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Type Toll

Lorsqu’il étudiait pour devenir immunologiste, Medzhitov a découvert la théorie des vers. Mais il y a dix ans, il a commencé à avoir des doutes. « J’avais le sentiment que ça n’avait aucun sens », dit-il. Medzhitov a alors commencé à réfléchir à sa propre théorie.

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Une photo d’époque de l’université nationale d’Ouzbékistan
Crédits : DR

Réfléchir représente une grande partie du travail scientifique de Medzhitov. Il tient ça de ses années de formation dans l’Union soviétique des années 1980 et 1990. À l’époque, les universités disposaient de peu de moyens et leur intérêt n’était pas de former de bons scientifiques. Pour obtenir son diplôme, Medzhitov est allé à l’université nationale d’Ouzbékistan. Chaque automne, les professeurs envoyaient les étudiants dans les champs de coton pour aider à la récolte. Ils travaillaient tous les jours de l’aube au coucher du soleil. « C’était affreux », se souvient-il aujourd’hui. « Et si vous ne le faites pas, vous êtes renvoyé. » Il se rappelle s’être fait sévèrement réprimander par le directeur du département pour avoir fait passer en douce des manuels de biochimie dans les champs.

Les choses ne se sont pas arrangées. Medzhitov est arrivé à l’université d’État de Moscou alors que le régime soviétique était en train de s’effondrer. L’université n’avait pas un sou et Medzhitov n’avait pas l’équipement nécessaire pour faire des expériences. « En gros, je passais tout mon temps à lire et à penser », dit-il. Il réfléchissait principalement à la façon dont nos corps appréhendent le monde extérieur. Nous sommes capables de percevoir le mouvement des photons avec nos yeux et les vibrations de l’air avec nos oreilles. Pour Medzhitov, le système immunitaire était un autre système de reconnaissance des mouvements, capable de détecter les signatures moléculaires plutôt que la lumière ou le son. Tandis qu’il cherchait des articles sur le sujet, il est tombé sur un essai de 1989 écrit par Charles Janeway, immunologiste à l’université Yale, intitulé « Appréhender l’asymptote : évolution et révolution de l’immunologie ». Medzhitov était si intrigué qu’il a investi plusieurs mois de sa maigre pension pour acheter un exemplaire papier de l’article. Mais cela valait le coup, car les théories de Janeway ont changé sa vie.

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Charles Janeway
Crédits : Yale School of Medicine

Janeway soutenait que les anticorps présentent un inconvénient majeur : il faut des jours au système immunitaire pour développer un anticorps efficace contre un nouvel intrus. Il émettait l’hypothèse que le système immunitaire devait avoir une autre façon de se défendre pour agir plus rapidement. Peut-être utilisait-il des détecteurs pour repérer les bactéries et les virus et répondre immédiatement à la menace. Medzhitov en était arrivé à la même conclusion. Il a envoyé un mail à Janeway. Ce dernier lui a répondu et leur correspondance a conduit Medzhitov à s’envoler pour New Haven, dans le Connecticut, en 1994. Là-bas, il est devenu chercheur postdoctoral au sein du laboratoire de Janeway – qui est mort en 2003. « Il parlait à peine anglais et n’avait pratiquement aucune expérience en labo », se souvient Derek Sant’Angelo, qui travaillait à l’époque au laboratoire.

Sant’Angelo enseigne aujourd’hui à l’école de médecine Robert Wood Johnson, dans le New Jersey. Il se rappelle qu’une nuit, Medzhitov se tenait debout devant sa paillasse de laboratoire. Dans une main, Medzhitov tenait une pipette mécanique, dans l’autre, un tube de bactéries. Medzhitov devait utiliser la pipette pour prendre quelques gouttes de la bactérie contenue dans le tube et les déposer sur la lamelle devant lui. « Il allait lentement de la pipette à la lamelle, et de la lamelle au tube », raconte Sant’Angelo. « Il savait théoriquement qu’on utilisait la pipette pour déposer la bactérie sur la lamelle, mais il n’avait aucune idée de la façon dont il fallait s’y prendre. » Medzhitov s’étonne encore que Janeway ait accepté de travailler avec lui. « Je crois que la seule raison pour laquelle il m’a accepté au sein de son laboratoire, c’est que personne d’autre ne voulait s’atteler à son idée », dit-il. Avec l’aide de Sant’Angelo et d’autres membres du laboratoire, Medzhitov a tout appris très rapidement. Lui et Janeway n’ont pas tardé à découvrir une nouvelle catégorie de récepteurs à la surface d’un certain type de cellules immunitaires. Face à l’intrus, ces récepteurs s’arrimaient à lui et déclenchaient une alarme chimique incitant les autres cellules immunitaires à ratisser la zone à la recherche d’agents pathogènes à détruire. Un moyen rapide et précis de détruire les bactéries indésirables, en somme.

