuivie en justice. « Cela n’arrive pas tous les jours », dit Nancy. Elle regarde le nom de l’entité. « Voyons voir si j’ai quelque chose sur eux », dit-elle en se dirigeant vers son ordinateur dans la pièce d’à côté, pour s’assurer qu’il s’agit bel et bien d’un de leurs clients. « Alors, nous sommes leur agent ? » lui demande Stephen lorsqu’elle reparaît. « Oui, ils sont au Mexique », reconnaît Nancy. « Et nous avons pas mal d’informations sur eux », ajoute-t-elle. Elle signe les papiers et l’huissier s’en va. En regardant les coordonnées de la fiche contact, Nancy me dit : « Ce sont peut-être les managers. Ou bien les propriétaires. Je n’en sais vraiment rien. » Quand je demande à Nancy et Stephen s’ils sont tenus responsables de surveiller les activités de leurs clients, ils me répondent qu’ils ne sont pas au courant de la nature de l’activité de leurs clients. « On ne s’implique pas du tout. On leur sert juste d’agents d’enregistrement », dit Stephen. Il ajoute néanmoins que si pour une raison ou pour une autre leur client agit de façon louche, il mettra fin à leur collaboration immédiatement.

L’industrie offshore est colossale, et Mossack Fonseca ne s’est pas contentée de grandir avec elle.

Depuis dix ans, une bataille a lieu pour savoir si oui ou non les États américains doivent restreindre leurs dispositions relatives au secret et demander le nom du véritable propriétaire au moment où la société est constituée. En 2009, un haut fonctionnaire du département de la Justice a certifié devant le Congrès que, certaines années, plusieurs milliards de dollars venant de sources suspectes circulaient à travers des sociétés écrans américaines, tenant les enquêteurs en échec. « Il n’y a aucune excuse », dit le sénateur à la retraite Carl Levin, qui a soutenu l’idée d’une réforme pro-transparence pendant des années. « Il serait très, très simple d’ajouter une ligne sur les articles concernant l’incorporation pour qu’on sache qui sont les vrais propriétaires, les bénéficiaires effectifs de la société. » Mais ces propositions ont rencontré une opposition farouche de la part de certains groupes lobbyistes, et particulièrement de l’Association nationale des fonctionnaires d’État. Ses membres maintiennent qu’une telle exigence représenterait un fardeau trop lourd à porter pour les bureaux d’État responsable de l’enregistrement des entreprises. « Cette idée de devoir modifier chaque division des entreprises sur le modèle d’une division des véhicules motorisés, dans laquelle vous devez avoir une apparence physique avant de pouvoir former une entité… je vous jure que ça n’arrivera pas », s’agace Richard Geisenberger, secrétaire d’État adjoint en chef du Delaware. « Les bureaux des secrétariats d’État ne sont pas prévus pour ça. »

L’incorporation des entreprises est une grosse affaire dans le Delaware. Tous ces enregistrements se traduisent par des recettes juteuses pour l’État : 1,2 milliard de dollars par an, d’après Geisenberger. Je lui demande si les États ont peur que le fait de collecter des informations à propos du propriétaire d’une entité puisse porter atteinte à cette manne importante. Geisenberger me répond que leur souci principal est de garantir la sécurité de ces informations. « Je pense que les gens nourriraient des inquiétudes légitimes vis-à-vis de la capacité de 50 juridictions d’État différentes à conserver et protéger ce qui, au final, est une information essentielle et privée pour les entités légales », dit-il. À la place, il se dit en faveur d’une proposition inclue dans le budget prévisionnel du président Obama, qui vise à collecter les informations d’une « partie responsable » pour toutes les entités, via l’IRS. « Je pense que le gouvernement fédéral est déjà bien équipé pour ça, puisqu’ils le font déjà. » L’Association nationale des secrétaires d’État m’a également dit être d’accord avec cette proposition.

