La nouvelle est tombée hier, vers 16 heures. « Une élection très intéressante se déroule actuellement en France », a tweeté Donald Trump avec le sens de l’analyse qu’on lui connaît alors que les Français prenaient effectivement le chemin des urnes. Combien étaient-ils à tenir entre leurs mains le nom de celui ou celle qui ira défier le président américain au golf lors d’une visite diplomatique ? Impossible de le savoir à cette heure-là. https://twitter.com/realDonaldTrump/status/856146924705120256 Mais vers 19 heures, on connaissait déjà le chiffre de l’abstention. Enfin presque : 22 % selon LCI, 20 % d’après BFMTV et 19 % à en croire CNews. Tout le monde se lançait dans cette course de petits chevaux de la prédiction. Deux candidats qui promettent de nettoyer les écuries d’Augias, Emmanuel Macron et Marine Le Pen, sont finalement sortis en tête à 20 heures. C’est une autre course qui commence, plus déterminante que jamais. Avec tout cela, on en aurait presque oublié qu’un monde existait, au-delà des frontières françaises. Voici ce que l’actualité a eu de plus marquant.

Tensions

Loin, très loin de l’élection qui avait lieu en France, le vice-président américain Mike Pence a fait une pause dans sa visite diplomatique en Australie, dimanche, pour se rendre au zoo. En tant que premier membre de l’équipe de Trump à gagner l’île, il « ne pouvai[t] pas visiter l’Australie sans voir les kangourous », a-t-il déclaré dans un tweet accompagné d’une photo de sa famille avec l’animal. Pour terminer cette tournée asiatique de dix jours, l’ancien gouverneur de l’Indiana s’est aussi essayé à la diplomatie du koala, posant à côté du marsupial que l’ancien Premier ministre, Tony Abott, aimait exhiber. Il n’est en revanche pas près de bénéficier de la diplomatie du panda chinoise. La veille, Pence annonçait que le porte-avion Carl-Vinson était bien en route vers la Corée du Nord, un allié de l’Empire du milieu. Il sera « en mer du Japon d’ici quelques jours, avant la fin du mois ». Suspectée par l’État-Major américain d’avoir mis sa marine en alerte, la Chine avait réfuté vendredi 21 avril. La Russie a également nié avoir déployé des soldats dans la région. Les photos de ceux-ci postés sur les réseaux sociaux montraient « des manœuvres de préparation au combat absolument planifiées », selon le porte-parole du district militaire de l’extrême orient russe, Alexandre Gordeyev.

La croisée des frontières entre la Russie, la Chine et la Corée du Nord
Crédits : AFP

La veille, depuis le Japon, le numéro deux de l’exécutif américain avait alerté que « de gros nuages s’accumulent à l’horizon ». Craignant une attaque de la Corée du Nord, il promettait une réplique « écrasante et efficace ». Évidemment, Pyongyang n’est pas resté muet. Dimanche, alors que les bureaux de votes français emplissaient, le république populaire a carrément annoncé qu’elle était prête à couler le Carl-Vinson. À toutes fins utiles, elle a aussi prévenu qu’elle frapperait l’Australie avec des armes nucléaires si celle-ci suivait « aveuglément » son allié américain. « Nos forces révolutionnaires sont prêtes au combat », a déclaré le Parti des travailleurs nord-coréen. Pour ne rien arranger, Washington a appris le même jour que la Corée du Nord détenait un troisième de ses ressortissants. D’après l’ambassade de Suède à Pyongyang et le recteur d’une université de la capitale, Tony Kim était venu y enseigner après un passage par la Chine. Il aurait été arrêté à l’aéroport alors qu’il souhaitait quitter le pays. L’an dernier, un étudiant américain a été condamné à 15 ans de travaux forcés par les autorités nord-coréenne. Il était accusé d’avoir voulu voler une bannière politique.

Conflits gelés

Une fois les résultats connus, Donald Trump n’a plus reparlé de nos élections. En revanche, un cinéaste qui aime bien la France a profité qu’on lui donne la parole au festival du film de Tribeca, aux États-Unis, pour évoquer un destin sans doute plus important aux yeux du président américain : le sien. Selon le documentariste Michael Moore – qui avait prédit son élection avant tout le monde –, Donald Trump « sera destitué au milieu de son deuxième mandat. Je pense que l’équation est simple. C’est l’équation américaine. Rendez les gens imbéciles, ignorants et stupides. L’ignorance mène à la peur, la peur mène à la haine. Trump a très bien compris cette partie de l’équation. Et la haine mène à la violence. » Avant d’ajouter : « J’encourage vraiment les gens à ne pas monter dans le train de la peur. »

