Journalisme à but non lucratif

Vous avez travaillé pour le New York Times pendant 18 ans et été responsable de la publication au Oregonian de Portland. Quelle différence pouvez-vous faire entre votre travail dans une structure de presse classique et votre travail à ProPublica ?

Je pense qu’il y a plusieurs différences. Entre ce que l’on pourrait appeler un média classique et ce modèle de média à but non lucratif, deux différences sont très importantes et me viennent immédiatement à l’esprit. La première, c’est que quand nous écrivons des articles ici, la chose à laquelle nous pensons le plus, ce n’est pas la partie business, ce n’est pas faire de l’argent, mais faire du journalisme d’action, qui peut montrer ce qui ne va pas, ce qui est cassé ou ce qui est problématique. C’est une manière très différente de penser à la manière de penser à des articles. La chose à laquelle vous pensez, quand vous commencez à écrire l’article, quand vous êtes au milieu de la réalisation et quand vous avez mis le point final, c’est comment rendre le tout suffisamment accessible et intéressant pour que les gens aient envie de lire et de changer les choses.

Rencontre autour du problème des dettes des étudiants.© Pro Publica / Bill Clark

Rencontre autour du problème des dettes des étudiants
Crédits : ProPublica / Bill Clark

Cela peut aussi être attirant d’un point de vue commercial, bien entendu, car une histoire qui donne envie aux gens de changer certaines choses est aussi une histoire que les gens aiment lire : la différence réside dans ce sur quoi on met l’accent. Notre but ici et notre manière de mesurer la réussite d’un article, ce n’est pas le nombre de clic que nous engrangeons, ou la somme d’argent que nous gagnons : c’est de savoir si l’histoire permet de changer la donne. L’autre chose très importante, c’est que dans les médias traditionnels, même si cela tend à être de moins en moins vrai, vous aviez une audience captive, garantie, chaque jour, qui lisait parce qu’elle n’avait pas vraiment le choix, vous n’aviez pas à travailler beaucoup pour la garder. Publier quelque choses se résumait à envoyer une histoire à un journal, qui envoyait une maquette à un imprimeur, qui vous livrait le journal et voilà, c’était terminé. Maintenant, dans un monde de publications numériques, entièrement sur internet, comme nous et d’autres, nous construisons une audience des heures, des jours, voire des semaines après la publication initiale de l’histoire. Nous travaillons également à d’autres manières de donner de la visibilité à nos articles : par la radio, la télévision ou Twitter. Construire une audience, lecteur après lecteur, c’est vraiment quelque chose de différent par rapport au simple acte de publier. Voilà les deux principales différences entre le travail que je faisais dans un journal classique et cet empire numérique.

Quelle est, pour vous, la définition exacte d’une organisation à but non lucratif ?

Vous savez, la loi aux États-Unis vous permet de faire des tas de choses, donc il semble évident que des organisations à but non lucratif aient des buts différents. Il n’y a pas qu’un but. Ce que vous ne pouvez pas faire en revanche, si vous êtes une organisation à but non lucratif, c’est prendre de l’argent des gens. Il faut savoir qu’aux États-Unis, quelqu’un qui fait un don à une entreprise comme la nôtre peut déduire un petit montant de ses impôts. C’est une sorte de petite subvention publique : quelqu’un qui nous donne cent dollars peut avoir quelque chose comme quinze euros en mois sur ses impôts. Pour cette raison, la loi nous interdit de prendre position : nous ne pouvons pas créer un lobby, nous n’avons pas d’édito qui dirait : « Voilà la solution de ProPublica pour tel ou tel problème. » Alors certaines organisations à but non lucratif se spécialisent, même dans les médias : l’une d’entre elles couvre uniquement la ville de San Diego, une autre ne traite que Minneapolis.