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Un récepteur de type Toll

La découverte de ces récepteurs, appelés récepteurs de type Toll, a révélé une nouvelle dimension de nos défenses immunitaires et a été reconnue comme un principe fondateur de l’immunologie. Elle a aussi aidé à résoudre un mystère médical. Les infections produisent quelquefois une inflammation généralisée de l’organisme appelée sepsis. Le sepsis frappe chaque année près d’un million de personnes rien qu’aux États-Unis et près de la moitié ne s’en sortent pas.

Pendant des années, les scientifiques pensaient qu’une toxine bactériologique devait être la cause de ce dysfonctionnement du système immunitaire. Mais en réalité, le sepsis est simplement la réaction excessive d’une de nos défenses immunitaires naturelles contre les bactéries. Au lieu d’agir localement, le système immunitaire répond accidentellement dans la totalité du corps. « Lors d’un choc septique, ces mécanismes s’enclenchent de manière beaucoup forte plus que nécessaire », dit Medzhitov. « C’est ce qui provoque la mort. » Medzhitov ne s’intéresse pas à la science dans le but de soigner les gens, ce sont les questions sur la nature même du système immunitaire qui l’intéressent. Mais il affirme néanmoins qu’on ne trouvera jamais de remèdes efficaces si les chercheurs n’ont pas les bonnes réponses à ces questions. Ce n’est que depuis que les scientifiques comprennent clairement les mécanismes biologiques du sepsis qu’ils développent des traitements appropriés pour lutter contre l’origine de cette pathologie : la réaction excessive des récepteurs de type Toll. (Des tests sont actuellement en cours et les résultats sont prometteurs.) « Il y a trente ans on pensait que la cause d’un choc septique devait être terrible, quelle quelle soit. Aujourd’hui, on sait que ce n’est pas le cas », dit Medzhitov.

Le système d’alarme

Après que Janeway et lui ont découvert les récepteurs de type Toll, Medzhitov a continué à réfléchir. Si le système immunitaire était doté de détecteurs spéciaux pour les bactéries et les autres intrus, peut-être en avait-il également pour des ennemis différents. C’est à ce moment qu’il a commencé à songer aux vers parasites, aux IgE et aux allergies. Et plus il y pensait, moins cela avait de sens. C’est vrai, le système immunitaire produit des IgE lorsqu’il détecte les vers parasites. Mais certaines études suggèrent qu’ils ne sont pas essentiels à la lutte contre ces intrus. Des scientifiques ont par exemple conçu des souris incapables d’en produire et ils ont découvert que l’animal n’en était pas moins capable de se défendre contre les vers. Quant à l’idée selon laquelle les allergènes imitent les protéines des parasites, elle laisse Medzhitov sceptique. Nombre d’allergènes, comme le nickel ou la pénicilline, ne trouvent pas d’équivalent dans la biologie moléculaire d’un parasite.

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Ruslan Medzhitov à Yale
Crédits : Christopher Capozziello

Plus Medzhitov pensait aux allergènes, moins leur structure lui semblait importante. Il s’est dit que peut-être que ce qui liait les allergènes entre eux n’était pas leur forme, mais leur faction. Nous savons que les allergènes font des dégâts. Ils déchirent des cellules, irritent des membranes et découpent les protéines en lambeaux. Medzhitov en a conclu que les allergènes font peut-être tellement de mal que notre organisme a besoin de se défendre contre eux. « Si vous songez à tous les symptômes majeurs des réactions allergiques – écoulements nasaux, larmes, éternuements, toux, démangeaisons, vomissements et diarrhées –, ils ont tous une chose en commun », dit Medzhitov. « Ils ne cherchent qu’à expulser. » Tout d’un coup, il voyait différemment le calvaire des allergies. Elles n’étaient plus le fait d’un détraquement du corps, elles étaient sa stratégie pour se débarrasser des allergènes. Alors que Medzhitov explorait cette possibilité, il a découvert que l’idée avait été émise à différents moments par le passé, pour finalement retomber dans l’oubli.

