Pour endurer les conditions extrêmes dans lesquelles ils travaillent en Antarctique, les scientifiques développent un « syndrome d’hivernage », aussi connu sous le nom d’ « hibernation psychologique ». Ces états mentaux surviennent lorsqu’un confinement est observé sur le long terme, comme lorsque les astronautes voyagent dans l’espace. « Il s’agit d’un mécanisme de protection contre le stress chronique qui est assez logique. Si les conditions sont incontrôlables, mais que vous savez qu’à un moment, dans le futur, les choses vont s’améliorer, vous pouvez choisir de réduire vos efforts d’adaptation, pour préserver votre énergie », analyse Nathan Smith, l’un des auteurs de l’université de Manchester à l’origine de l’étude publiée le 4 décembre 2018.

Pour observer les manifestations d’un tel syndrome, l’équipe s’est intéressé à l’état mental des membres de la station Concordia, français et italiens. Leur sommeil a été contrôlé, ainsi que leur santé émotionnelle et leurs stratégies d’adaptation aux conditions extrêmes. Ce que les chercheurs ont alors observé, c’est que la qualité de leur sommeil et de leur état émotionnel se dégradait lorsque l’hiver forçait les scientifiques à rester enfermés. Mais ce qui a surpris Nathan Smith, c’est de constater que les chercheurs vivant en Antarctique réduisaient aussi leurs capacités à mettre en place des stratégies d’adaptation actives, se laissant doucement aller à une passivité psychologique inconsciente.

Cette passivité et cette inertie face au stress chronique et au confinement aboutit à une forme « d’indifférence générale et de platitude émotionnelle » qui est finalement bénéfique, puisqu’elle aide les chercheurs à passer l’hiver. Nathan Smith compare ce conditionnement à une « fugue psychologique modérée », caractérisée par « un état de conscience altéré, ou une absence totale d’esprit, une “dérive” de l’esprit, une perte d’attention et une détérioration de la conscience de la situation ». Un phénomène qui par chance est réversible, puisque l’état mental des scientifiques français et italiens s’est amélioré dès les premiers beaux jours d’été.

Sources : Science Alert / University of Manchester