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Transcription d’une conversation électronique entre le Süddeutsche Zeitung et le lanceur d’alerte

Mais Heather Lowe, directrice des affaires gouvernementales chez Global Financial Integrity, m’explique que cette « partie responsable » ne permet toujours pas de savoir qui contrôle l’entreprise. Elle ajoute que de devoir montrer une carte d’identité est si simple que de nombreuses bibliothèques l’exigent avant d’émettre des cartes. « Le fait qu’un État ne soit pas d’avis qu’il est important de savoir qui possède ou contrôle les entreprises qu’il héberge est vraiment effrayant » dit Lowe, dont le groupe fait du lobbying pour soutenir un amendement présenté récemment au Congrès, qui requiert que les bénéficiaires effectifs soient identifiés lorsqu’ils constituent une entreprise dans un État donné. « C’est aussi totalement irresponsable. »

Noirs secrets

Les participants de la 5e conférence annuelle sur l’investissement offshore, qui se déroule à l’hôtel Hilton de Panama, sont accueillis par les lumières éclatantes du casino Star Bay, au rez-de-chaussée, avant de se rassembler dans une salle de réunion du deuxième étage. À un bout du couloir, surplombant le lobby, d’immenses fenêtres offrent une vue imprenable sur la baie, où de minuscules vagues se brisent sur la rive et de petits bateaux stationnent dans le lointain. À l’extrémité opposée du couloir, l’installation pour la conférence est pour le moins sommaire : une table sur laquelle sont alignées des brochures pour une entreprise appelée Trust Services S.A., et une autre table recouverte d’une nappe marron, parsemée de porte-noms. Une femme aux cheveux blonds et à l’accent anglais préside à la table aux porte-noms. La correspondante TV de Fusion Natasha del Toro et la productrice Alice Brennan s’approchent de la table. Alors que del Toro prend un programme de la conférence, elle se présente comme journaliste. La femme lui retire alors immédiatement le programme des mains, l’informant que les reporters ne sont pas autorisés à assister à l’événement. (Fort heureusement, le programme était disponible gratuitement en ligne. Il indiquait que Ramses Owens, un ancien avocat de Mossack Fonseca qui dirige à présent son propre cabinet, intervenait ce matin-là.) Quelques minutes plus tard, tandis que del Toro raconte l’incident à la caméra, un homme, à l’accent anglais lui aussi, approche et lui dit qu’elle est priée de partir. « Vous n’allez pas faire ça », lui dit-il. « Ce n’est pas bien. » L’industrie offshore est colossale, et Mossack Fonseca n’a pas seulement grandi avec elle, le cabinet en a même façonné les contours, et ce de différentes façons.

En concurrençant d’autres « agents de formation d’entreprises », Mossack Fonseca s’est battu pour décrocher des contrats avec des grandes banques et des cabinets d’avocats, briguant même parfois des gouvernements entiers. Avez-vous déjà entendu parler de l’île de Niue ? C’est un grain de sable dans le Pacifique qui a sollicité l’aide de Mossack Fonseca pour faire affluer sur l’île les revenus de sociétés écrans. La société « a écrit la législation du parlement niuéen, avant de l’ajouter à son catalogue et de le gérer depuis Panama », d’après le livre Global Shell Games: Experiments in Transnational Relations, Crime, and Terrorism. En 2005, l’île a décidé de fermer son industrie après avoir été la cible d’accusations de blanchiment d’argent. Mais Mossack Fonseca n’en est pas sorti perdant pour autant : le cabinet a pu enregistrer ses entités niuéennes sur les îles Samoa, comme le prouvent des documents internes.

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Ramon Fonseca
Crédits : ICIJ

Ainsi, des mesures de répression contre une juridiction opaque peuvent ouvrir de nouvelles frontières dans une autre… En 2000, la task force de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a intensifié ses efforts pour identifier les paradis fiscaux et les pays qui échouaient à combattre le blanchiment d’argent. Il en a découlé la mise sur liste noire de certaines juridictions, dont Mossack Fonseca offraient des services dans plusieurs d’entre elles. L’entreprise a donc cherché de nouvelles opportunités… aux États-Unis. « Ces listes noires ont été un revers pour l’industrie offshore dans son ensemble, et en particulier pour nous puisque les quatre juridictions dans lesquelles nous étions présents ont été blacklistées », dit la voix-off de la vidéo du 35e anniversaire de Mossack, postée sur YouTube en janvier 2013. « Pour contrebalancer cette situation, Mossack Fonseca s’est remonté les manches, et en seulement deux ans nous avons étendu notre offre à de nouvelles juridictions, comme les Seychelles, l’Uruguay, Hong Kong et le Nevada. » Pendant que la société étendait son pouvoir au sein du marché, elle a déployé des efforts colossaux pour cacher son activité aux yeux des autorités, à au moins une occasion.