En 1991, notamment, la biologiste évolutionnaire Margie Profet affirmait que les allergies combattaient les toxines. Les immunologistes ont rejeté en bloc son idée – peut-être parce que Profet était anticonformiste –, mais Medzhitov l’a trouvée pour sa part extrêmement utile. « C’était libérateur », dit-il. Avec deux de ses étudiants, Noah Palm et Rachel Rosenstein, Medzhitov a publié sa théorie dans Nature en 2012. Puis il a commencé les tests. Tout d’abord, il a cherché à faire le lien entre les dégâts causés par les allergènes et les allergies. Lui et ses collègues ont injecté à des souris du PLA2, un allergène trouvé dans le venin des abeilles qui déchire les membranes des cellules. Comme Medzhitov l’avait prédit, les systèmes immunitaires des animaux n’ont pas répondu au PLA2 lui-même. Ce n’est que lorsque le PLA2 a commencé à déchirer certaines cellules que leur système immunitaire a produit en masse des anticorps IgE.

Quand on les voit comme un système d’alarme, les allergies prennent tout leur sens au sein de l’évolution.

Parmi ses autres prédictions, la théorie de Medzhitov prévoyait que ces anticorps protégeraient les souris plutôt que de simplement les rendre malades. Medzhitov et ses collègues ont alors injecté une seconde dose de PLA2, beaucoup plus importante. Si les souris n’avaient pas été précédemment exposés au PLA2, il faisait chuter la température de leur corps, parfois fatalement. Mais celles qui avaient reçu une première injection ont développé une réaction allergique qui, pour des raisons encore inexpliquées, ont amoindri l’impact du PLA2. Medzhitov ne le savait pas, mais à l’autre bout du pays, un autre scientifique conduisait au même moment une expérience qui ne ferait que renforcer sa théorie. Stephen Galli, directeur du département de pathologie de l’école de médecine de l’université de Stanford, a passé des années à étudier les mastocytes, ces cellules immunitaires énigmatiques qui peuvent tuer un individu au cours des réactions allergiques. Il avait l’intuition que les mastocytes pouvaient en réalité aider le corps à se défendre.

En 2006, Galli et ses collègues ont découvert que les mastocytes détruisaient une toxine trouvée dans le venin de vipère. Cette découverte a conduit Galli à se demander, comme Medzhitov, si les allergies pouvaient jouer un rôle protecteur dans notre organisme. Pour en avoir le cœur net, Galli et ses collègues ont injecté l’équivalent d’une à deux piqûres d’abeille à des souris, déclenchant une réaction allergique. Après quoi ils ont injecté une dose potentiellement létale aux mêmes animaux, pour voir si l’allergie augmentait les chances de survie de l’animal. L’expérience a été un succès. Et lorsque l’équipe de Galli a injecté des anticorps IgE à des souris qui n’avaient jamais été exposées au venin, elles ont également survécu à des doses potentiellement mortelles. Medzhitov a été ravi de découvrir l’article de Galli dans le même numéro de la revue scientifique Immunity où été publié le sien. « Il était rassurant de voir quelqu’un arriver aux mêmes résultats en utilisant un modèle différent », dit Medzhitov.

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Vision artistique de l’immunoglobuline E (IgE)
Crédits : WiseGeek

Malgré cela, leurs expériences laissaient beaucoup de questions en suspens. Comment les dégâts causés par une piqûre d’abeille ont-ils donné lieu précisément à une réponse IgE ? Et comment les anticorps ont-ils protégé les souris ? C’est le genre de questions que se pose actuellement l’équipe de Medzhitov. Il m’a montré certaines de ses expériences lorsque je lui ai rendu visite le mois dernier.