« Certains de nos articles n’ont un effet que sur une personne, d’autres sur des grands groupes de gens. »

Notre but, c’est d’essayer de proposer des histoires qui ont beaucoup de chance de changer les choses pour les Américains, mais pas exclusivement : nous avons proposé des articles sur des scandales qui prenaient leur source à l’international, nous avons enquêté sur des individus en particulier. Nous avons écrit par exemple sur une personne qui avait été mise en prison sans aucune raison, de manière injuste. Certains de nos articles n’ont un effet que sur une personne, d’autres sur des grands groupes de gens. Comme notre dossier sur les dangers du paracétamol, que nous avons publié l’année passée : des dizaines de milliers de personnes en prennent chaque jour. C’était notre engagement initial : qu’importe le nombre de gens qui sera concerné par nos enquêtes, nous publions des enquêtes avec une force morale, qui ont besoin d’être écrites. Le lieu où se déroule l’histoire n’est pas si important, les questions que nous nous posons sont les suivantes : est-ce que cela touche des gens ? Est-ce que ce que nous mettons en lumière pourra potentiellement changer les choses ? Voilà ce qui est important de déterminer avant que nous commencions à travailler sur une chose ou une autre.

Avant ProPublica, était-ce difficile de faire du journalisme d’investigation aux États-Unis ?

Je dirais que le problème n’est pas exactement celui que vous énoncez. Les États-Unis sont un pays disposant d’un environnement très favorable au journalisme. Nous avons dans notre Constitution elle-même un amendement qui garantit la liberté de la presse et nous donne la possibilité d’exister et l’opportunité de nous protéger. Évidemment, ce n’est pas toujours suffisant par rapport à ce que l’on attend : il y a eu des affaires dans lesquelles le gouvernement a essayé de faire taire des journalistes qui essayaient de sortir des informations secrètes. Mais de manière générale, le journalisme est très bien protégé par la loi. Le problème, ces cinq dernières années, a été un souci financier. Le travail que nous faisons coûte cher. Les médias du siècle précédent qui étaient très bénéficiaires pouvaient se permettre d’investir une partie de leurs bénéfices dans l’enquête. Quand ils sont devenus moins rentables, les journaux ont commencé à réduire le personnel dédié à l’enquête, à sacrifier ses budgets. Voilà le vide que nous essayons de remplir. Même si nous ne pourrons jamais tout couvrir, nous espérons pouvoir faire une petite différence en proposant encore et toujours ce travail coûteux. Et puis vous savez, les publications dans le monde traditionnel du journalisme vendent des encarts publicitaires à des compagnies puissantes et… les gens qui dirigent ces compagnies sont souvent ceux sur lesquels vous enquêtez. Le journalisme d’investigation est cher, difficile et dérange les gens qui veulent acheter des encarts publicitaires. Je pense que c’est pour toutes ces raisons qu’il y en a eu de moins en moins ces dernières années, et pourquoi nous essayons de prendre la place qui s’est libérée.

Parvenez-vous aujourd’hui à mener des investigations à l’étranger ? La plupart de vos sujets semblent avoir un lien avec les États-Unis.

C’est vrai, et nous essayons d’entretenir une relation avec notre audience américaine. Vous savez, on se passionne plus naturellement pour des choses auxquelles on peut se référer et notre lectorat s’intéresse plus à ce qui se passe aux États-Unis. Nous avons pourtant fait une grande enquête au Guatemala il y a deux ans, sur des tueries perpétrées par l’armée et le gouvernement dans les années 1980 : nous avons découvert que certains soldats qui avaient été au cœur de ces massacres atroces s’étaient expatriés aux États-Unis. Nous avons donc réussi à faire une connexion avec notre lectorat, mais l’histoire en elle-même était au sujet de ce qui s’était passé au Guatemala il y a trente ans. Sur une année, nous enquêtons une ou deux fois sur des sujets qui s’inscrivent dans des dynamiques à l’étranger, mais il est vrai que si c’est possible, si nous tombons sur des informations, nous essayons de creuser les liens qui pourraient impliquer les États-Unis, les décisions du gouvernement ou les entreprises américaines.

L’enquête politique

Vous devez connaître Mediapart…

J’ai rencontré Edwy Plenel oui, un homme très impressionnant.

Ils ont forcé un ministre à démissionner en rendant public des informations sur ses comptes en Suisse. Pensez-vous qu’une telle réussite pour des journalistes est possible aux États-Unis ?

