Ce dimanche matin, de petites files ont commencé à s’allonger devant les bureaux de vote. Alors que six présidents de régions (Xavier Bertrand, Carole Delga, Renaud Muselier, Gilles Simeoni, Hervé Morin et Valérie Pécresse) et de nombreux élus appelaient hier à un report des élections municipales, le gouvernement a confirmé la tenue du scrutin. Contre l’avis de nombreux responsables, il a donc considéré que l’isoloir ne faisait pas partie des « lieux publics non indispensables » appelés à fermer samedi soir.

« Le président a pris sa décision jeudi après avoir consulté l’ensemble des responsables politiques et après avoir eu l’assurance, par le comité scientifique, que ce scrutin pouvait se dérouler sans risques pour les Français », indiquait l’Elysée hier. « Protéger les Français et maintenir l’unité du pays ont été les deux principes qui ont guidé son action. » Le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner a même affirmé que « voter est sans danger. »

Mais s’il n’existait aucune menace, le gouvernement aurait-il envoyé une circulaire aux maires, détaillant les mesures de précaution à prendre pour éviter la diffusion du coronavirus (Covid-19) ? Dans ce document rendu public dès le mardi 10 mars, le ministère de l’Intérieur demande aux élus d’éviter « les situations de promiscuité prolongée » dans les bureaux de vote. À cet effet, le parcours doit être jalonné de manière à laisser un mètre entre chaque électeur. « Chaque bureau devra prévoir un point d’eau afin de se laver les mains a proximité ou, à défaut, mettre à disposition du gel hydro-alcoolique. »

Les machines à voter doivent aussi être nettoyées toutes les 30 minutes et tout contact avec les rideaux est à écarter. Si les citoyens sont appelés à amener leur propre stylo, Place Baeuvau estime néanmoins que « le port de gants chirurgicaux n’est pas de nature à limiter la propagation du Covid-19 ». Et il faut savoir que ceux qui refuseraient de se laver les mains ne peuvent pas être exclus du vote.

Ce dimanche matin, les solutions hydro-alcooliques sont rares, le marquage au sol imparfait et des files se forment à certains bureaux. Pour 17 médecins qui ont envoyé une lettre à Emmanuel Macron, « le contrôle des distances entre les personnes est complexe à mettre en œuvre […] L’observance de l’hygiène des mains par les votants et membres du bureau de vote, paraît illusoire. La désinfection systématique des surfaces, bien que secondaire dans le mode de transmission du virus, est impossible. »

Alors, voter est-il réellement « sans danger », comme le soutient Castaner ? Pour justifier le maintien du scrutin, « les pouvoirs publics font valoir qu’ils ne font que se fier aux avis des experts », rappelle Le Monde de dimanche matin. « Problème : ces avis demeurent confidentiels. Personne ou presque ne sait sur quoi ils reposent. » Au Royaume-Uni, où les cas de coronavirus déclarés sont pour le moment quatre fois moins nombreux, le gouvernement a décidé de reporter les élections locales du 7 mai à l’année prochaine. « Il est normal que le gouvernement mette la priorité sur la santé publique et décale les élections », a jugé le maire de Londres, Sadik Khan.

En France, si de nombreux électeurs restaient chez eux, ils n’annuleraient pas le scrutin pour autant. Dans la constitution de la Ve République, aucun taux de participation n’est requis.

Couverture : @TReveuse