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Nous nous faufilons derrière un gros congélateur encombrant le couloir pour nous glisser dans la  pièce où Jaime Cullen passe le plus clair de son temps. La chercheuse associée du laboratoire place une flasque remplie de sirop rose sous un microscope et m’invite à regarder. Je peux voir une flottille d’objets qui ont la forme d’un melon. « Ce sont ces cellules qui causent tous les problèmes », dit Medzhitov. Les mastocytes, les principaux responsables des réactions allergiques. Cullen étudie la façon dont les anticorps IgE se fixent aux mastocytes et les rendent sensibles – et dans certains cas, hypersensibles – aux allergènes. Medzhitov prédit que ces expériences montreront que la détection des allergènes fonctionne comme le système d’alarme d’une maison. « On peut détecter la présence d’un cambrioleur sans voir son visage, juste en repérant une fenêtre brisée », dit-il. Les dégâts causés par un allergène alertent le système immunitaire, qui rassemble toutes les molécules des alentours et lâche sur elles des anticorps. Maintenant que le criminel a été identifié, il sera plus facilement appréhendé la prochaine fois qu’il tente d’entrer sans y être invité.

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L’école de médecine de Yale
Crédits : Yale School of Medicine

Quand on les voit comme un système d’alarme, les allergies prennent tout leur sens au sein de l’évolution pour Medzhitov. Les agents chimiques toxiques, qu’ils proviennent de plantes ou d’animaux venimeux, sont depuis longtemps une menace pour la santé des êtres humains. Les allergies auraient ainsi protégé nos ancêtres en repoussant ces toxines chimiques. Et l’inconfort que nos ancêtres ressentaient en étant exposés à certains allergènes les ont peut-être conduit à se déplacer vers des zones moins exposées de leur environnement. Et comme nombre de nos facultés d’adaptation, les allergies ne sont pas parfaites. Elles ont amoindri nos chances de mourir à cause des toxines, mais elles n’ont pas éliminé le risque. Parfois, le système immunitaire réagit dans des proportions dangereuses, comme Richet et Protier l’ont découvert quand la seconde dose d’allergène d’anémone a tué les chiens sur lesquels ils conduisaient leurs expériences. Et le système immunitaire peut quelquefois s’en prendre à un spectateur moléculaire inoffensif en réponse à un signal d’alarme. Mais globalement, Medzhitov affirme que les bénéfices des allergies l’emportent largement sur leurs inconvénients. Il ajoute que cet équilibre a basculé avec l’essor de notre mode de vie moderne. En créant de nombreux produits chimiques synthétiques, nous nous sommes exposés à un plus vaste panel de composants qui sont potentiellement dangereux pour notre santé et susceptibles de déclencher une réaction allergique. Tandis que nos ancêtres pouvaient échapper aux allergènes en se déplaçant de l’autre côté de la forêt, nous ne pouvons pas nous y soustraire si aisément. « Dans notre cas, il faudrait qu’on évite notre environnement intérieur », dit Medzhitov. 169-istock-000008978239xsmallLes scientifiques prennent cette théorie très au sérieux. « Ruslan est un des immunologistes les plus reconnus du monde », dit Galli. « S’il pense qu’une idée est la bonne, cela a beaucoup d’influence. » Dunne, d’un autre côté, se montre sceptique vis-à-vis de la théorie de Medzhitov. Selon lui, il sous-estime l’immense diversité des protéines que lui et ses pairs ont découvert à la surface des vers – des protéines qui pourraient être reproduites par un grand nombre d’allergènes du monde moderne. « Je parie davantage sur la théorie des vers », dit-il.

