Pendant le confinement, le temps semblait s’être arrêté avec nos déplacements. Et pourtant, nous ne cessons pas un instant de bouger à une vitesse à peine imaginable. La Terre se déplace à 108 000 km/h autour du Soleil, qui lui-même se déplace entre 720 000 et 900 000 km/h autour du noyau galactique de la Voie lactée. Malgré son orbite régulière, le parcours de notre système solaire n’est pas sans embûche puisque des milliards de corps célestes croisent sa route au fil du temps.

Fort heureusement, la distance qui sépare notre Soleil des autres étoiles est la seule chose qui le sauve d’une collision… pour le moment. En effet, même si la distance qui le sépare de l’étoile la plus proche est de cinq années-lumière, dans un futur lointain, le système solaire, Terre comprise, pourrait bien manquer de chance et tomber sur une supernova ou un autre objet massif passant trop près de notre planète, entraînant au mieux une pluie d’astéroïdes, au pire une annihilation pure et simple. Rassurez-vous, un tel événement peut aujourd’hui être prédit des millions d’années à l’avance, mais serions-nous capable d’y échapper ?

Le propulseur stellaire

Une solution folle mais théoriquement plausible est donnée par certains scientifiques : il suffirait de déplacer notre système solaire tout entier pour éviter un tel cataclysme. Comment ? Grâce à un engin stellaire titanesque. Certes, l’humanité n’est pas près d’y parvenir. Mais ce genre de machine pourrait être construite par une civilisation intelligente bien plus avancée que la nôtre, capable de construire une « sphère de Dyson », une mégastructure hypothétique décrite en 1960 par le physicien américano-britannique Freeman Dyson.

Le but premier d’une sphère de Dyson est de capter une grande partie, voire la totalité de l’énergie lumineuse émise par une étoile afin de la réutiliser. C’est en quelque sorte le stade ultime du panneau solaire. Il serait possible de l’utiliser pour alimenter un propulseur stellaire, se servant de l’énergie du Soleil pour le déplacer, et tout son système avec lui.

Schéma de l’action du propulseur sur le Soleil, encerclé par une sphère de Dyson
Crédits : Kurzgesagt – In a Nutshell

Une telle structure est aujourd’hui irréalisable… du moins pour nous. Notre notion du temps civilisationnel repose sur des décennies, des siècles et des millénaires, mais ici, on parle de millions voire de milliards d’années d’évolution. Selon le grand physicien théoricien américain Michio Kaku, de l’université de New York, c’est là le principal défaut des gens qui ne croient pas en ce qui nous semble irréalisable, mais qui pourrait l’être en réalité pour une autre civilisation. « L’erreur fondamentale que font les gens lorsqu’ils pensent à une intelligence extraterrestre est de croire qu’ils sont comme nous, où qu’ils sont seulement plus avancés de quelques centaines d’années », déclare le professeur.

« Ouvrez votre esprit et votre conscience à la possibilité qu’ils sont des millions d’années devant nous », dit-il en précisant que cette avance technologique phénoménale signifierait que toutes les civilisations ne sont pas apparues en même temps. En effet, si une civilisation a eu des millions d’années pour évoluer, il est fort probable que celle-ci puisse réaliser des choses impensables pour nous aujourd’hui. Cette évolution est déjà observable sur les quelques dizaines de milliers d’années qui se sont écoulées depuis l’arrivée d’Homo sapiens en Europe, il y a environ 45 000 ans.

« Si l’on observe un jour d’autres êtres intelligents, il est plus que probable qu’ils existent depuis des millions d’an­nées, et qu’ils aient atteint un niveau technologique surpassant le nôtre par de nombreux ordres de magnitude », déclarait Dyson dans la revue Science le 3 juin 1960. En 1964, le scientifique russe Nikolaï Kardachev imaginait une échelle permettant de clas­ser les civi­li­sa­tions par leur consom­ma­tion d’éner­gie. Il existerait ainsi trois types de civilisations : celles de type I, qui peuvent utiliser l’intégralité de l’énergie présente sur leur planète (vous êtes ici), celles de type II, qui peuvent utiliser et contrôler l’énergie de leur étoile, et celles de type III, qui utilisent l’énergie de leur galaxie entière.

Déplacement de tout le plan du système solaire grâce au propulseur
Crédits : Kurzgesagt – In a Nutshell

Selon Alexander Svoronos, chercheur à l’université Yale, seule une civilisation de type II ou plus serait capable de déplacer son étoile, et donc tout son système solaire. Cela signifie qu’elle serait capable de créer une sphère Dyson et de mettre en place un propulseur stellaire. L’engin permettrait de déplacer leur étoile et par conséquent, les millions d’objets célestes qui y sont liés par la gravité. Le but premier d’une telle manœuvre serait poussé par la nécessité d’éviter un cataclysme cosmique avec une supernova ou un trou noir. Mais ensuite, une civilisation capable de déplacer son système solaire pourrait l’utiliser pour voyager dans l’univers, en explorant au passage les contrées qu’ils traversent.

Le Pr Matthew Caplan, physicien de l’université d’État de l’Illinois, propose pour sa part un propulseur stellaire qui ressemblerait à une immense station spatiale alimentée par la sphère de Dyson, qui récolte de la matière du Soleil pour créer une fusion nucléaire. Les vents d’hélium et d’hydrogène seraient canalisés au sein du réacteur. L’hélium serait ensuite brûlé dans un réacteur à fusion thermonucléaire. Le propulseur fonctionnerait donc comme une fusée, rejetant un puissant faisceau de particules pour déplacer le système solaire à 1 % de la vitesse de la lumière, soit environ à 1,1 million de kilomètres par heure.

En un million d’années, cet engin stellaire pourrait déplacer le Soleil de 50 années-lumière, assez pour éviter une supernova, un trou noir ou toute autre menace de cataclysme cosmique. Le propulseur Caplan permettrait de transformer tout notre système solaire en vaisseau spatial et donc de voyager partout au sein de notre galaxie, et même au-delà.

Si un tel projet ne sera probablement pas mis sur les rails avant plusieurs milliers ou millions d’années, sa plausibilité pourrait s’avérer précieuse pour la recherche d’une vie extraterrestre intelligente. L’univers est si vaste que les astrophysiciens se demandent immanquablement où chercher et que chercher. Des étoiles dont la lumière est occultée par des mégastructures placées autour d’elles ne passeront pas inaperçues.

Une chose est sûre, nous ne pourrons pas passer à côté de l’arrivée d’un système solaire entier en direction de la Terre.


Couverture : le Soleil.