En 2013, le rapport d’un procureur argentin a fait le lien entre des sociétés écrans incorporées dans le Nevada, impliquées dans un scandale de corruption, et Mossack Fonseca. Les documents issus de la fuite montrent que lorsque ces sociétés fictives sont devenues le sujet d’une bataille judiciaire dans le Nevada, les employés de Mossack Fonseca ont pris des mesures pour se débarrasser de documents papiers, et supprimer des fichiers informatiques ainsi que des registres d’appels téléphoniques dans son bureau de Las Vegas. Un de leurs employés a même fait le voyage de l’Amérique centrale jusqu’au Nevada pour récupérer des documents. « Lorsqu’Andrés est allé au Nevada, il a tout nettoyé et a ramené tous les documents au Panama », dit un email daté du 24 septembre 2014. Mossack Fonseca nie « catégoriquement » avoir caché ou détruit des documents dans sa déclaration à l’ICIJ : « Qu’il soit bien clair que cacher ou détruire de la documentation qui pourrait être utilisée dans une enquête ou une procédure en cours ne fait pas partie de la politique de notre entreprise. » Les informations divulguées contredisent également le témoignage sous serment de Jurgen Mossack, qui a dit au tribunal du district que sa société était séparée de « MF Nevada », son bureau de Las Vegas, et qu’il n’avait aucun contrôle dessus. Mossack Fonseca « n’a jamais eu de bureau ou d’établissement dans le Nevada », a témoigné Mossack en juillet 2015. Mais d’après l’enquête de l’ICIJ, des documents internes prouvent le contraire, indiquant que le siège de l’entreprise à Panama contrôlait le compte bancaire de MF Nevada, et que les cofondateurs de la société ainsi qu’un autre directeur de l’entreprise détenaient 100 % de MF Nevada. Plus récemment, en janvier, des procureurs au Brésil enquêtant sur le scandale de corruption qui a fait chavirer le pays, l’opération Lava Jato, ont accusé le cabinet Mossack Fonseca d’être « un gros blanchisseur d’argent ». Leur enquête se focalise sur des commissions versées aux politiciens en échange de leur implication dans des contrats publics surfacturés.

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L’Avenida Balboa, à Panama
Crédits : Mario Roberto Durán Ortiz

Les autorités brésiliennes disent avoir rassemblé des données préliminaires attestant du fait que plusieurs employés de Mossack Fonseca ont aidé des gens à dissimuler des gains mal acquis dans des entités offshore, en lien avec le scandale du blanchiment d’argent. Le cabinet nie avoir commis le moindre acte répréhensible dans cette affaire. Comme me l’a rappelé un soir Miguel Antonio Bernal, professeur de droit constitutionnel à l’université du Panama, le pouvoir des grands cabinets panaméens s’étend jusqu’aux plus hautes sphères du gouvernement. Pour cette raison, « peu de gens sont prêts à courir le moindre risque en abordant ces questions », dit Bernal, qui est lui-même un critique féroce du blanchiment d’argent et de la corruption au Panama. « Car il peut vous arriver des ennuis. » Ramon Fonseca, fait-il remarquer, « est un personnage très important dans le gouvernement… il est le plus important conseiller du président Varela. »