Allergies

Au cours des prochaines années, Medzhitov espère convaincre les sceptiques avec une nouvelle expérience. Cela ne mettra probablement pas fin au débat, mais des résultats positifs amèneraient davantage de gens à penser comme lui. Et cela conduira peut-être à une révolution dans la façon dont nous traitons les allergies. Sur la paillasse de Cullen est posée une boîte en plastique dans laquelle se trouvent deux souris. Le sous-sol du bâtiment compte des dizaines de boîtes comme celle-ci. Certaines souris sont ordinaires, mais d’autres ne le sont pas : en usant des techniques du génie génétique, l’équipe de Medzhitov a retiré aux animaux la capacité de produire des IgE. Ils ne peuvent pas avoir d’allergies. Medzhitov et Cullen vont observer ces souris sans allergies durant les deux prochaines années. Elles seront épargnées par le rhume des foins causé par le pollen qui va inévitablement dériver jusque dans leur boîte avec les courants d’air. Mais Medzhitov prédit qu’elle ne s’en trouveront que plus mal. Incapables de combattre le pollen et les autres allergènes, elles laisseront ces molécules toxiques traverser leur organisme, causant des dommages à leurs organes et à leurs tissus. ulyces-allergies-10 « Ça n’a jamais été fait auparavant, nous ne savons pas quelles seront les conséquences », dit Medzhitov. Si sa théorie est juste, l’expérience prouvera que les allergies constituent une barrière invisible. Mais même si l’expérience se déroule comme il l’a prédit, Medzhitov ne pense pas que ses idées sur les allergies s’imposeront aussi facilement que celles sur les récepteurs de type Toll. L’idée que les réactions allergiques sont mauvaises est profondément ancrée dans l’esprit des physiciens. « Il y aura plus d’inertie », dit-il. Mais comprendre le véritable but des allergies pourrait conduire à des changements radicaux dans la façon dont on les traite. « Ce qu’implique notre vision, c’est que toute tentative de bloquer complètement les défenses allergiques est une mauvaise idée », dit-il. Au lieu de quoi les allergologues feraient mieux de comprendre la raison pour laquelle seule une minorité de gens transforment une réaction protectrice en réaction hypersensible. « C’est la même chose avec la douleur », dit Medzhitov. « Ne pas ressentir de douleur peut s’avérer fatal, en ressentir de façon normale est une bonne chose, et trop souffrir est mauvais. » Pour le moment, cependant, Medzhitov se contenterait d’amener les gens à ne plus percevoir les allergies comme une maladie, malgré les désagréments qu’elles entraînent. « Vous éternuez pour vous protéger. Si vous n’aimez pas éternuer, tant pis ! » dit-il avec un léger haussement d’épaules. « L’évolution se moque pas mal de ce que vous en pensez. »


Traduit de l’anglais par Matthieu Gabanelle et Nicolas Prouillac d’après l’article « A controversial theory may explain the real reason humans have allergies », paru dans Mosaic. Couverture : Des grains de pollen.


LE SEUL CAS DANS LEQUEL VOTRE DOCTEUR VOUS PRESCRIRA DE LA MDMA

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Détournées de leur usage initial à des fins récréatives et illégales, une poignée de psychiatres tentent de ramener les drogues psychédéliques au cœur des thérapies.

I. La naissance du LSD

À 6 heures 30 ce jeudi 29 octobre 2009, quelqu’un a sonné à la porte de Friederike Meckel Fischer. Il y avait dix policiers à l’extérieur. Ils ont fouillé la maison, menotté Friederike – un petit bout de femme, la soixantaine – et son mari, avant de les placer en détention provisoire. Ils les ont photographiés, ont relevé leurs empreintes et les ont installés dans des cellules séparées. Après quelques heures, Friederike, qui est psychothérapeute, a été emmenée pour subir un interrogatoire. Le policier lui a lu à haute voix la promesse de confidentialité qu’elle contraignait chaque patient à faire au début de ses thérapies de groupes. « Là, j’ai su que j’étais vraiment dans le pétrin », dit-elle. « Je promets de ne pas divulguer l’endroit ou le nom des gens présents à cette séance, ou la nature du traitement. Je m’engage à ne pas nuire aux autres ni à moi-même de quelque façon pendant ou après cette expérience. Je promets que je sortirai plus sain et plus sage de cette expérience. J’assume l’entière responsabilité de ce que je fais ici. »

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Des buvards de LSD à l’effigie du chapelier fou
Crédits : DEA

La police suisse avait été alertée par une ancienne cliente dont le mari l’avait quittée après qu’ils eurent suivi la thérapie. Elle en tenait Friederike pour responsable. Ce sont les méthodes peu orthodoxes de Friederike qui lui ont causé des ennuis. Parallèlement aux séances traditionnelles de thérapie par le dialogue, elle a offert un catalyseur, un outil pour aider ses patients à se reconnecter avec leurs émotions, avec leur entourage et les épreuves de leurs vies qu’ils ont traversé. Ce catalyseur, c’était le LSD. Lors d’autres séances, ils utilisaient une autre substance : la MDMA ou ecstasy. Friederike a été accusée d’avoir mis en danger la vie de ses patients, de trafic de drogue à des fins d’enrichissement et de mise en péril de la société avec « des drogues intrinsèquement dangereuses ». Ce genre de thérapie psychédélique est marginalisée par la psychiatrie et la société alors que le LSD et la MDMA ont été conçus initialement comme des médicaments à l’usage de la thérapie. De nouveaux essais sont actuellement en cours pour savoir s’ils pourraient l’être à nouveau.

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