En 2015, la NASA lançait son concours 3D-Printed Habitat Challenge, mettant au défi les cabinets d’architectes terriens de construire les maisons martiennes de demain. Le but ? Conceptualiser des habitations agréables à vivre pour des humains en mission sur Mars, avant de les construire à l’aide d’imprimantes 3D. C’est finalement le cabinet d’architectes spécialisé dans le design spatial SEArch+ qui remporte les différentes phases du concours, notamment grâce à leur MARS X-HOUSE, construite de manière autonome.

Melodie Yashar, l’une des architectes ayant travaillé à la conception de ces maisons, imagine déjà à quoi ressemblera la vie sur Mars. Construites grâce aux ressources indigènes et pensées pour protéger les humains des radiations, elles connecteront l’équipage à la lumière naturelle et offriront une vue imprenable sur le paysage martien, puisqu’elles ont l’avantage d’être conçues pour éclore à la surface de Mars. D’après Melodie Yashar, les premières colonies humaines devraient peupler la planète rouge d’ici vingt ans. Elle offre ici une visite explicative de ces maisons, dans lesquelles les astronautes vivront peut-être dès 2050.

Comment tout a commencé ?

Nous avons commencé à travailler sur le 3D-Printed Habitat Challenge de la NASA en 2015, pour la phase 1 du concours, que nous avons remportée grâce à notre Ice House, exclusivement construite en eau glacée. L’agence spatiale a ensuite révisé les règles des phases suivantes, au profit de maisons en régolite entièrement imprimées en 3D, sans aucune implication humaine.



Le cœur de l’équipe SEArch+ est composé d’architectes, de designers industriels et de techniciens créatifs. Pour l’architecture spatiale, nous travaillons avec des experts en conception et ingénierie structurelles, analyse des radiations, utilisation in situ des ressources, science des matériaux, afin de concrétiser le concept de l’habitat sur Mars de la manière la plus crédible possible. Nous avons également effectué un immense travail de recherche et d’analyse, pour nous assurer que nous répondions aux exigences à la fois structurelles, et liées aux radiations. Lorsque nous manquions d’informations ou de temps, nous utilisions notre bon sens !

À quoi ressemble l’intérieur de vos maisons martiennes ?

Les maisons imprimées en 3D à partir de ciment de régolite et de polyéthylène haute densité sont organisées de manière verticale, sur cinq étages, et peuvent accueillir jusqu’à quatre astronautes. Le rez-de-chaussée vous fait pénétrer dans la partie laboratoire, attenante aux bureaux. Le premier étage est constitué de pièces réservées à l’hygiène, c’est-à-dire les toilettes et les douches, mais aussi aux systèmes mécaniques qui permettent le contrôle de l’environnement, et tout ce qui permet aux humains de survivre : les systèmes de gestion de l’air, des déchets, de l’oxygène, de la température et de l’eau.

Viennent ensuite les chambres de l’équipe, chaque membre ayant son propre espace pour dormir, se reposer et travailler. Enfin, le dernier étage abrite un dressing et des espaces communs, avec une cuisine et des endroits dédiés à la communication et aux loisirs. Il était très important pour nous de construire des maisons qui ne soient pas souterraines. Nous avons placé le facteur humain au centre de notre projet, et nous avons pensé qu’un voyage de huit mois sur la planète rouge méritait un habitat digne de ce nom, qui symbolise la gloire d’une mission aussi pionnière.

Crédits : SEArch+

L’une des valeurs ajoutées de notre design, c’est que les astronautes ont accès à la lumière naturelle. Nous nous sommes aussi assurés que leur motivation soit stimulée en permanence, en leur permettant de maintenir une connexion constante avec le paysage alentour.

Pour le développement d’une colonie ou d’un village martien, il est important d’avoir des structures en surface. Il existe une certaine majesté et un sentiment d’honneur dans le fait d’imaginer une première installation à la surface de Mars. C’est un symbole fort pour l’humanité, d’atteindre une nouvelle planète pour y créer le premier camp. D’autres projets d’architectes proposaient de créer des connexions entre les maisons, afin de ne pas avoir besoin de recourir aux sorties extra-véhiculaires (EVA), lors desquelles il faut toujours être vêtu d’une combinaison spatiale. Mais pour le bien de notre projet, et parce que nous avons imaginé une structure réellement pionnière, nous n’avons pas souhaité opter pour cette option.