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C’est un jeudi après-midi de mars, et sept équipes de télévision de six pays différents se rassemblent dans un café de Panama qui vend des casquettes en plus des boissons. Leurs caméras en route, ils se déploient sur le parking, puis traversent une rue transversale bordée de petits bâtiments et d’arbres luxuriants, dépassant une boutique de mariage, une auberge de jeunesse, un restaurant, une autre boutique de mariage, et un stand d’artisanat. Ils arrivent ensuite devant un immeuble aux fenêtres de verre sombre, au pied duquel une pancarte affiche le nom d’une clinique dentaire occupant le rez-de-chaussée et, trois étages plus haut, les bureaux de Mossack Fonseca. Gerardo Reyes, reporter d’investigation pour Univision, qui a récemment couvert la capture d’El Chapo, s’approche du garde posté dans le vestibule, sous une entrée couverte. Je m’éloigne des équipes pour observer Reyes discuter avec le garde. La semaine précédente, l’ICIJ a envoyé à Mossack Fonseca une série de questions, et les équipes dépêchées sur place ont également demandé à obtenir des interviews pour ce matin. « Je veux savoir qui vous a dit qu’ils n’allaient pas nous rencontrer aujourd’hui », dit-il au garde en espagnol. « Qui donc ? Vous ne savez pas ? »

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Devant le siège de Mossack Fonseca
Crédits : EFE

Il abandonne et patiente. Motos et voitures filent sans discontinuer sur la deux voies étroite, à quelques mètres de là. Un agent de sécurité vêtu d’un treillis bleu, attendant sur le parking, parle  dans sa radio. Les gens qui entrent et sortent de la clinique dentaire se demandent ce qu’il se passait. Impossible de voir à l’intérieur du bâtiment : le verre sombre ne reflète que les immeubles alentours. Vingt minutes passent avant que nous ne commencions à obtenir des réponses. D’abord, une déclaration de trois pages sur du papier à en-tête Mossack Fonseca fait son apparition. Les équipes de journalistes commencent à la lire et à la faire circuler. Quelques minutes plus tard, del Toro interpelle Reyes : « Gerardo, quelqu’un vient. » Les équipes se pressent autour du vestibule, et un grand homme vêtu d’une chemise bleu clair apparaît pour s’adresser à nous. C’est Carlos Sousa, le directeur des relations publiques du cabinet conseil. Il semble calme, affable, et il parle brièvement. « Nous ne blanchissons pas d’argent, nous n’acceptons pas d’argent et nous ne prenons pas d’argent, c’est la seule chose que j’ai à vous dire », déclare Sousa. Puis il tourne les talons et disparaît derrière la façade opaque.

Le lendemain, Ramon Fonseca a demandé à être relevé de ses fonctions de conseiller du président, invoquant le besoin de défendre la réputation de son entreprise face aux accusations venues du Brésil. J’ai lu la nouvelle sur mon téléphone, à l’hôtel. « Nous n’étions que des agents d’enregistrement, il n’y a aucun mal à cela », a-t-il confié au journal La Estrella de Panama. Dans une déclaration vidéo postée sur YouTube, Fonseca raconte qu’il a demandé à être congédié « pour défendre mon honneur, ma société, et mon pays ».

« Les sociétés écrans sont des instruments très dangereux »

La semaine dernière, à l’autre bout du monde, un porte-parole du Kremlin a dit aux reporters que l’ICIJ préparait une attaque contre le président Poutine, d’après Bloomberg. Il a ajouté que la Russie disposait de « tout un arsenal de moyens légaux pour protéger l’honneur et la dignité de notre président, dans l’arène nationale comme internationale ». Le Kremlin n’a pas répondu aux questions de l’ICIJ à propos des holdings offshore des proches associés de Poutine, découverts dans les documents. Et tandis que je parlais la semaine dernière avec Nicolas Pereyra, l’un des avocats représentant les investisseurs ayant été floués par Swiss Group, il m’explique que peut-être qu’il y a eu par le passé des motifs légitimes à la création de sociétés écrans. Mais pas de nos jours, d’après lui. « Ce sont des instruments très dangereux », dit-il.


Traduit de l’anglais par Nicolas Prouillac et Arthur Scheuer d’après l’article « Dirty Little Secrets », paru dans Fusion. Couverture : Vue du centre d’affaires de Panama.