Absolument ! Je crois que dans l’histoire du journalisme américain, l’un des plus grands accomplissements de ces cinquante dernières années est le Watergate. Des reporters ont fait tomber un président. Cela ne se produit pas tout le temps, mais il y a définitivement des enquêtes qui peuvent encore faire tomber des ministres. C’est possible, cela s’est produit et cela continuera de se produire.

Mais tout semble de plus en plus sécurisé… chez les industriels par exemple, pensez-vous qu’un journaliste puisse aujourd’hui trouver quelque chose de caché ?

Je pense que c’est aussi possible. J’espère que ce que l’on fait ici tous les jours le rendra possible, du moins. Vous avez des accès par les tribunaux, aux États-Unis, qui sont très ouverts. Quand des gens portent plainte, tous les éléments sont publics. Nous avons aussi une loi sur la liberté d’informer plutôt bien faite pour toutes les informations qui concernent le gouvernement.

« Chaque reporter a sa méthode et ses technique pour juger de ses sources. »

Nous pouvons donc parfois obtenir des documents officiels. C’est assez clair pour moi : les opportunités pour trouver de l’information existent et continueront d’exister. Après, les entreprises et le gouvernement sont de plus en plus intelligents et malins quand il s’agit de cacher des choses, mais nous sommes aussi bien meilleurs quand il s’agit de les découvrir ! (Rires.) La guerre continue !

Les sujets dont vous traitez exigent un fact-checking important. Que demandez-vous à vos journalistes de faire pour vérifier leurs informations ? Avez-vous un processus bien défini ?

C’est assez intéressant. Les gens qui viennent travailler à ProPublica ne sont pas forcément issus de la presse, mais ce que le monde de la presse pense – et c’est aussi mon avis –, c’est que le fact-checking est le travail du reporter et, à un certain niveau, du rédacteur en chef. Il y a des magazines, et de très bons magazines comme le New Yorker, qui ont un département fact-checking dans leur rédaction. Cela n’a rien de mauvais, mais je crois que la première défense contre une erreur vient de ceux qui connaissent le mieux l’histoire, des reporters. Mes reporters travaillent dur, de la même manière qu’un fact-checker d’un magazine : ils cherchent des confirmations auprès des gens qu’il a contacté pour son article, ils vérifient les citations, les lieux, les dates, les numéros. Nous essayons de prendre beaucoup de précautions. Chaque reporter a sa méthode et ses technique pour juger de tout cela : c’est quelque chose de personnel, mais on attend d’eux qu’ils soient sincèrement responsables de leur métier. Et cela fonctionne ! Je pense que nous avons, en six ans, été plutôt précis. Nos articles sont fondés sur des faits et c’est cela qui les légitime : c’est la première exigence d’une journalisme d’investigation. Savoir si les faits sont avérés.

Et comment travaillez-vous avec les journalistes qui publient chez vous ?

Les gens qui travaillent à ProPublica font souvent partie de nos équipes permanentes. Nous avons 23 reporters ici à plein temps. Ils travaillent avec, ce que j’espère, une grande liberté : je sais que quand vous faites de l’investigation, ce n’est pas rare de ne pas arriver à ses buts et cela peut être frustrant. Je veux qu’ils aient pourtant la liberté de travailler sur leurs sujets, même sans qu’il y ait une garantie de succès.

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Les armes en Amérique
Crédits : ProPublica

Je pense que c’est important que nos journalistes soient créatifs, qu’ils prennent des risques. Si vous cherchez à raconter une histoire et que vous savez d’avance que cela va marcher, ce ne sera probablement pas un grand article. Après, nous avons quelques journalistes extérieurs qui nous approchent, c’est vrai, mais ils sont peu. Nous ne travaillons que très peu avec des journalistes en-dehors de ProPublica.

À l’occasion de votre récente investigation pour Medicare, vous avez écrit un guide de lecture pour faire comprendre au lecteur comment vous avez analysé vos datas. Est-ce quelque chose que vous trouvez nécessaire pour que l’on comprenne le travail de journaliste ?