Le régolite martien n’est-il pas toxique pour l’homme ?

Le régolite est, en résumé, le sol martien, et il va falloir des robots prospecteurs et des études pour confirmer que les propriétés de ce matériel sont les plus appropriées pour les structures compressées créées par les impressions 3D. Tout comme les robots qui opèrent aujourd’hui-même sur Mars, ils testeront et prélèveront des échantillons pour valider son usage. Maximiser son utilisation pour la construction d’habitations extraterrestres est le moyen pour nous d’utiliser le plus possible les matériaux indigènes, présents à la surface de la planète rouge. Cela signifie que l’on minimise la masse de charge en matériaux et sous-systèmes provenant de la Terre, et donc le coût du transport.

Il existe cependant effectivement de grandes chances pour que le régolite soit toxique pour les humains, et il faudra faire un énorme travail de recherche pour voir s’il peut être mortel s’il n’est pas traité, ou si nous n’en sommes pas protégés. Une grande partie de notre mission a donc été de nous assurer que les habitants de nos maisons ne soient pas en contact direct avec ce matériel, et c’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons introduit du polyéthylène de haute densité à l’intérieur des maisons.

La coquille externe en régolite est renforcée avec de la fibre de basalte continue, afin de créer une barrière hautement durable et protectrice pour l’habitat. Une couche interne en polyéthylène haute densité est imprimée en 3D, pour protéger l’équipage des perchlorates toxiques contenus dans le régolite. Il s’agit d’un matériau extrêmement efficace, qui sert de bouclier contre les radiations, plus puissant que le régolite et les structures en aluminium, car il est riche en hydrogène.

Nous pensons également que le polyéthylène constituera un matériau facile à fabriquer, qui pourrait être traité directement à la surface de Mars par la production de méthane, qui sera essentiel pour les voyages aller-retour des astronautes. Nous devons déterminer par quel procédé nous pouvons créer du polyéthylène lors de la production du méthane, car nous savons que cela va être un enjeu crucial sur le long terme pour les infrastructures martiennes. Cela permettra aussi à nos équipes sur place de produire leur propre carburant pour fusées, afin de faciliter leur voyage retour sur Terre.

La vie sur Mars pourra-t-elle être semblable à la vie sur Terre ?

Sur le long terme, le but d’une colonie martienne est qu’elle ressemble le plus possible à la vie sur Terre, et qu’elle soit le plus habitable et confortable possible. Les premières colonies, qui devraient être construites dans les vingt prochaines années, auront bien sûr des ressources limitées et seront, je l’espère, concentrées sur des projets scientifiques. Le but premier d’une installation sur Mars sera en effet de développer nos connaissances sur la géologie locale, sur la présence de la vie à la surface de Mars, et surtout sur les origines de la vie au sein de l’univers.

Le but sera donc avant tout de rapporter du savoir, afin d’améliorer notre connaissance du système solaire, d’une façon que les rovers ne maîtrisent pas. Au-delà de ça, je pense que le tourisme spatial et la commercialisation de l’industrie spatiale sont des éléments inévitables de notre avenir. Cela fait intégralement partie de la manière dont les gens perçoivent le futur de l’exploration spatiale, et c’est la raison principale pour laquelle ils s’y intéressent autant. Il est donc certain que les infrastructures touristiques et de loisir feront partie de notre futur sur Mars.

Nous voulons travailler de la manière la plus prédictible possible, et c’est pour cela que nous nous concentrons aujourd’hui sur la colonisation de la Lune et de Mars. Nous jouons sans arrêt sur l’équilibre entre nos spéculations et nos projets en matière d’exploration spatiale, et ce qui est véritablement développé en terme de technologie aujourd’hui. Mais si l’on regarde les choses à très long terme, on peut aussi imaginer miner des matériaux sur d’autres planètes, et les rapporter sur Terre. Cela représente une opportunité très intéressante pour concevoir un habitat extraterrestre en plus de Mars et de la Lune.


Couverture : L’habitat martien conçu par la Team SEArch+.