Michael Moore (à droite) sur scène au festival de Tribeca

Offensif sur le front asiatique, guerrier en Syrie, Donald Trump est pour le moment resté évasif à propos du conflit israélo-palestinien alors qu’il atteindra les 100 jours de mandat samedi 29 avril. Or, la situation ne s’arrange pas. Dimanche, un Palestinien a légèrement blessé quatre personnes à Tel Aviv au moyen d’un couteau. Dans le même temps, six Israéliens dont deux soldats de métier ont été arrêtés et inculpés à Beer-Sheva, dans le sud du pays. Ils sont accusés d’avoir commis des agressions physiques contre des Arabes à cinq reprises en utilisant des couteaux, des matraques et des barres de fer. Les suspects ont agi pour des « motifs nationalistes et racistes en vue d’empêcher des femmes juives d’entretenir des relations avec des Arabes », a indiqué la police. La situation ne s’améliore guère plus en Ukraine. Un membre de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a été tué alors qu’il menait une mission d’observation dans l’est du pays, en territoire séparatiste. Une mine a explosé au passage de son convoi, blessant gravement deux de ses collègues. Ces hommes – qui ne sont pas armés – sont déployés pour veiller au respect des accords de paix signés entre le pouvoir de Kiev et les rebelles du Donbass. Chaque jour, ils dénombrent plusieurs dizaines de tirs, en violation du cessez-le-feu. « Il est arrivé ce que nous craignions depuis des années », a réagi le ministre allemand des Affaires étrangères Sigmar Gabriel pour commenter cette première mort dans les rangs de l’OSCE.

Sant Jordi

Il ne s’est pourtant pas déroulé que des tragédies durant cette journée. Avant que les soutiens des différents candidats à l’élection ne défilent sur les plateaux pour se lancer des fleurs, les bouquets faisaient florès dans les rues catalanes. Méconnue dans le reste de la France, la Journée mondiale du livre et du droit d’auteur télescope la Sant Jordi, patron de la région, pour donner une grande fête populaire où se mêlent œuvres de l’esprit et de la nature. Chaque 23 avril, de Perpignan à Barcelone, les hommes offrent des fleurs aux femmes, lesquelles leur font cadeaux d’ouvrages. Un échange genré dont les origines remontent au temps d’un Empire romain crépusculaire.

La Casa Batlló couverte de roses pour la Sant Jordi, à Barcelone
Crédits : DR

Les roses rouges qui submergeaient les étals de toute la Catalogne, dimanche, ont été offertes pour la première fois au IIIe siècle par Saint-Georges. D’après la légende popularisée au Moyen-Âge, ce patron de la chevalerie chrétienne est venu à bout d’un dragon qui terrorisait la région, sauvant une princesse de ces griffes. Lorsqu’il lui administra le coup de grâce, le sang de la bête se transforma en fleurs, aussitôt remises à l’infante. Ce conte, ainsi que le martyr qu’il vécut réellement sous le joug de Dioclétien, valurent à « Jordi » de devenir patron de Catalogne. Ce n’est qu’en 1926 que l’écrivain et éditeur espagnol Vicent Clavel i Andrés proposa de donner son nom à une fête dont le but était de diffuser les livres des libraires de Barcelone. Il en profita pour rendre hommage à Miguel de Cervantes et William Shakespeare en fixant la date au jour de leur mort, un 23 avril. Ainsi devint-elle, par la volonté de l’Unesco, « Journée mondiale du livre et des droits d’auteurs » en 1995.

Kanté FC

L’Espagne célébrait aussi ce dimanche après-midi la victoire de l’Espagnol Rafael Nadal au tournoi de Monte Carlo, son cinquantième trophée sur terre battue. Personne n’a fait aussi bien que lui sur cette surface qu’il espère encore dompter à Roland-Garros. Lors du Grand-Chelem parisien qui commencera le 22 mai prochain, il visera une dixième victoire.

Lionel Messi talonné par Cristiano Ronaldo lors du derby

Dans les rues de Barcelone, la fête s’est poursuivie dimanche jusque tard. Tandis que le sort des candidats français était scellé depuis déjà trois quart d’heures, le club de football de la ville affrontait son rival madrilène pour le compte de la 33e journée de la Liga, classique parmi les classiques. Devancés au stade Santiago Bernabeu de la capitale après une demi-heure de jeu, les Blaugranas sont revenus à égalité pour prendre l’avantage à la 73e minute avant d’être rejoint par les joueurs de Zinedine Zidane à quatre minutes du terme. Mais un autre Ballon d’or est venu arracher la victoire. En inscrivant son 500e but, Lionel Messi a permis au FC Barcelone de l’emporter au bout des arrêts de jeu et doubler son rival en tête du classement. Le défenseur de l’équipe catalane Samuel Umtiti n’était pas le seul sportif français couronné de succès hier soir, puisque N’Golo Kanté a été désigné meilleur joueur de Premier League de la saison par ses pairs peu avant minuit. Âgé de 26 ans, le milieu de terrain de Chelsea a été préféré à Eden Hazard, Harry Kane, Alexis Sanchez, Zlatan Ibrahimovic ou encore Romelu Lukaku. Enfin une élection qui nous donne le sourire.


Couverture : Paysage politique. (DR)