Je pense que c’est principalement quelque chose que l’on fait pour les journalistes mais aussi pour les gens qui sont sur le terrain, qui souhaitent trouver des preuves. Nous sommes très satisfaits quand des collègues suivent notre travail et en font quelque chose d’autre. Nous voulons leur donner tout ce qui est nécessaire : nos preuves, notre méthodologie. C’est un peu comme dans la recherche : vous devez montrer aux gens qui vous lisent comment vous avez fait ce que vous avez fait. La deuxième cible, ce serait les gens vraiment intéressés par un sujet – et c’est toute la beauté d’internet. Si vous êtes fascinés par notre histoire et que vous voulez tout savoir à son sujet, eh bien, nous mettons tout à votre disposition.

Vous proposez aussi des outils et des données pour les journalistes. Pensez-vous ProPublica comme un hub d’investigation, où des journalistes d’autres médias pourraient commencer à enquêter ?

Cela nous réjouirait oui ! Si quelqu’un d’une autre agence de presse démarrait son enquête avec nos informations, cela permettrait à notre travail de gagner en puissance. C’est une très bonne chose. Nous essayons de l’encourager, c’est ce que nous espérons. L’idée, pour nous, c’est d’essayer de changer les choses et si d’autres personnes écrivent le même genre d’articles et construisent de nouvelles choses sur les fondations que nous avons posées, c’est bien ! Cela augmente notre influence et l’impact de nos publications.

Trouvez-vous que le journalisme d’investigation a aujourd’hui trouvé sa place sur Internet ?

Je pense que c’est encore un début, mais une chose est claire : de plus en plus de gens, aujourd’hui, sont intéressés par ce qui se passe sur internet. Il y a cinq ans, il y avait une sorte de préjugé qui disait que sur internet, la meilleure des choses que l’on pouvait faire, c’était trouver une audience et accumuler des clics, par tous les moyens. Maintenant, on sait que l’on peut trouver autant de qualité que de quantité.

« Regardez mes collègues de Buzzfeed : ils ont commencé à faire du journalisme d’investigation. Il y a cinq ans, ils ne voulaient même pas en entendre parler. »

Regardez mes collègues de Buzzfeed : ils ont commencé à faire du journalisme d’investigation. Il y a cinq ans, ils ne voulaient même pas en entendre parler. C’est fantastique ! J’étais un peu triste qu’ils prennent quelqu’un de chez moi pour lancer cette rubrique, mais ce n’est pas grave, cela montre que les choses changent. Je pense que nous allons voir de plus en plus d’investigation sur internet. Et il y a une raison économique derrière tout cela aussi : les commerciaux tendent à penser aujourd’hui que plus le contenu éditorial est de qualité, plus ils peuvent facturer les agences de publicité pour leurs annonces.

Pensez-vous que ProPublica aurait pu être un média papier, ou est-ce un pur produit de l’ère numérique ?

Je pense que nous sommes très numériques. Si nous étions nés à l’âge de la presse papier, nous aurions dû produire un magazine ou un journal : les coûts auraient été trop importants. Je ne sais pas quelle est la situation en France, mais aux États-Unis, dans un journal papier, pour chaque dollar gagné, vous payez 85 cents pour des choses qui ne sont pas liées au journalisme. Les camions de livraison, le papier… toutes ces choses qui n’ont rien à voir avec éditer et écrire des articles. Je pense que c’est une très grosse différence. Si nous étions sur du papier, nous n’aurions pas besoin de 10 millions de dollars par an pour tourner, mais de 90 millions de dollars. Je ne peux pas imaginer comment nous nous en sortirions.

Vous travaillez en partenariat avec d’autres médias. Comment les choisissez-vous ?

Nous les choisissons pour l’impact qu’une co-publication pourrait avoir si elle était faite avec eux. Parfois, tout est question de définition de l’audience. Il y a aux États-Unis une publication spécialisée nommée The Chronicle of Higher Education, qui couvre toute l’actualité des universités : nous adorons travailler avec eux sur nos histoires qui ont pour sujet l’université ou l’enseignement supérieur de manière général. Ce n’est pas le site le plus fréquenté du monde, mais ils sont lus par des gens très influents. Nous avons aussi travaillé avec le Washington Post, le New York Times et la radio publique. Ils touchent une audience bien plus large et peut-être, plus influente. Cela varie. Je pense que l’idée, c’est de trouver des partenaires qui permettront à vos publications d’avoir un impact.

Écriture en Creative Commons

De manière plus générale, pensez-vous que le journalisme a changé ces dernières années ?

Je pense que certaines choses sont différentes, oui, d’autres n’ont pas changé. La manière dont nous faisons notre travail, dont nous parcourons l’actualité… je pense que c’est toujours la même chose. En revanche, la manière de publier et de toucher les gens, tout cela est très différent. Je pense que la logistique est différente mais que l’âme du journalisme est toujours la même.

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L’industrie du gaz, quelles régulations ?
Crédits : ProPublica

Nous entendons parfois dire que les lanceurs d’alerte sont des journalistes d’un nouveau genre. Ont-ils changé votre manière de travailler ?

Nous avons toujours eu des lanceurs d’alerte. Ils sont là depuis longtemps. Ce qui a changé, c’est qu’ils peuvent désormais fournir une quantité d’information très importante. Snowden, avant internet et l’ère du numérique, n’aurait pas pu déplacer autant de documents. Je pense que les potentialités ont changé, mais les lanceurs d’alerte ne pourront pas remplacer les journalistes. Les journalistes devront toujours parcourir les informations des lanceurs d’alerte, les éditer, les interpréter et vérifier qu’elles sont bien réelles. Les lanceurs d’alerte sont souvent dans le vrai, mais il faut toujours que quelqu’un d’extérieur, qui n’aurait aucun intérêt personnel, regarde les documents. C’est important. Mais je suis très heureux que les lanceurs d’alerte soient toujours là ; ils devraient d’ailleurs tous venir chez ProPublica ! (Rires.)

Et du côté du business model ? Est-ce que la philanthropie est une garantie d’indépendance pour la presse d’investigation ?

Il y a deux choses. D’abord, quoi qu’il arrive, il y a toujours, potentiellement, un problème. Si quelqu’un vous donne une grosse somme d’argent pour de la publicité, cela peut être un problème potentiel, n’est-ce pas ? Si quelqu’un vous donne beaucoup d’argent par philanthropie, cela peut aussi être un problème. Je pense que c’est à l’organisation qui reçoit cet argent de dresser des pares-feu qui la protègent des problèmes.

« Le Creative Commons nous offre tout ce dont nous désirons : un moyen simple de partager nos articles et d’autoriser leur republication. »

C’est là qu’il faut commencer. Par exemple, nous avons une règle à Propublica : nous ne disons jamais à notre conseil de direction par avance ce sur quoi nous travaillons. C’était la première décision que nous avons prise en accord avec les dirigeants quand nous avons lancé ProPublica en 2008. Ensuite, je pense qu’il y aura toujours un danger, que l’organisation soit à but lucratif ou non lucratif : il faut toujours se méfier de l’influence que peut avoir l’argent. Il faut être prudent avec les gens qui paient les factures du journalisme.

Il y a une section « volez nos articles » sur ProPublica, qui détaille vos conditions de reproduction des articles, sous Creative Commons. Pensez-vous que cette forme de licence correspond au journalisme moderne ?

Cela dépend de votre modèle ! Nous, nous voulons changer les choses. Dès lors, nous facilitons la tâche aux gens qui veulent utiliser nos histoires. C’est une bonne chose. Maintenant, nous tenons à ce que si d’autres personnes utilisent notre travail, ils l’utilisent dans son intégralité. Ce qui n’est pas permis, c’est de réécrire le contenu ou de le rééditer en le raccourcissant. Nous faisons très attention à ce que nous faisons et nous ne voulons pas avoir des problèmes parce que des personnes qui ne travaillent pas ici auraient réécrit ou retravaillé certains de nos articles. Le Creative Commons nous offre tout ce dont nous désirons : un moyen simple de partager nos articles et d’autoriser leur republication et une protection – l’assurance qu’ils ne seront pas modifiés ou transformés en quelque chose que nous n’approuvons pas. Bien sûr, cela fonctionne pour nous, mais si vous essayez de faire de l’argent avec votre contenu, cela serait un très gros problème !


Couverture : Sebastian Rotella, reporter à ProPublica, reçoit l’Urbino Press Award à l’Ambassade d’Italie.